" L'engagement du gouvernement, celui du Ministre de l'Intérieur, mon engagement personnel, c'est de faire toute la lumière sur les causes de ce drame, et d'en tirer toutes les conséquences. " (Édouard Philippe, le 30 juillet 2019).
Quelle tragédie, quelle double voire triple tragédie ! Comme on pouvait le craindre, le corps retrouvé sans vie dans la Loire la veille par un bateau Navibus a été identifié par autopsie ce mardi 30 juillet 2019, et la réalité a fait l'effet d'un choc terrible. Steve Maia Caniço, le jeune homme disparu lors de la fête de la musique à Nantes le 22 juin 2019 vers 4 heures du matin, n'est plus disparu mais hélas décédé.
L'heure est bien sûr au recueillement et pas à la polémique. Et d'ailleurs polémiquer pour quoi faire ? Pour s'opposer au gouvernement ? Toujours très réactif lorsqu'il y a des sujets importants, le Premier Ministre Édouard Philippe a changé son emploi du temps pour communiquer dès 16 heures 20 sur ce sujet qui oscille entre le fait-divers terrible et l'affaire d'État.
Encore une fois, Édouard Philippe a revêtu sa casquette de Ministre de l'Intérieur. Ce n'est pas nouveau. Lors de la démission de Gérard Collomb, il avait assuré avec brio l'intérim de cette fonction qui n'est décidément pas faite pour Christophe Castaner, convoqué à Matignon comme le fut il y a à peine trois semaines François de Rugy... sauf que, ici, le sujet est autrement plus grave que du homard.
Le sujet est essentiel, puisque la vie d'un homme est en cause. La question est évidemment : comment est-il tombé dans la Loire ? Beaucoup de ses amis ont déjà répondu en disant que la police avait chargé sur leur groupe et que certains étaient tombés dans l'eau.
Le rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui a été remis au Premier Ministre le 16 juillet 2019 et rendu public ce 30 juillet 2019 dit le contraire : " [Ce rapport] indique qu'à la lumière des faits connus à la date de sa rédaction, "il ne peut être établi de lien entre l'intervention de forces de police et la disparition de M. Steve Maia Caniço". Ce rapport met en évidence des difficultés liées à l'intervention, consécutive à des jets de projectiles en direction des policiers et menée dans un rapport de forces défavorable qui a conduit à l'emploi des moyens lacrymogènes. Il met également en évidence des interrogations sur la préparation de cet événement. ".
Édouard Philippe a bien compris qu'un rapport de la police des polices ne suffirait pas à convaincre ceux qui croient, à tort ou à raison (je n'étais pas là, je n'en sais rien), à la responsabilité de la police.
En ce sens, tous les citoyens devraient se féliciter de la réaction sincère et rapide d'Édouard Philippe. Il veut toute la transparence (il a parlé d'une " volonté de transparence totale "). Bien sûr que la famille et les amis sont plus choqués, car plus touchés, que le gouvernement, mais Édouard Philippe, dont les valeurs humanistes ne peuvent être remises en cause, a été lui aussi touché par cette découverte macabre.
Parallèlement à l'ouverture le 30 juillet 2019 d'une information judiciaire pour homicide involontaire (la justice est indépendante), ce qui pourrait empêcher la création d'une commission d'enquête parlementaire (au nom de la séparation des pouvoirs), Édouard Philippe a commandé une enquête administrative par l'Inspection générale de l'administration (IGA) pour savoir avec précision, d'ici à un mois, les responsabilités, celles de la police, mais aussi des organisateurs, la mairie de Nantes, la préfecture de Loire-Atlantique, et éventuellement les organisateurs privés qui étaient associés à cette fête de la musique. Le rapport de l'IGPN aurait tendance à charger la mairie et la préfecture et à dédouaner la police. Notamment sur l'installation d'un lieu de musique proche du fleuve sans barrière pour protéger le public dans un contexte de fête nocturne.
Pour Édouard Philippe, rien n'est clair dans ce qu'il s'est passé cette triste nuit d'été : " Plus de cinq semaines après les faits, le déroulement de cette soirée, l'enchaînement des faits restent confus. Je ne peux évidemment pas m'en satisfaire. ".
Si le rapport de l'IGPN a été commandé dès le 24 juin 2019, il y a cependant un autre scandale qui, à mon sens, pourrait mettre le Ministre de l'Intérieur en difficulté : pourquoi les pouvoirs publics ont-ils mis si longtemps à prendre la mesure de la gravité de la disparition d'un homme, surtout si celui-ci est supposé être tombé dans la Loire ? Quand j'écris "pouvoirs publics", c'est aussi pour ne pas me focaliser sur la seule action du gouvernement. Même la maire de Nantes (candidate à sa réélection en mars prochain) a réagi assez tardivement, le 20 juillet 2019, en adressant un courrier au ministre.
Il y a donc l'éventuelle responsabilité dans la mort de Steve, et l'on espère que la vérité sortira de l'enquête judiciaire et du rapport de l'IGA. Steve a aussi pu être victime d'un malheureux accident comme cela peut, hélas, arriver, surtout un jour de fête et d'excitation. Mais il y a aussi la "disparition". On imagine la peine de la famille et des amis s'ils avaient appris dès la fin de la nuit le décès de leur proche. Mais devoir attendre une quarantaine de jours avant de savoir ce qu'est devenu Steve, cela a dû être une période d'angoisse atroce.
Pourquoi les pouvoirs publics ne se sont pas préoccupés plus tôt de cette disparition ? Ou plutôt, pourquoi n'ont-ils pas mis immédiatement tous les moyens possibles pour le retrouver ? Pourquoi ont-ils attendu si longtemps ? Parce que la victime était majeure et libre de tout mouvement, qu'il pouvait rejoindre la cohorte des personnes adultes disparues dont on n'a plus aucune trace pendant des années ? Dans les valeurs de la République, il y a ce rapport à l'humain, cette fraternité et cette solidarité. On a mis quarante jours pour retrouver le corps sans vie de Steve. On aurait peut-être pu réduire ce temps.
Il y a eu cette impression, que j'espère fausse, que pendant plusieurs semaines, se préoccuper du sort de Steve, c'était comme accuser la police de violences disproportionnées sur des fêtards. Édouard Philippe, reprenant en main un sujet qu'il n'aurait jamais dû laisser à son ministre, a remis les valeurs en avant en certifiant qu'il recherchait la vérité autant que les proches de Steve. Ce besoin de transparence est d'autant plus important que l'État n'a aucune raison d'empêcher que la vérité fasse surface. Sa seule raison, dans l'affaire, c'est la protection de tous les citoyens. Et s'il y a eu des failles, il faudra qu'il corrige et, le cas échéant, qu'il sanctionne.
Steve Maia Caniço avait 24 ans et était animateur périscolaire. Pensée sincère à tous ceux pour qui le monde vient de (terminer de) s'effondrer.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 juillet 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La disparition de Steve Maia Caniço.
Édouard Philippe.
Christophe Castaner.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190730-steve-maia-canico.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/07/30/37531753.html