Ecraser les colimaçons comme autant de mots dont on voudrait extraire la moelle pour les entendre chanter. Ecouter le vent, les souffles et la voix intérieure qui fait l'écho de la mémoire. Retrouver les silhouettes disparues, la mère du narrateur qui continue à danser dans les livres, la lumière et le noir à Marseille, la petite maison au bord de la Durance...
Dans ce dernier roman de René Frégni, l'intrigue tourne autour d'un vieux monastère perdu dans les collines aux alentours de Manosque. Mais le narrateur, improbable gardien de ce monastère, ne s'y penche pas pour prier mais pour ramasser les champignons et s'émerveiller de la beauté du monde. Car il s'agit avant tout pour l'auteur d'interroger le monde et de chercher inlassablement la mécanique de l'écriture comme on fait tourner le moteur d'un solex...
Tous ces rouages, cette rumeur qui emplit les livres de Frégni sont intimement attachés à l'univers du polar noir. Et même si (ce sont les lois du genre) il amène toujours son lecteur au seuil de l'horreur et de la barbarie, il privilégie toujours les moments de méditation et de contemplation. Et, s'il suit les pas du diable (qui, comme le rappelle Dostoïevski cité en exergue, habite l'homme et tue l'innocent), le lecteur suit aussi le romancier et redécouvre en sa compagnie les plaisirs simples, ceux qui sont bons pour la planète, la marche à pied, la tasse de café, le verre de Côtes du Rhône qui sent bon la caillasse et qui facilite l'effroi.