Partager la publication "[Critique] MIDSOMMAR"
Titre original : Midsommar
Note:Origine : États-Unis
Réalisateur : Ari Aster
Distribution : Florence Pugh, Jack Reynor, Will Poulter, William Jackson Harper, Wilhelm Blomgren, Archie Madekwe, Ellora Torchia, Julia Ragnarsson…
Genre : Horreur
Date de sortie : 31 juillet 2019
Le Pitch :
Sous le coup d’une terrible tragédie, Dani accepte d’embarquer pour la Suède avec son petit-ami et ses copains afin d’assister à la fête du solstice d’été dans une petite communauté reculée. Une fois sur place, bien décidés à en profiter, les amis ne tardent pas à totalement s’immerger dans l’ambiance. Pourtant, certains événements de plus en plus sinistres ne vont pas tarder à les plonger dans un véritable cauchemar…
La Critique de Midsommar :
Rares sont les réalisateurs « débutants » qui parviennent à se faire remarquer dès leur coup d’essai, avec autant de puissance qu’Ari Aster a pu le faire avec Hérédité. Un premier film complexe, extrêmement maîtrisé au niveau du fond et de la forme et traumatisant à plus d’un titre. Hérédité qui nous avait logiquement donné envie de voir comment Aster allait évoluer. À quoi allait donc ressembler la suite ? Suite qui par chance, ne s’est pas fait attendre. Car Aster, en plus d’être méchamment doué, semble aussi très prolifique. Alors qu’en est-il de ce Midsommar, dont l’intrigue se focalise sur une communauté suédoise en pleine célébration du solstice d’été ?
L’instant suédois
L’introduction, très contemplative, de Midsommar tranche avec la virtuosité manifeste et plus affirmée de celle d’Hérédité. Pourtant, on reconnaît déjà la patte d’Ari Aster, qui n’a donc pas attendu longtemps pour revenir à la charge. Aster qui ici encore plus que précédemment, prend son temps pour poser le décor et nous immerger dans son film. Le réalisateur ne changera d’ailleurs jamais vraiment son fusil d’épaule concernant la rythmique, plutôt lancinante, y compris quand les choses finissent par s’emballer. Ici, pas plus de compromissions commerciales qu’avec son premier long-métrage. On sent Aster parfaitement libre de ses mouvements mais on repère aussi malgré tout des tics peut-être ici encore plus voyants. Rien de gênant mais toutes ces franches ruptures de ton et ce montage caractéristique traduisent la volonté d’imposer une marque, en rupture totale avec l’immense majorité des films d’horreur plus « familiaux » projetés chaque année dans les salles. Cela dit, si l’introduction est en effet plutôt longue, jamais l’ennui n’arrive à se faire une place (mais ça viendra). Midsommar parvient, avec une aisance forçant le respect, à nous envelopper pour ensuite resserrer son étreinte un peu plus à chaque minute. Et si tout ce qui précède l’arrivée des personnages dans la communauté en Suède paraît plus anodine, en réalité, il n’en est rien. Presque dès la première image, Midsommar exerce une influence très marquée, parfois étouffante et anxiogène et d’une tristesse absolu, à peine diluée par les interventions de Will Poulter, dont le rôle consiste d’ailleurs dans un premier temps à « alléger » un tout petit peu l’aspect terriblement mélancolique du film. Impression qui subsiste longtemps après la projection, malgré les quelques réserves qu’on est en droit d’avoir concernant le produit fini.
The Wicker men and women
Quand les choses commencent à déraper au sein de cette communauté aux méchants faux-air de secte, en plein cœur de la campagne suédoise, Midsommar révèle ses véritables intentions. C’est aussi là que l’influence du classique de Robin Hardy, The Wicker Man se fait le plus sentir. Le problème, et c’est véritablement son seul gros défaut, c’est que Midsommar n’arrive jamais vraiment à se sortir de l’ombre de son aîné. À vrai dire, il suffit, en exagérant à peine, de remplacer l’enquêteur de The Wicker Man par des étudiants en quête de dépaysement pour s’apercevoir que les deux œuvres se ressemblent quand même énormément. Même ambiance, mêmes chants en apparence joyeux mais en fait plutôt flippants, même décalage… Ce qui n’aurait pas un problème en temps normal, avec un film moins important et moins « unique » que The Wicker Man mais là, si on comprend parfaitement qu’Aster l’admire, on ne peut pas faire l’impasse sur sa tendance à le calquer sans toujours parvenir à imposer sa voix. Mais la bonne nouvelle, c’est que cela n’empêche pas pourtant Midsommar d’injecter dans les rétines des spectateurs son venin. Pas plus que les quelques éléments dont on ne sait pas trop s’il sont volontairement comiques ou simplement « ratés » d’ailleurs. La force du film est justement d’avancer lentement mais sûrement et de contaminer son audience grâce à son extraordinaire force évocatrice et à son lyrisme perfide parsemé d »évocations gore des plus viscérales.
Toile de maître
Visuellement en tout cas, Midsommar est une réussite totale. De la photographie, au diapason, à la mise en scène, impressionnante, en passant par le travail dingue effectué sur le son, le deuxième essai d’Ari Aster sait faire valoir de sérieux arguments. Même constat du côté du casting. Formidable directeur d’acteurs, Aster a parfaitement su exploiter le talent brut de l’excellente Florence Pugh. Une comédienne en état de grâce, dont la performance suffit à justifier le prix de la place de cinéma. Le tout sans faire de l’ombre à ses partenaires de jeu, Jack Reynor en premier lieu, lui aussi impeccable. Quoi qu’il en soit, Midsommar, au-delà de sa propension à piocher chez ses aînés des éléments qu’il ne parvient pas toujours à pleinement s’approprier, ses longueurs et son léger maniérisme un peu voyant, reste un film à part. Dans la droite lignée d’Hérédité, qu’on est aussi en droit de préférer, il joue sur un terrain que peu de cinéastes osent arpenter ou savent exploiter avec autant de maîtrise. Le seul fait que certaines de ses images, avec tout ce qu’elles impliquent, hantent l’esprit après la projection prouvant bien qu’Aster a encore une fois atteint sa cible.
En Bref…
Un peu trop long, parfois trop calqué sur The Wicker Man et peut-être un peu maladroit dans son dernier tiers, Midsommar reste impressionnant sur bien des points. Un film très pesant, traumatisant même, souvent d’une puissance rare et de toute façon toujours intègre vis à vis de ses intentions. Alors non, ce n’est pas la grosse claque espérée, mais ça reste pour autant très impressionnant et très marquant. Un film à contre-courant, angoissant, potentiellement clivant et dérangeant. Voilà qui n’est pas très courant ces deniers temps dans les multiplexes…
@ Gilles Rolland