L'imaginaire populaire a longtemps associé Bornéo au pays des coupeurs de têtes...
Petits frissons de sauvagerie passés, nous savons que la chasse aux têtes n'était nullement l'apanage de Bornéo, ni non plus la marque de cruauté la plus totale puisque celle-ci s'inscrivait dans le cadre de rituels et dans un cycle de sacrifices au nom de la fertilité. (ceci ne justifiant pas cela)
Il est néanmoins évident que les "grands" coupeurs de têtes se distinguaient des autres et de fait, la réussite dans la chasse aux têtes constituait un marqueur fort distinguant l'homme de prestige de l'homme du commun.
Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que seuls les Dayak semblent avoir développé dans tout l'archipel indonésien, la pratique d'ornementation des crânes. (Soulignons néanmoins dans la partie indonésienne de la Nouvelle Guinée, l'existence chez les Asmat et les Marind-Anim de pratiques d'ornementation mais quelque peu différentes)
On connait aussi les toi moko des Maori qui ont été un temps exposés dans les musées ethnographiques et retirés de nos jours afin d'être, pour certains, restitués aux populations concernés ; mais on connaît certainement moins ces crânes trophées pour la plupart attribués aux Iban et aux Bidayuh du Sarawak.
Antonio Guerreiro en s'intéressant au crâne Dayak des collections du musée des Confluences (n°60003168A, cf photo ci-dessus), apporte de nombreuses précisions :
Télécharger son article : "À propos d’un crâne gravé de Bornéo au Musée des Confluences de Lyon" in Archipel, volume 84, 2012. Il rappelle qu'il ne s'agit pas de crânes d'ancêtre (conservé et paré comme on le connait dans certaines cultures), mais bien de crânes trophées rapportés dans le cadre de la chasse aux têtes. Les ornementations de ces crânes sont de trois types (revêtement d'une feuille d'étain et gravure (cf. photo 3 ci-dessous), décors incisés ou gravés directement sur l'os, décors de fines perles insérées dans une gomme, la gutta-percha) avec bien sûr des parures accessoires. Le mode décoratif le plus répandu chez les Bidayuh est le second type avec un décor floral. Ce dernier "évoque la croissance des plantes, une métaphore de la "vie" et de la fertilité".
Dans le quotidien, les crânes étaient suspendus dans des vanneries de rotin dans les ruai des maisons longues et pouvaient être interprétés comme le symbole de l’unité de la communauté.
L’abolition de la chasse aux têtes remonte à 1920 sous l’impulsion des autorités coloniales néérlandaises pour le Kalimantan et sous l’administration Brooke au Sarawak dans la deuxième partie du XXème siècle.
À suivre...
Photo 1 de l'auteure, Sabah Museum, Kotakinabalu 2016.
Photo 2 : Crâne gravé Dayak, © Musée des Confluences 60003168A.
Photo 3: Crâne Dayak revêtu d'une feuille d'étain et gravé, 1884, Kalimantan Barat © RV-427-22