C’est l’histoire d’une ligne
droite
c’est l’histoire d’une ligne de démarcation droite
d’une limite qui scinde un territoire
partagé par une ligne flottante
c’est l’histoire d’une ligne brumeuse
qui trouble la marche
fait vaciller
une ligne mirage
image qui se nourrit de l’irrésolu
c’est l’histoire d’une droite cannibale
qui dévisse les têtes de leurs socles humains
et les dévore
Histoire 2
C’est l’histoire d’un jeu
c’est l’histoire d’un je sans règles
dans un jeu de pions qui avancent et reculent
un jeu déréglé
aux rois confus
aux reines chaotiques
c’est l’histoire d’un jeu de l’esprit
plein de non-dits
formant des arabesques de silences
l’histoire d’un je aux silences anarchiques
qui se mettent à scander les règles d’un jeu
mais trop tard
quand plus personne n’écoute
Histoire 3
C’est une histoire de silences
qui à force de ne rien projeter
projettent des myriades de questions
des flots de malentendus
l’histoire de silences aussi bavards que des mensonges
nimbés de trahisons muettes
c’est l’histoire de silences émis
espaces bruyants bruits entêtants
valses stridentes
remplir d’images ce qui se dérobe
et habiller de vide les mots
ou comprendre qu’il n’y a rien à comprendre
et que c’est l’histoire d’une histoire
qui se tait
***
Carla Lucarelli (née à Luxembourg en 1968) – Dekagonon (Phi, 2016)