Les chatouilles raconte la lente reconstruction d'Odette, une petite fille devenue jeune femme, dont l'enfance a été volée par " un ami de la famille ".
C'est dans son corps qu'Odette a été abusée. Et c'est par ce même corps qu'elle cherche les réponses à ses interrogations et se fraye un chemin au milieu des émotions qui la chahutent. Les chatouilles nous livre le parcours touchant et intime d'une enfance volée, brisée. Couronné de prix et adapté au cinéma, Les chatouilles ou la danse de la colère aborde avec délicatesse, sensibilité et même un peu d'humour, un sujet grave et douloureux.
Une valeur sûre
Éric Métayer et Andréa Bescond : voilà un duo qu'il n'est plus nécessaire de présenter. Ils font partie de ces artistes dont nous attendons impatiemment chaque nouvelle création. Toujours pleines d'intelligence, d'utilité, et une manière d'aborder des thèmes graves avec pudeur et élégance. Et après nous avoir offert une leçon de danse que nous avions adorée, c'est une belle leçon de vie, de courage et de résilience qu'ils nous proposent avec Les chatouilles. Une pièce que nous sommes allés découvrir un peu tardivement, c'est vrai. Aussi, nous n'avons pas pu profiter de l'interprétation d'Andréa Bescond, qui a depuis passé le flambeau à Déborah Moreau. Mais pas de quoi être déçus pour autant. Car la jeune femme à l'énergie solaire et communicative s'empare du rôle avec brio.
Une œuvre tout en pudeur
Déborah Moreau aborde cette pièce avec toute la justesse qu'il faut. Et son interprétation des différents personnages est convaincante. Notamment dans celui de la mère auto-centrée et cynique qui, même devant la psy, cigarette au bord des lèvres, refuse d'ouvrir les yeux sur le drame qu'a vécu sa fille. Un personnage certes un peu caricaturé, mais qui en devient presque drôle tant son attitude est abjecte. Ce qui permet d'éviter à la pièce de basculer dans quelque chose de larmoyant. Car la douleur n'est jamais rendue indigeste dans les pièces d'Andréa Bescond et Éric Métayer. C'est d'ailleurs avec beaucoup de subtilité que sont à peine effleurées les scènes de viol. Et la résilience l'emporte toujours. Notamment grâce à la danse qui devient l'exutoire d'une blessure muette.
La résilience par le corps
La mise en scène est sobre, mais la comédienne habite et rend vivant tout l'espace à elle seule. Et on visualise comme si ils y étaient les différents décors dans lesquels elle évolue, et qu'elle efface parfois le temps de quelques mouvement de danse habités. La manière dont le corps est ainsi intégré au spectacle apporte une dimension profondément intime au récit. Nous aurions d'ailleurs aimé un peu plus de passages dansés, tant ils surpassent les mots pour traduire certaines émotions. Et c'est par eux, entre deux séances de psychanalyse, qu'Odette cherche à traverser ses ombres recréer un lien avec l'enfant qu'elle était .
Un coup de cœur manqué de peu
Car nous sommes sortis du spectacles avec quelques petites réserves quand même... Certains passages, comme la scène à l'école de danse, s'étirent un peu inutilement, tandis que d'autres nous ont semblé superflus. Et notamment la scène de la rencontre d'Odette avec son ami à New-York. Car, même si l'interprétation de ce rôle par la comédienne est génialissime et drôle, elle nous a donné l'impression d'être uniquement là pour servir un message de tolérance qu'avait envie de transmettre l'auteur. Un propos louable, certes. Mais qui arrive comme un cheveu sur la soupe et nous a paru déconnecté du reste du spectacle. Et puis, si la pudeur est un choix très judicieux pour aborder le thème du viol d'un enfant, un peu trop de pudeur peut-être nous a empêché d'être touchés comme nous l'attendions. Mais il faut reconnaître que l'exercice est périlleux. Et qu'il est tout de même largement réussi.
Les chatouilles ou La danse de la colère, écrit par Andréa Bescond, avec Déborah Moreau, mise en scène par Éric Métayer, se joue au Théâtre du Chêne Noir, à Avignon, du 05 au 28 juillet 2019 à 20h45. Puis du 10 septembre au 04 janvier 2020 au Théâtre Libre, à Paris.
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