En février 2019, tandis que nous mourrions d’ennui dans une société morose à l’individualisme exacerbé, le cul vissé sur nos canapés suédois devant des séries mangeuses de temps ou devant des chaînes de désinformation tournant en rond comme des poissons rouges abrutis par un excès de poudres de nutrition sur fond de sensationnalisme abject, Tedeschi Trucks Band sortait son 4ème album intitulé SIGNS.
Bien que quasi-incognito chez nous, ce groupe s’est forgé une solide réputation au pays de l’Oncle Sam. Si on peut leur reprocher leurs habitudes alimentaires douteuses et l’abandon du V8 au profit de l’hybride de Toyota (pas étonnant que les femmes au foyer y soient désespérées), il faut dire qu’ils savent s’y prendre, les ‘ricains.
Si le premier morceau peut sonner un brin cliché avec son intro blues électrifié et saccadé, type morceau pour truck-stop perdu au fin fond de l’Alabama, la suite de l’album m’a décroché la mâchoire inférieure.
Riche de 12 musiciens, cette formation envoie du pâté fort suave en faisant preuve d’une grande finesse dans ses compositions. Tout le monde se met en avant par intermittence sans que ce ne soit prévisible ni au détriment de l’intérêt collectif et donc celui de l’auditeur au passage.
Là prend place ma comparaison avec MAD DOGS AND ENGLISHMEN, bien que l’album de Cocker transpirait une spontanéité propre à son époque.
Très mélancolique au demeurant, tout comme l’étaient bon nombre de reprises sur l’album de Cocker, l’album est transcendé par la voix puissante de sa chanteuse dont le timbre n’est pas sans rappelé celui du jeune Joe de 1970.
La finesse du groupe réside beaucoup dans la diversité de ses membres. On a une section cuivre, des chœurs masculins et féminins, du clavier, de la guitare à toute les sauces allant de la pédale Wah-Wah à l’overdrive puis la distorsion en passant par de la slide. D’ailleurs, le guitariste et compagnon de la chanteuse n’est autre que le pilier central du groupe DerekTrucksBand connu pour son talent à la slide guitare dès un très jeune âge.
Peu mis en avant sinon chez de rares disquaires à sa sortie, cet album m’est tombé dans les mains par hasard, au cours d’une flânerie dans une grande enseigne de produits liés à la culture, et le hasard a une fois de plus bien fait les choses.
Messieurs, sortez les bougies, enfilez votre plus belle chemise à carreaux, coiffez votre moustache et mettez SIGNS dans la platine à volume raisonnable (ça veut dire presque à fond). Ce soir grâce à la sensualité de 11 morceaux, vous pourriez conclure.
En écrivant ces lignes tout en regardant un live de 2019 aux Etats-Unis disponible sur Youtube, le mot qui imprègne mon esprit pour résumer au mieux tant l’album que le groupe est « générosité ». Pour preuve en live il y a deux, oui j’ai bien dit DEUX, 2, batteries.
Très 70’s dans son écriture, les morceaux pourraient sonner comme des standards du folk américain remanié.
Il y a du groove, tout semble sautiller et même les balades qui pourraient paraître tristes sont teintées d’une belle touche d’espoir.
A noter, le boulot fait en post-prod’ pour ajouter des violons et autres instruments d’ambiance qui ne se retrouvent pas dans la formation en live. Je ne suis habituellement pas fan de ce type d’ajouts qui tendent à rendre complet des groupes qui ne le sont pas mais dans le cas du TedeschiTrucksBand, je me suis régalé et me dis que ces fioritures doivent permettre de dissocier l’expérience de l’écoute à la maison de celle devant une scène.