"Les défenses" est un roman basé sur une histoire vraie, celle d'un neurologue espagnol qui pendant une période de sa vie est devenu littéralement fou.
La vision de la maladie psychiatrique de l'intérieur, par un médecin lui même spécialiste du cerveau, donne un roman franchement excitant, au style inventif (un véritable laboratoire pour auteur) et surtout dont l'histoire souffle tout au long des 666 pages (chiffre du diable, forcément). J'ai été tenu en haleine pendant toute la lecture, jusqu'au dénouement final qui explique tout. Entre le début et cette fin, on se fait soi même son histoire, on s'invente des destins pour comprendre cette étrange aventure. La multitude de personnages qui croisent la vie du narrateur offre un kaléidoscope d'aventures et de fils narratifs qui se suffisent parfois à eux-mêmes mais qui prennent d'autant plus de sens qu'ils forment un seul roman.Le narrateur est au centre de tout cela. Sa vie, son oeuvre, sa folie, tout est raconté via un point de vue narratif à la première personne mais mâtiné d'une voix omnisciente qui apporte de l'ampleur et du coffre à l'intrigue. Un roman que j'ai avalé en quelques jours près des vagues et du sable. Extraits : "Je crois avoir fait part aux médecins de mon pressentiment selon lequel je souffre de quelque maladie organique, si bien que personne ne prête l’oreille à mes protestations parce que, comme l’auto-immunité est mon champ de recherche privilégié depuis que j’ai commencé à faire des études de médecine, mon diagnostic ressemble à une réclusion redondante aggravée par l’évidence que, tout neurologue que je sois, je suis fou.""Il m’est toujours facile d’établir le diagnostic différentiel de chaque malade, capacité qui me donne de l’assurance. Il semblerait que le docteur Escobedo soit relativement indemne au beau milieu de la dévastation. Il devrait m’examiner. Me rendre visite. Le problème, c’est que je ne sais pas très bien qui ou combien je suis. Il est une partie de moi que je reconnais, mais je me demande où s’égare le reste de ma personne que je perçois uniquement par bribes. Le vide s’est ouvert ces dernières semaines ou ces derniers mois, parce que je me souviens bien du reste de ma vie. Quand j’essaie de recomposer ce qui s’est passé, les scènes scintillent en vrac. Parfois elles sont nettes, mais entrecoupées, sans arriver à leur terme".Gabi Martinez, Les défenses (traduit par André Gabastou), Christian Bourgois, 672 pages.