Menie Grégoire et le sexe à la radio

Publié le 13 août 2019 par Sylvainrakotoarison

" À l'époque où je faisais mon émission, l'homme était souvent un peu... une brute, et la femme, pas du tout informée. ".

La journaliste Menie Grégoire est née il y a 100 ans, le 15 août 1919 à Cholet et elle est morte le lendemain de son 95 e anniversaire, le 16 août 2014, à Tours. Elle fut à elle seule une "institution" de la radio française, en ouvrant ses auditeurs sur les enjeux intimes, familiaux, conjugaux et sexuels. "Menie" sans accent pour éviter son vrai prénom Marie qu'elle jugeait trop religieux, mais par erreur, son émission de radio s'appelait "Allo Ménie" avec un accent.
Elle a animé effectivement pendant une quinzaine d'années, de mars 1967 à juin 1982, une célèbre émission sur RTL où les auditeurs, chaque après-midi, pouvaient lui poser des questions en tout anonymat sur leurs problèmes de couple ou de sexualité. Elle a fait des émissions spéciales dont une a été mémorable en raison de l'irruption, sur la scène, de militants homosexuels venus protester contre la tonalité qu'ils jugeaient homophobe de l'émission, le 10 mars 1971 à la Salle Pleyel (l'émission était diffusée en direct).
Dans son blog, le 14 novembre 2017, Christophe Guitton se rappelait : " La cuisine baigne dans le soleil du début d'après-midi. Ma mère repasse le linge en écoutant la radio. (...) 15 heures, la "Petite Musique de Nuit" retentit dans la pièce. Maman, emprunte de solennité, augmente de volume. Les premières mesures de Mozart s'estompent au profit d'une voix suave et bienveillante (...). Le corps immobile, ma mère attentive stoppe son activité. Une première auditrice pose sa question après un bref témoignage poignant parois terrifiant comme souvent. (...) Je percevais au travers de la voix de Menie Grégoire un apaisement, une réponse à bien des désespoirs. ". Le 28 novembre 2014, cet autre témoignage, d'une ancienne auditrice : " Son émission a aidé beaucoup de femmes mais n'a pas résolu leur mal de vivre, elle leur a donné une écoute et un peu d'espoir. Merci Menie. ".
Le grand succès populaire de son émission de radio (plus de deux millions d'auditrices tous les jours), qui l'a rendue célèbre, a fait qu'elle a reçu 100 000 lettres dont elle a publié quelques-unes en mai 2007 dans un livre (chez Calmann-Lévy). Le sujet était important, la sexualité, et très rarement ou jamais abordé dans les médias audiovisuels de cette époque, malgré la crise de mai 1968. Elle était formée à la psychanalyse et a libéré ainsi la parole des femmes qui pouvaient aborder des sujets encore tabous : l'inceste, l'homosexualité, la contraception, l'avortement, l'éducation sexuelle, etc.
Isabelle Duranton, dans "Notre Temps", expliquait le 18 août 2014, dans sa nécrologie : " À la radio, la voix de l'animatrice fait des miracles. Car [elle] sait orienter, consoler, rassurer, écouter. (...) [Elle] aborde tous les sujets avec mesure et tact, accompagnée d'un médecin. ".

Ayant une formation en histoire de l'art, Menie Grégoire a aussi animé des émissions de télévision sur FR3 en 1984, sur France Bleu, et a publié des chroniques régulières dans "Marie-Claire" de 1980 à 1986 puis dans "France-Soir" de 1986 à 1999. Par ailleurs, elle a publié une trentaine de livres entre 1964 et 2014, souvent des romans historiques, dont le premier est un essai intitulé : "Le métier de femme" (chez Plon), qui fut rapidement un best-seller, ce qui a donné l'idée au directeur de RTL, Jean Farran, de la recruter (c'est dans ces moments-là qu'on voit que l'intuition est l'une des meilleures compétences des décideurs).
Le 3 mars 2015 à 9 heures sur France Culture, l'émission "La Fabrique de l'Histoire" fut consacrée à un portrait de Menie Grégoire par Delphine Saltel, réalisé par Véronique Samouiloff. Delphine Saltel a expliqué : " Tout ce qui ne pouvait pas se dire sans honte dans cette France corsetée se retrouve entendu. ". Laurence Le Saux, présentant ce portrait pour "Télérama" le 2 mars 2015, a décrit ainsi l'animatrice : " Fouillant toujours plus loin l'intime, retournant les pudeurs, poussant la parole. Persuadée qu'il fallait donner des mots à ceux qui ne les trouvaient pas. ". Cette dernière phrase était aussi l'un des objectifs de travail du prêtre théologien et psychanalyste Maurice Bellet (et probablement de toute personne cherchant à écouter ceux qui sont en détresse).
Dans ce documentaire radiophonique sur France Culture ("Allo Menie, confidences sur les ondes"), on peut ainsi entendre la réponse faite par Menie Grégoire à une jeune fille à propos de sa première expérience sexuelle : " Simplement, vous avez peur et ne savez rien, comme la majorité des jeunes femmes en 1968. Je vais vous dire ce que vos mères auraient dû vous dire : on n'est pas frigide parce qu'on ne ressent rien la première fois ! Toutes les femmes sont faites pour l'amour, mais il faut un minimum de connaissances de la façon dont on est fait soi, et dont l'autre est fait. ".
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 août 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Menie Grégoire.
Philippe Gildas.
Pierre Bellemare.
Jacques Antoine.
Bernard Pivot.
Michel Polac.
Alain Decaux.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190815-menie-gregoire.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/08/01/37535316.html