L'exemple pris est évidemment caractéristique d'un immobilisme surprenant. Après tout, le service d'épargne automatique intelligente que propose Digit depuis 5 ans – qui a, depuis, été copié aux 4 coins de la planète – devrait logiquement être fourni par les banques. Elles disposent des données nécessaires, la technologie à mettre en œuvre n'est pas extraordinairement complexe et les 500 000 utilisateurs existants de la jeune pousse tendent à démontrer que les consommateurs apprécient le concept.
Une évolution récente de l'application de Digit consistait en l'introduction d'une option de transfert instantané des fonds mis de côté vers un compte courant. Plus importante qu'il n'y paraît, cette addition est présentée comme un moyen de faire face à une urgence sans délai, donc sans s'exposer à des frais de découvert ou de carte de crédit. Et voilà comment Bob Meara arrive à la conclusion que les établissements traditionnels tiennent trop aux revenus générés par ces derniers pour adopter ce genre de solutions.
D'emblée, le raisonnement semble un peu tiré par les cheveux, car il sous-entend que les banques seraient enclines à décourager l'épargne chez leurs clients, au profit de leurs produits de crédit. En admettant qu'il intervient malgré tout, on ne peut alors que concorder à l'idée qu'il serait plus sage de ne pas laisser l'opportunité aux mains de concurrents émergents, surtout quand ceux-ci parviennent à dégager des revenus récurrents non négligeables (5 dollars par mois par utilisateur) avec leur modèle.
Cependant, je ne crois pas que la menace sur la manne des frais de découvert soit la principale raison du désintérêt des acteurs historiques pour l'épargne automatique. Je pense plutôt que sa première cause est la même qui permet, depuis au moins une décennie, à des trublions de prendre pied dans une multitude de niches plus ou moins étroites du secteur financier et qui peut se résumer à une certaine inconscience des besoins fondamentaux des clients dans une époque où le rapport de forces s'inverse.
Pour la plupart des banques, la stratégie focalisée sur la vente de produits – et un « conseil » aligné sur ce dogme – reste la norme et ne peut laisser place à une vision d'accompagnement de la vie quotidienne du consommateur (ou de l'entreprise). Dans leur esprit, le principe d'un assistant d'épargne est aussi éloigné de leur métier que le coaching sportif. Même quand elles font un effort dans cette direction, elles ne réussissent pas à vraiment se mettre à la place de leur client : ainsi, dans un cas cité par Bob Meara, RBC (avec NOMI) ne se préoccupe pas des personnes multibancarisées.
Bien au-delà de Digit et de son application, les institutions financières resteront incapables de reproduire les bonnes idées de la FinTech tant qu'elles n'auront pas appréhendé une nouvelle perspective vis-à-vis de leur raison d'être, réellement axée sur le service rendu au client. C'est le même défaut qui les empêche de comprendre la direction que prend le secteur à plus long terme, notamment vers la notion de services invisibles…