Nos autos rôdent autour du parc et le grignotent en ronronnant mais à l’inverse du dompteur qui retient ses fauves, nous n’avons pas de fouets à leur claquer au nez. Aussi s’approchent-elles de plus en plus près, comme si elles seules détenaient le privilège du mouvement.
Au parc, la certitude paradoxale de se sentir chez soi au beau milieu d’un lieu public exhume de nos mémoires des nostalgies de vagabond. Aucun territoire ne nous appartient et ne se dérobe comme ce lieu d’heures lentes où fontaines, grilles et kiosques nous aident à mettre le temps entre parenthèses.
La ville alentour copie des pages d’Histoire de plus en plus difficiles et laisse la marge à des clochards de plus en plus jeunes. Au coin d’une allée, nous observons l’un d’eux que nous ne voulons pourtant pas voir, le temps d’une halte sur notre banc quotidien.
En ce décor où cohabitent riens des villes et riens des champs, jeunes et vieux se rejoignent dans l’œil du cyclone. Tout près, surviennent des choses graves et complexes alors qu’ici, l’instant est suspendu.
Extrait de mon recueil de proses courtes L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988. Droits réservés.
(Photo CC-E)