Programme de réadaptation, partie 2 de 2

Par Anniedanielle

Suite à mon évaluation de juillet 2018 pour confirmer le début de mon programme au centre de réadaptation Constance-Lethbridge, je devais avoir plusieurs rencontres avant que le programme début en tant que tel : travailleur social, nutritionniste et ergothérapeute.

Travailleur social

J’ai eu ma première rencontre individuelle avec le travailleur social (que j’avais vu à l’évaluation) au début du mois d’août 2018.

C’était un peu comme une deuxième rencontre d’évaluation, mais uniquement au niveau psychosocial. Deux heures de questions personnelles, parfois intimes et souvent difficiles émotivement.

En même temps, c’était une entrevue presque identique à celle que j’avais passée deux ans plus tôt avec la travailleuse sociale du Centre intégré de santé et de services sociaux (CIUSSS), au moment d’évaluer mon dossier (pour savoir à quels services j’avais droit).

Des questions concernant mes habitudes de vie, mes capacités et handicaps, mes besoins, mes amitiés, ma famille, mon couple, mon moral, mes anxiétés face à l’avenir, tout ça.

Je mets n’importe qui au défi de parler de trucs qui remuent les émotions pendant 2 heures… vous serez carrément épuisés.

Compréhension limitée

L’avis du travailleur social était que je rationalise presque trop ma réalité. Après tout, ça n’est pas normal d’arriver à parler des possibilités de mourir, de perdre la vue ou de perdre son autonomie sans craquer, non?

Ce qu’il n’a pas compris, c’est qu’il y a une différence entre avoir l’habitude d’en parler, d’expliquer, de sensibiliser… d’avoir fait sa recherche, de comprendre les faits… d’accepter les possibilités… mais de ne pas trop s’y arrêter! Parce que ça ne sert à rien de s’apitoyer sur un sort qui ne s’est pas encore produit ou ne se produira peut-être pas!

Il n’a pas compris, non plus, que bien sûr que ça m’arrive de me fâcher contre la vie, de pleurer, de me décourager! …mais ce n’est pas tout le temps, et quand ça va bien, je peux parler des mauvais moments sans m’écrouler. C’est ce qui fait que je peux faire de la sensibilisation!

  • moi en 2018
  • Aussi moi en 2018

Mais il ne comprenait pas cet aspect non plus. Quand j’ai mentionné que je faisais de la sensibilisation, il a balayé ça du revers de la main en me disant que je devrais plutôt me concentrer sur moi. Wow… pas fort!

Une chose que j’ai beaucoup appréciée, c’est qu’il m’a dit qu’il allait essayer de contacter mon CIUSSS et voir s’il pourrait y avoir des choses pour m’aider, des programmes, qui n’étaient pas encore en route et qu’il pourrait lancer.

Il a aussi indiqué que, le temps du programme (environ 6 mois), je pouvais le voir/le contacter aussi souvent que j’en avais besoin, et qu’il était aussi disponible pour les membres de ma famille et mon conjoint (et qu’on devrait en profiter, puisque c’était temporaire et gratuit!).

Déception

Quelques semaines après cette rencontre, je lui ai écrit pour lui indiquer que ma mère et mon conjoint étaient chacun d’accord pour une rencontre (on s’est dit que ça leur ferait du bien de ventiler), et j’ai indiqué quand ils seraient disponibles.

J’ai aussi écrit une liste de problèmes avec lesquels j’avais besoin d’aide, sachant qu’il ne pourrait probablement pas aider (mais sait-on jamais), et indiqué que je me sentais dépassée par l’ensemble des choses à gérer et le manque de soutien. Il m’a téléphoné pour me dire qu’il avait imprimé mon courriel « parce qu’il y a beaucoup de contenu et que je ne veux rien échapper! » et qu’il allait me revenir avec des réponses.

Lors du rendez-vous suivant (début septembre 2018), qui devait durer une heure… nous n’avons eu que 30 minutes.
Il m’a posé quelques questions de suivi, m’a expliqué que j’allais voir la nutritionniste ce jour-là et l’ergothérapeute bientôt… et ce fut tout!
Il était déçu que mon conjoint, qui m’accompagnait ce jour-là, ne soit pas entré dans le bureau avec moi… mais il n’aurait pas eu deux secondes!

Au moment de sortir du bureau, j’ai demandé s’il avait des nouvelles à propos de mon courriel… il m’a dit qu’il y avait « vraiment beaucoup de contenu » et qu’il n’avait pas eu le temps d’y voir, mais qu’il allait s’en occuper bientôt.
Ça fait un an, je n’ai plus jamais eu de nouvelles de sa part.

Ce qui signifie qu’il n’a jamais donné suite, non plus, aux rendez-vous auxquels mon conjoint et ma mère étaient intéressés et pour lesquels il insistait pourtant.

Des connaissances en nutrition

J’ai donc aussi vu la nutritionniste ce jour de septembre 2018.

Dès les premières minutes, elle m’a dit que je n’aurais jamais dû avoir rendez-vous avec elle. C’est qu’après avoir discuté un peu, elle a vu que je n’avais pas du tout besoin de ses services!
Mais, voyez-vous, on ne vérifie pas si les patients en ont besoin, on respecte la procédure : après l’évaluation, c’est le TS puis la nutritionniste!

Mes connaissances ont commencé par un baccalauréat en psychologie, qui incluait des cours de biologie, et la base de l’alimentation est dans la bio!
Ensuite, j’ai lu des articles informatifs (de sources fiables) ici et là, pour m’informer.
Surtout, mon père a eu un diagnostic (erroné!) de diabète de type 2 au milieu des années 2000. Je m’étais alors lancée à fond dans l’apprentissage nutritionnel.
Et depuis plusieurs années, je suis moi-même atteinte de gastroparésie, ce qui a nécessité d’autres recherches et une diète toute particulière.

Ça fait donc de nombreuses années que je sais :
– Que les calories ne sont pas toutes égales (100cal de raisins c’est pas mal mieux que 100cal de bonbons!);
– Que les gras non plus (des noix, c’est du gras, mais c’est bon pour la santé!);
– Qu’il est bon de manger un peu moins de viande, et idéalement de la viande blanche.

Pour moi plus spécifiquement :
– Que je dois consommer beaucoup de sel;
– Que je dois augmenter mes protéines et diminuer mes glucides (pas pour suivre une mode ni pour maigrir, simplement parce que présentement mon régime n’est pas équilibré à ce niveau!);
– Qu’il faudrait que je mange un peu plus de poisson;
– Que je ne peux pas manger beaucoup de fibres (heureusement, je peux maintenant en manger plus qu’avant), mais qu’il faudrait manger le plus de fruits, légumes et légumineuses possible!

Une nutritionniste surprenante

En allant à cette rencontre, j’avais peur de tomber sur une personne qui n’y connaîtrait rien et qui essaierait de me faire manger moins salé ou plus de fibres… mais elle connaissait bien mes problématiques et était habituée de gérer des cas complexes comme le mien, avec des restrictions qui se contredisent.

Elle était un peu découragée que je sois là « pour rien », puisqu’elle trouvait vraiment que je gérais mes affaires très bien.
Elle n’avait même rien à redire sur mes collations pas toujours santé!

Par contre, elle a pu me donner des conseils pour mon manque de protéines : malgré tous mes efforts, puisque je ne peux pas manger beaucoup à la fois (ni beaucoup tout court), je manque toujours de protéines. Comme ces protéines donnent de l’énergie, j’en ai besoin!

Elle m’a donné quelques trucs : ajouter du lait en poudre dans mon lait le matin (ça change un peu le goût, mais ça va… j’essaie de m’habituer!), faire des smoothies et y ajouter du lait en poudre ou des protéines de lactosérum en poudre, choisir comme collation du fromage feta, qui est fort en protéines en plus d’être très salé.

Elle m’a aussi conseillé de demander à mon cardiologue de recommencer les capsules de sodium (que l’endocrinologue avait prescrit en 2012 et a prescrit pendant 5 ans, mais a cessé soudainement, oubliant pourquoi il m’en prescrivait…« parce que trop de sel c’est pas bon »). Étant elle aussi d’avis qu’avec mon POTS, j’en ai besoin, et que jamais je ne pourrai compenser 1g de sel (la quantité que j’avais en capsule) rien qu’avec mon alimentation.

Je n’étais pas déçue et n’ai pas regretté ce rendez-vous. C’était agréable de voir mes connaissances confirmées et j’ai beaucoup apprécié ses petits trucs!

L’ergothérapeute en reprise

Je devais initialement commencer mon programme de réadaptation en septembre 2018.
Cependant, en septembre 2018 j’ai vu la nutritionniste… puis plus rien.

On m’a avisée qu’ils étaient en pénurie de physiothérapeutes et d’ergothérapeutes, et qu’on m’appellerait plus tard.

J’ai finalement eu un premier rendez-vous téléphonique avec l’ergothérapeute en février 2019!

En gros, elle m’a demandé quelles étaient mes attentes (je n’en avais aucune!) et m’a expliqué ce qu’elle pourrait faire pour m’aider.
Il a été clair assez rapidement que j’avais déjà eu ce service!
En effet, à l’automne 2013, à notre ancienne maison, une ergothérapeute, envoyée par le CLSC (Centre local de services communautaires – anciens CIUSSS), était venue évaluer mes besoins et recommander l’adaptation de domicile.

Ce que cette nouvelle ergo pouvait faire pour m’aider était d’évaluer mes besoins (au travail, pour cuisiner, pour me laver, dans mon fonctionnement quotidien, quoi) et de trouver avec moi des moyens de rendre cela plus facile.
Évidemment, ma situation a beaucoup évolué depuis 2013, ne serait-ce que parce que j’ai déménagé! …mais l’évaluation ne se fait pas à domicile, elle se fait au centre de réadaptation.

Donc, en général… les conseils que j’ai eu en 2013, les équipements dont on m’a parlé, tout ça… on va recommencer? Disons que je manquais de motivation.
Mais je me sentais coupable!
J’ai la chance d’avoir été acceptée dans ce programme, le seul programme de la région (du Québec?) pour les syndromes d’Ehlers-Danlos… j’ai la chance qu’on m’offre de l’aide… et je vais refuser?
Cette gentille ergo m’offre de l’aide et je vais être la méchante qui dit qu’elle n’a pas besoin? Ne même pas lui laisser la chance? Ce serait comme lui dire que ses services ne sont pas à la hauteur!

Bien sûr que j’ai dit qu’on allait se rencontrer. Elle a bien senti que je manquais d’enthousiasme, elle savait aussi pourquoi… mais on a pris rendez-vous.

L’instinct d’ergo

Février 2018 : évaluation.
Deux heures à répondre à un nouveau questionnaire, celui-là axé sur mes besoins physiques, mon fonctionnement. Ce que je fais comme travail, comme loisirs. Mes handicaps. Mes limitations. Comment je m’assois dans un véhicule. Comment je me lève d’une chaise.

J’ai eu la grande surprise de me faire dire que je faisais tout d’une façon ergonomique. Tout! Je ne me suis pas fait reprendre sur une seule position ou mouvement! Même ceux que j’étais convaincue de mal faire (comme la façon dont je me tiens dans mon fauteuil roulant).

Je crois que c’est le fait de deux choses : l’expérimentation (essais et erreurs) et la danse.

Expérimentation, parce qu’au fil des ans, on s’aperçoit que certains mouvements et certaines positions nous blessent… une personne en santé ne s’en rend peut-être pas autant compte. Donc en fait, le SED même y est pour quelque chose!
Mais, donc, si je me fais mal au dos à plusieurs reprises en m’assoyant dans la voiture d’une certaine façon, je vais essayer de trouver une autre méthode. Une nouvelle méthode pour éplucher des légumes, pour ouvrir un pot, etc.
Il faut croire que l’instinct de conservation est pas mauvais!

Avec les syndromes d’Ehlers-Danlos, on a souvent des problèmes de proprioception (savoir placer son corps dans l’espace). Je ne compte pas le nombre de fois où je me cogne dans un cadre de porte, ou me cogne la main sur un rebord de table, etc.

Mais j’ai fait de la danse pendant environ 15 ans… et ça m’a aussi appris à savoir (si je fais attention) exactement où sont mes membres et comment les déplacer. Je crois donc que c’est ce qui m’a permis, il y a presque 20 ans, de réapprendre à monter et descendre les escaliers : j’avais très mal aux genoux et j’ai réalisé que mes genoux n’étaient pas alignés (ils pliaient vers l’extérieur).
Chaque fois que je montais ou descendais un escalier, je faisais un effort conscient pour plier le genou en ligne avec mes orteils. Comme un exercice de danse. Et maintenant, sauf exception, c’est toujours comme ça que je fais. Idem pour plein d’autres mouvements!

Deuxième déception

Lors de ce premier rendez-vous, l’ergo a noté quelques trucs qui pourraient m’être utiles et sur lesquels elle voulait s’informer (par exemple, une loupe d’écran d’ordinateur et un logiciel de dictée vocale compatible avec Mac).
C’est principalement en raison de cela que j’ai pris le rendez-vous de suivi avec elle en avril… parce que sinon je trouvais que ce serait une perte de temps. Mais elle allait s’informer pour moi, donc j’allais faire l’effort de me pointer!

Malheureusement, au rendez-vous d’avril 2019, il n’a jamais été question des choses qu’elle devait vérifier.
Mais ça n’a pas été une totale perte de temps.

Après avoir terminé le questionnaire (qu’on n’avait pas fini en 2 heures en février!), elle m’a amené dans leur cuisine de démonstration, où elle m’a fait essayer des couteaux ergonomiques, un tabouret spécial (qu’on appelle « assis-debout ») et m’a donné un tube de mousse assez long avec lequel j’ai pu faire plusieurs manches pour cuillers de bois ou autres ustensiles de cuisine (plus facile pour mes mains) et une feuille de silicone très collant, génial pour rendre des trucs plus facile à agripper ou pour aider à ouvrir un pot.

Le tabouret spécial serait très utile pour moi (j’utilise présentement un tabouret en bois, mais il est un peu trop haut, et la façon dont c’est fait m’oblige à m’assoir de côté au poêle, donc mon dos est tordu et mes épaules aussi).
Malheureusement, quand j’en ai parlé à ma travailleuse sociale du CIUSSS, elle m’a dit que je devais attendre l’évaluation de leur ergothérapeute… pour laquelle j’attends depuis plus de 3 ans. Génial!

Suite à tout ça, j’ai finalement eu l’appel de la coordonatrice de physiothérapie ce printemps… et nous avons convenu que ça n’avait pas de sens que je tente la réadaptation en 2019.
Le but de la réadaptation est de se renforcir. De pouvoir faire plus.
C’est assez difficile à faire quand on ne peut pas marcher. Je ne pourrais pas faire la majorité du programme.

Alors on a fermé mon dossier, mais je peux rappeler pour le rouvrir quand je veux, suite à ma chirurgie, même si c’est dans 7 ans (qu’elle a dit… j’espère que c’est vrai!).

Mon évaluation du programme

Sincèrement, je suis très déçue.
Je croyais que ce programme était une prise en charge du patient SED et qu’ils aidaient à coordonner un peu… Finalement, ils ne peuvent même pas parler avec les autres intervenants (CIUSSS, médecins).
Je suis d’autant plus déçue qu’à presque tous les niveaux, on m’a promis plus d’aide que ce qu’on m’a donné.

Je pense malgré tout que c’est un programme hyper important et que ça va aider beaucoup, beaucoup de gens.
Mais ce n’est pas pour des patients comme moi, qui ont le diagnostic depuis près de 10 ans et qui vivent avec les symptômes depuis plus de 20.

Quand l’ergothérapeute m’a dit qu’elle pouvait m’aider à apprendre à gérer mon énergie, je suis partie à rire! J’ai appris à gérer mes cuillers avant même d’avoir le diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos, quand je pensais encore que j’avais le syndrome de fatigue chronique! Je dirais même que c’est parce que j’ai réussi à apprendre à gérer mon énergie que j’ai réussi à obtenir le diagnostic de SED, parce que c’est ce qui m’a permis de continuer à me battre!

Par contre, une personne dans la vingtaine, qui vient d’obtenir un diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos, qui ne connaît pas vraiment la maladie et qui n’a pas encore trop de dommages articulaires peut définitivement bénéficier de tous ces spécialistes : réadaptation afin de retrouver plus de force physique, écoute d’un TS qui comprend le SED, nutritionniste qui comprend les complexités et donne de précieux conseils, trucs d’une ergo spécialisée qui aide à prévenir les blessures, et nouvelles orthèses adaptées au SED (un autre service dont je n’ai pas eu besoin).

Si vous êtes de la région de Montréal et que vous croyez que ces services pourraient vous aider, n’hésitez pas à vous informer et demander à votre médecin de remplir leur formulaire de demande d’inscription au programme!