(Note de lecture), Jean-Paul Bota et David Hébert, Chartres et environs, par Matthieu Gosztola

Par Florence Trocmé

La poésie de Jean-Paul Bota est fille de la circonstance, comme celle de Michel Deguy, pour qui elle est « la muse » (Jumelages suivi de Made in USA), comme celle de Jean-Marie Gleize, qui place sa démarche « sous le signe du circonstanciel », ou comme celle de Jean-Claude Pinson, qui cita en épigraphe de son premier recueil, ainsi que le rapporte Michel Collot dans Sujet, monde et langage dans la poésie moderne, la célèbre déclaration de Goethe (Conversations de Goethe avec Eckermann) : « Le monde est si grand, si riche et la vie offre un spectacle si divers que les sujets de poésie ne feront jamais défaut. Mais il est nécessaire que ce soient toujours des poésies de circonstance, autrement dit il faut que la réalité fournisse l’occasion et la matière. »
Le monde est si grand, si riche et la vie offre un spectacle si divers
… Jean-Paul Bota pourrait assurément reprendre cette assertion à son compte. Les lieux, au sein desquels il guette la profonde, la savoureuse réalité (l’expression est de Reverdy), au sein desquels il guette la « variété des choses », car c’est « en réalité ce qui [nous] construit » (l’expression est de Ponge), sont pour le poète « comme un archet qui jou[e] sur [s]on âme » (l’expression est de Stendhal). Les lieux font de Jean-Paul Bota sa lyre (l’expression est de Shelley). Et la musique et la peinture – celle de Soutine en particulier (cf. l’anthologie permanente rattachée à cette note) – l’y aident, avec une vigueur sans pareille. Comme peut aider celui qui se sait, se sent amoureux et confierait (dans la clarté aveuglante de la non-hésitation) ses pas à l’abîme du hasard pour sauver ceux de son aimé(e).
Si nous faisons de ce compte rendu une chambre d’échos, c’est parce que la poésie de Jean-Paul Bota est telle, faisant de l’érudition un instrument d’élucidation non du réel mais du sentir évanescent (la richesse – extrême – de Chartres et environs est exactement la richesse du sentir) : les sensations – se télescopant – du poète, d’abord ; les nôtres ensuite, profuses, à la lecture. Du fait aussi de la délicatesse du trait de David Hébert : frémissement suspendu en son vol. Trait inventant, dans son cours, avec le blanc de la page les pas d’une danse gracieuse, ayant la justesse d’un contre-don au fait miraculeux de vivre.
Matthieu Gosztola

Jean-Paul Bota et David Hébert, Chartres et environs, Éditions des Vanneaux, collection Carnets Nomades, 2019, 15 euros - voir ces extraits dans « l'anthologie permanente » de Poezibao.