Le monde est si grand, si riche et la vie offre un spectacle si divers… Jean-Paul Bota pourrait assurément reprendre cette assertion à son compte. Les lieux, au sein desquels il guette la profonde, la savoureuse réalité (l’expression est de Reverdy), au sein desquels il guette la « variété des choses », car c’est « en réalité ce qui [nous] construit » (l’expression est de Ponge), sont pour le poète « comme un archet qui jou[e] sur [s]on âme » (l’expression est de Stendhal). Les lieux font de Jean-Paul Bota sa lyre (l’expression est de Shelley). Et la musique et la peinture – celle de Soutine en particulier (cf. l’anthologie permanente rattachée à cette note) – l’y aident, avec une vigueur sans pareille. Comme peut aider celui qui se sait, se sent amoureux et confierait (dans la clarté aveuglante de la non-hésitation) ses pas à l’abîme du hasard pour sauver ceux de son aimé(e).
Si nous faisons de ce compte rendu une chambre d’échos, c’est parce que la poésie de Jean-Paul Bota est telle, faisant de l’érudition un instrument d’élucidation non du réel mais du sentir évanescent (la richesse – extrême – de Chartres et environs est exactement la richesse du sentir) : les sensations – se télescopant – du poète, d’abord ; les nôtres ensuite, profuses, à la lecture. Du fait aussi de la délicatesse du trait de David Hébert : frémissement suspendu en son vol. Trait inventant, dans son cours, avec le blanc de la page les pas d’une danse gracieuse, ayant la justesse d’un contre-don au fait miraculeux de vivre.
Matthieu Gosztola
Jean-Paul Bota et David Hébert, Chartres et environs, Éditions des Vanneaux, collection Carnets Nomades, 2019, 15 euros - voir ces extraits dans « l'anthologie permanente » de Poezibao.