Il y a trois ans, j'avais écrit une recension sur un recueil de poésie du congolais Paul N'Zo Mono, Si patrie en était une... Un texte engageant pour reprendre la qualification d'un autre illustre écrivain du Congo. Avec Une lumière sur la chandelle, NZo Mono me donne à chaque poème envie de mieux explorer ce genre littéraire... La poésie.
Sang soleil
Paul N'Zo Mono articule son recueil de poésie autour de quatre séquences. Je porterai mon regard sur ces différentes sessions qui portent sur des thèmes spécifiques. Sang soleil : on pourrait dire sang et soleil. Mais le poète a choisi un autre agencement. Il n'est pas d'ailleurs aisé de saisir ce congolais dans ses constructions. Sang renvoie à la question de la filiation biologique, au partage familial et à la transmission. Elle prend plusieurs formes, cette transmission. L'amour d'une mère qui construit forcément l'individu quand il est donné sans parcimonie par Niangui. La mémoire des violences anciennes et présentes est également convoquée par Bikinda. La colonisation. Les grottes. Les lieux de repli. Un poème adressé à sa grand mère. La parole du frère - Jean-Michel - qui semble porter le poète dans son mouvement vers l'ailleurs. Ces poèmes se revêtent de nostalgie et définissent le point de départ du poète. Contenance. Persévérance dans la douleur. Discours nostalgique sur le départ.En difficulté mais au taquet pour affronter la vie si elle est source d’espoir.Quelques maîtres mots du poèteJe chante ma chanson [...]Elle m’apaise... Le chant intime du poète ?
Je chante ma chanson
Celle qui grince et déchire le silence
Celle qui crève le tympan et brise l'harmonie
Celle qui ne plaît qu'à mon âme de tambourineur (p.27)
L’amour fuyant
Pourquoi parle-t-il d'amour fuyant, le poète ? Qu’est ce donc que cet amour qui se barre pour faire dans une esthétique moins poétique? Qu’est-ce donc ce sentiment dont le poète a peur qu’il s’éteigne ? L’amoureux ou celui qui tend à l’être comprend le verbe du poète. Il y ressent toute la fragilité du sentiment naissant. « Etoile filante de ma plaie, te poursuivre de mon souffle gourmand à l’usure de ma faim? » (p.35). Naturellement, je peux me planter dans cette lecture du poète. Il y a de la géographie. On perçoit les îles. « Le désir m’étreint à tes cils créoles » (p.35). Tout reste cependant aléatoire trop fragile : « Je m’accroche au rêve mais le vent t’enlève comme un papillon » (p.36).Décidément… Je commence à aimer la poésie.
Une lumière sur la chandelle
De Londres, je poursuis ma lecture mais les nouvelles pages se veulent plus sombres. De l’amour consenti on sombre dans le viol incessant. Attention, le poète a quitté le chant de la quête amoureuse pour mettre des mots sur la dévastation d’un pays.Ebène ma congolaise forêt
Mon arbre amour
Je ne peux aujourd’hui reposer ma peine
Je souffre encore de ces glands insidieux
Qui ont divas-té l’intime fierté de ton jardin (p.42)
Je m’arrête là pour rappeler que j’ai reçu Paul Moubembé N’Zo Mono aux lectures de Gangoueus pour échanger autour de Si patrie en était une… Son second recueil de poésie qui rejoint celui-ci sur certains thèmes. En publiant en 2006, Une lumière sur la chandelle, N’Zo Mono prend à bras le corps une décennie de violences politiques et de guerre civile au Congo. Il évoque ce peuple asmathique au coeur du tourbillon, ces cadavres dansant aux musiques des fusils, ces suffoqués à l’oxygène enfumé des bombardements…
Ville à l’encre rouge
C’est l'histoire d'une guerre civile en pleine capitale.Les mots de N’Zo Mono sonnent juste. Comme son nom d’ailleurs. Une seule maison. En avons nous plusieurs ? Mon avis est que les textes de N’Zo Mono doivent cesser d’être ignorés. il met le doigt sur ces épisodes douloureux sur lesquels nous peinons à mettre des mots. Ali Chibani fait la même chose en Algérie où pendant longtemps il était interdit d’écrire sur les années noires. Le pouvoir congolais se nourrit de ces silences. L’argument massue de ce dernier étant son maintien ou la reprise de la folie meurtrière. Le viol continue.
Paul N'Zo Mono, Une lumière sur la chandelleEditions L'Harmattan, Collection Poètes de cinq continents, 2006, 82 pages