Ce sixième roman traduit de l’auteur islandais Jón Kalman Stefánsson invite à découvrir des bribes du parcours chaotique d’Ásta, dont le prénom signifie, à une lettre près, « amour » en islandais (ást).
Ásta conçue avec autant d’amour que de fougue par Sigvaldi et Helga sur une robuste table de cuisine. Ásta, adolescente turbulente, envoyée chez un fermier dans les fjords de l’ouest de l’Islande afin de la remettre dans le droit chemin. Ásta, étudiante qui tente de se suicider dans sa petite chambre à Vienne…
Sigvaldi, peintre en bâtiment, tombé lourdement d’une échelle, visiblement incapable de se relever, contemplant le ciel indifférent à son sort, mais se souvenant… de l’agonie de son père, de la conception d’Ásta, de son amour envers Helga, de son frère devenu poète…
Jón Kalman Stefánsson livre plusieurs destins sous forme de puzzle géant, mais ne donne pas forcément toutes les pièces et les distribue de préférence dans le désordre. Alternant les narrateurs, insérant des lettres qui n’ont pas forcément trouvées de destinataires, mélangeant les époques et refusant toute linéarité, il balade ses lecteurs sur fond d’une Islande progressivement transformée par un tourisme de masse et dont les écrivains, attirés par une célébrité croissante, ont une fâcheuse tendance à se prostituer à des fins commerciales.
«Si tant est que ça l’ait été un jour, il n’est désormais plus possible de raconter l’histoire d’une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s’ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent.»
Déstabilisé, perdu au milieu de nombreux prénoms islandais auxquels il n’est de surcroît pas évident de se raccrocher, le lecteur aimerait certes trouver plus de repères, mais se laisse finalement volontiers embarquer par l’écriture harmonieuse et poétique de l’auteur. Il accepte de prendre les images et les sensations comme elles viennent et commence à entrevoir les tranches de vie qui émergent progressivement de cette prose enivrante. Il y découvre alors la vie, parfois dépourvue de sens, mais remplie d’amitiés, de regrets, de désillusions, de rancœurs, de tourments et… d’amour, sous toutes ses formes… filial, mystérieux, passionnel, profond, éternel, indomptable ou capricieux, mais pas toujours synonyme de bonheur !
Un roman islandais, difficile d’accès, mais splendide !
Ásta, Jón Kalman Stefánsson, Grasset, 496 p., 23 €
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