Il fallait voir le succès des parades organisées pour la promotion des comédies musicales accessibles aux petits comme La cigale sans la fourmi, plébiscitée quelques semaines plus tôt à Paris en recevant le Trophée de la Comédie Musicale Jeune Public, et qui se jouait à 14 h 15 au Collège de la Salle. Cette fourmi privée de la cigale se sent comme un Noël sans son sapin. Elle va donc la chercher avec le concours de ses compagnons (Lièvre, Renard et Grenouille), convaincus qu'il y a mieux à faire que voler un camembert.
On apprend des mots savants comme hémiptère pour désigner la cigale et on révise des fables moins connues comme Le Lion et le Rat (dans un joli numéro de claquettes) ou Le Lièvre et la Grenouille. On assiste à un concours de spam époustouflant. Les costumes sont inventifs. Et on finit par admettre la règle élémentaire de la chaine alimentaire, voulant qu'on a toujours besoin d'un plus petit que soi.
On pouvait aussi choisir à 10 h 10 Augustin pirate des Indes, au Théâtre des Corps Saints, qui présente une recherche de trésors assez comique mais offrant des émotions olfactives comme la cannelle, la girofle. Un spectacle sympathique que j'avais vu à Paris il y a quelques années.
J’ai été emportée par la forêt de A Petits Pas Dans Les Bois par le Toutito Teatro à Présence Pasteur à 9 h 30. C’est une adaptation évidente du Petit Chaperon Rouge conçue pour être accessible à partir de 2 ans car elle ne demande qu'une demi heure d'attention. Ce théâtre est gestuel et visuel, rarement parlé ou alors de mots croqués et craquants.
L'idée de départ a surgi d'une poupée représentant à la fois le Petit Chaperon Rouge, la grand-mère et le loup et sa découverte (sur un vide grenier) est merveilleuse. La troupe sait mettre à l'aise les familles en les rassurant : sentez-vous libre de faire ce qu'il faut pour le confort de votre enfant. De fait je n'ai entendu aucun pleur, cri ou chouinement d'aucune sorte.
L'animal vole la pomme à l’enfant qui apprendra que "bien mal acquis ne profite jamais". Entre temps ils seront presque devenus amis mais chassez le naturel ... il reviendra ... à pas de loup et le spectateur comprendra que l'habit fait bien le moine. Les enfants étaient très attentifs. Quand la comédienne déroule un large ruban blanc qui tombe sur le sol comme un chemin, j'ai vu un bout de chou sachant à peine marcher quitter les bras de ses parents pour avancer vers la scène, totalement séduit par le propos.
Plus tard, le loup dansera avec le Chaperon une moon-walk façon Charleston des années folles. Rien n’est caché, le loup reste un dévorateur et pourtant le petit tour avec eux dans les bois est magique. Jugez vous-même :
J'ai apprécié Le Petit Prince, à 15 h 55, au Coin de la lune, par la Compagnie Le Vélo volé dont j'avais vu Le Jeu de l'Amour et du Hasard en 2014. Le principe de faire résonner le texte en accompagnant les deux comédiens par un musicien est intéressant. On comprend la volonté de restituer une atmosphère astrale mais la musique aurait -de mon point de vue- gagné à s'évader parfois du domaine sériel.
L'accident d'avion est bien rendu. Hoël Le Corre qui interprète l'enfant est remarquable, semblant échappée du conte de Saint-Exupéry, lequel avait raison d'estimer que son oeuvre était un livre pour enfants, écrit à l'intention des grandes personnes. La salle était occupée par une majorité d'adultes dont manifestement beaucoup le découvraient (ou l'avaient oublié) puisque les applaudissements ont retenti au moment où l'aviateur refuse le départ de l'enfant. Il est d'ailleurs regrettable d'avoir ajouté cette réaction qui ne figure pas dans le texte original et qui induit le public en erreur.
De nombreuses citations sont ultra connues mais chaque phrase mérite qu'on s'y attarde. Je me suis demandé ce que l'auteur aurait pensé de Facebook alors qu'il pointait qu'il n'existait pas de marchands d'amis pour ceux qui n'en ont pas.
Il ne peut pas être compris par de très jeunes enfants mais la manipulation des marionnettes (qui sans se cacher réussit à se faire oublier), l'absence de dialogues, et le déploiement des carnets de dessin est si bien orchestré que Vent debout devient accessible à tous, aux bébés, aux enfants sourds, comme aux adultes curieux ...
La Compagnie des Fourmis dans la Lanterne, permet de comprendre littéralement l’expression "entrer dans une histoire".
Ce petit bonhomme qui prend vie, lutte et ne perd jamais espoir devient un modèle à suivre. Le vent représente l'oppression qui emporte tous les mots, toutes les envies de communiquer. mais en suivant le petite fille nous découvrons un monde de papier journal, où les pensées s'expriment sur les murs, supports de toutes les libertés.
Dans un prochain article je parlerai de spectacles, autant esthétiques qu'intelligents, s'adressant à de plus grands et que j'ai vus au 11 Gilgamesh Belleville comme Vilain! et Le Dernier Ogre.