L'homme qui vivait dans les trains apparaît dans trois des huit nouvelles de ce recueil. C'est un vagabond qui circule librement dans toute la Suisse avec l'abonnement général.
En connaissance de cause il a choisi de prendre sa retraite dans le train (il a fait ses comptes: avec l'AVS il ne s'en serait pas sorti s'il avait dû payer un loyer et des charges):
Ce vagabond connaissait des tas de choses, des fragments d'histoires qu'il recueillait au cours de son éternel va-et-vient, d'une gare à l'autre, du nord au sud, d'est en ouest.
En tout cas, il n'importune personne et son abonnement est toujours en règle. On sait seulement qu'il a une histoire sporadique avec la tenancière du kiosque d'une grande gare.
Cette errance ferroviaire lui donne une vision circulaire de la vie, alors que la plupart des gens en une linéaire, avec un point de départ et un point d'arrivée, qui lui donneraient un sens.
Il ne serait pas loin de faire sien le précepte de Lao-Tseu: Le but n'est pas seulement le but, mais le chemin qui y conduit, puisqu'il dit: La signification est entièrement dans le parcours...
Dans les histoires ferroviaires d'Andrea Gianinazzi, transparaît l'étonnement, que son père lui a appris, devant des choses les plus évidentes que nous avons chaque jour sous les yeux:
J'ai la sensation que quand je regarde quelque chose je dois également le faire pour lui, avec ses yeux et surtout son regard, écrit-il donc dans son post-scriptum.
Dans ce recueil, il le fait si bien que des choses ordinaires deviennent extraordinaires sous sa plume avant même qu'elles ne connaissent un épilogue qui l'est réellement.
Il raconte en fait les choses et les êtres avec un regard d'observateur aiguisé, soucieux des détails, comme un artiste-peintre peindrait minutieusement des scènes de genre.
Il dédie enfin son livre aux gens qui vivent dans des trains ou dans des gares, mais aussi à ceux dont les vies ont les chemins de fer à l'intérieur d'elles-mêmes ou qui y sont à l'intérieur.
Francis Richard
L'homme qui vivait dans les trains, Andrea Gianinazzi, 162 pages, Plaisir de Lire (traduit de l'italien par Walter Rosselli)