Jane Birkin/Gainsbourg/Symphonie intime, au Hameau Saint-Antoine, Lanrivain, le 3 août 2019
Pendant trois mois le Festival Lieux Mouvants propose divers spectacles (danse, concert, performance), des rencontres (écrivains, scientifiques, voyageurs), des expositions, des sculptures in-situ dans des lieux magiques du centre-Bretagne, en ce samedi à la météo capricieuse, il fallait se rendre dans le hameau Saint-Antoine à Lanrivain pour un concert intime donné par Jane Birkin, secondée par un ensemble classique dirigé par Nobuyuki Nakajima.
Au programme,des oeuvres de Serge Gainsbourg retravaillées pour être interprétées par un orchestre de chambre.
Cet événement exceptionnel se déroule avec le concours de Klasik, le festival des musiques classiques contemporaines en centre Bretagne.
A projet majestueux, il faut un cadre qui le soit tout autant, le site de Saint-Antoine répond merveilleusement à tous les critères exigés.
Comme le prix d'entrée affiché indiquait 5€, ce que tu débourses pour deux bières, tu t'attendais à voir une affluence monstrueuse et comme il n'existait pas de système de réservation, tu te présentes vers 10:30 dans ce coin aussi bucolique que vallonné où tu admires les maisons du 17è siècle , les rochers de granit et une élégante chapelle du 15è.
Pas question de se morfondre en attendant la représentation prévue à 15h, des expositions t'invitent dans plusieurs demeures transformées en salles de musée, la buvette jouxte un stand de livres, dont l'autobiographie signée Jane, 'Munkey Diaries', et pour calmer les appétits, une crêperie te propose des galettes à un prix démocratique.
Vers 15h, après de brèves allocutions des différents comités organisateurs, les sept musiciens se présentent pour accorder leurs instruments, parmi eux, Sébastien Mitterrand au cor, Ichiro Onoe aux percussions, la gracieuse Hoshiko Yamane au violon plus une second violoniste, un hautbois, une contrebasse et un violoncelle, ils sont bientôt rejoints par le maître, Nobuyuki Nakajima, au piano, celui qui a réarrangé les compositions du beau Serge pour une formule octet.
Jane, soutenue par un membre de l'organisation ( séquelles d'une mauvaise chute) se montre enfin, follement acclamée, elle saisit le micro pour entamer 'Ces petits riens'.
La magie opère sur- le- champ, l'émotion gagne un public subjugué et silencieux.
Le mariage Gainsbourg/orchestration classique est lumineux, la voix de Jane ténue , son accent anglais charmant, se posent avec délicatesse, comme une perle dans son écrin, sur les arrangements imaginés par le maître japonais.
'Lost song' te remue les tripes.
Le regard comme absent ou fixé sur la chapelle, avant de le porter sur un spectateur, Jane attend en se tenant à un pilier, le hautbois amorce 'Baby Lou' , crédité Gainsbourg/Alain Chamfort, la plus française des chanteuses britanniques psalmodie jusqu'au final filmique impressionnant.
C'est le second concert que nous donnons sous cette formule, confie l'ex-fan des sixties avant d'amorcer 'Physique et sans issue' , tu te tournes vers ta voisine, une larme mouille son visage.
Jane, tu es belle, sensationnelle, émouvante, personne ne peut mieux chanter Serge que toi!
Hey Johnny Jane
Te souviens-tu du film de Gainsbourg Je t'aime
Je t'aime moi non plus un joli thème..
C'était en 1976, ' La ballade de Johnny Jane' .
Le violoncelle se fait grave pour lancer 'L'Aquaboniste', les violons et le hautbois atténuent la solennité du propos, Jane nous narre les (més)aventures du sceptique.
Tu danses, Melody, une valse, ok?
' La valse de Melody' se prête à merveille à une lecture symphonique.
Il n'aura fallu que trois accords à Lanrivain pour reconnaître 'Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve ' et applaudir à tout rompre, là-haut, Jean Sébastien Bacha souri.
Une nouvelle fois des poils se hérissent sur ton avant-bras.
Le symphonique peut prendre des allures rock, c'est le cas avec la version coup de poing du 'Requiem pour un con'.
Le texte qui probablement lui tient le plus à coeur est celui de la pudique lovesong ' Une chose entre autres', l'intervention de Hoshiko Yamane est tellement poignante que Jane vient faire un baisemain à l'incroyable violoniste.
Jane Birkin et les Bretons, c'est aussi une histoire d'amour, elle le rappelle avant d'interpréter 'Amour des feintes' , les applaudissemenst redoublent pour devenir tonnerre lorsque l'audience discerne les premiers mots de 'La chanson de Prévert'.
Jane, tu nous combles.
C'est par une attaque wagnérienne que débute 'Les dessous chics' , au terme duquel la chanteuse d'un sourire éclatant, applaudit la foule conquise.
'Pull marine' bouleverse, ' Jane B' déchire et ' l'Anamour' éblouit.
Une superbe femme, des musiciens incroyables, de l'émotion, de la classe, vous pouvez sortir les superlatifs, ils ne parviendront pas à rendre le ressenti de tous ceux qui étaient conviés à ce récital mémorable.
Quoi de plus normal que de servir 'La Javanaise' comme dessert avant de dédicacer son bouquin.
Sur le chemin du retour ton cerveau hésitait: 'La chanson de Prévert', 'Requiem pour un con', 'Fuir le bonheur...', c'est ton petit-fils qui a tranché, Papy, elle n'a pas chanté 'Elisa'!