Je m’aperçois que j’avais oublié de parler de quelques rendez-vous en physiatrie… et donc je retourne dans le temps!
J’ai d’ailleurs vu mon physiatre beaucoup plus souvent qu’à l’habitude en 2018.
Autres physiatres
J’ai souvent écrit à propos de ce médecin que je vois depuis plus de 15 ans maintenant. La dernière fois, je racontais ce rendez-vous de mai 2017 où je me suis sentie trahie et abandonnée.
Pour résumer : il a été froid, a semblé peu intéressé, a démontré son manque de connaissances du SED malgré le nombre d’années depuis mon diagnostic… et il m’a carrément dit que ça ne l’intéressait pas, qu’il me voyait pour me dépanner. J’avais failli quitter son bureau, mais il avait insisté et on avait terminé le rendez-vous poliment.
J’avais cependant cherché un autre physiatre, me disant que je serais peut-être mieux servie par un médecin qui s’y connaîtrait en syndromes d’Ehlers-Danlos ou qui y serait intéressé… Je raconte cet essai ici.
On m’avait aussi suggéré un autre physiatre, plus près de chez moi que les deux autres… j’ai facilement eu rendez-vous, ce qui était encourageant (il y a pénurie de physiatres au Québec, donc il est toujours difficile d’obtenir un rendez-vous rapidement), mais lorsque la secrétaire m’a appelé pour confirmer mon rendez-vous, elle m’a dit que ce médecin ne s’occupait pas « des cas de maux de dos ». Ce n’était pas pour un mal de dos que j’allais le voir, mais mon corps inclut un dos… et si je me trouvais un nouveau médecin, surtout un physiatre… je trouve assez important qu’il traite l’ensemble de mon corps. J’ai donc annulé. Une telle sélectivité ne me donnait pas confiance. Clairement, un médecin comme ça ne voudrait pas d’une patiente aux multiples conditions complexes dans sa clientèle…
Mise au point
Entre temps, mon rendez-vous de suivi avec mon physiatre habituel est arrivé, en février 2018. J’avais, comme toujours, ma « liste d’épicerie » (choses à discuter, nouveaux problèmes, médicaments à renouveler, etc.). Mais avant de commencer le rendez-vous, j’avais une chose à mettre au clair.
Il était d’heureuse humeur, ce qui a aidé à me donner le courage, je pense. Je lui ai rappelé ce qu’il m’avait dit au rendez-vous précédent (sans animosité aucune), et lui ai carrément dit qu’avec ma condition, ce serait inévitablement chaque fois des listes d’épicerie, plusieurs bobos à la fois, et que ça n’irait pas en s’améliorant… qu’il avait tout à fait le droit de ne plus vouloir que je sois sa patiente, mais que s’il était mon médecin, on devait être sur la même longueur d’ondes.
Il a eu l’air surpris, peut-être un peu blessé, mais pas du tout fâché. Il en a profité pour m’expliquer qu’il n’avait pas du tout voulu dire qu’il ne voulait pas m’aider ou ne pas m’avoir comme patient, mais qu’il n’était pas un spécialiste du syndrome d’Ehlers-Danlos (à quoi j’ai répliqué que ça n’existait pas et qu’il n’y en avait pas au Québec… en fait, il ne le réalise pas et je n’ai pas pensé lui dire, mais à force de s’occuper de moi, il est sûrement plus un spécialiste que bien d’autres!).
Le physiatre a ajouté qu’il ne pouvait pas m’aider au niveau de la douleur puisqu’il avait déjà pas mal tout essayé ce qu’il connaissait et que j’étais rendue à devoir essayer des « cocktails » (j’ai répondu que je le savais, et que ce n’était pas pourquoi je le voyais).
On s’est donc entendu sur le fait que son rôle, dans mon équipe traitante, était de suivre l’évolution de mes articulations, de m’aider à trouver les bonnes orthèses et au niveau des traitements comme les injections et de me référer au besoin en chirurgie, physio, etc.
C’est fou combien lui se sent inadéquat, alors qu’il est un de ceux qui m’aide le plus, depuis si longtemps!
Nous sommes donc réconciliés, et formons une équipe encore plus forte, puisque nous avons éclairci les rôles et attentes de chacun.
Le compliment d’un bon médecin
Au cours de ce même rendez-vous, il m’a complimentée en me disant à quel point il me trouvait forte et à mon affaire. Il n’est définitivement pas de l’école à se fâcher si on pose une question ou à croire que le patient est stupide. Il sait vulgariser pour le patient qui en a besoin (je l’ai déjà entendu), mais il voit d’un bon oeil le fait que je comprenne comment fonctionne le corps humain, que je connaisse par leur noms tous les médicaments que je prends (et que j’ai déjà pris), pourquoi je les prends et les interactions possibles, les avantages et inconvénients de mes traitements, etc. Définitivement un bon médecin à avoir dans mon équipe!
Dislocation ou subluxation?
C’est après cette discussion, alors qu’on passait ma liste d’épicerie en revue, qu’il m’a appris quelque chose : depuis des années, j’étais convaincue que, quand une articulation débarquait, si ça faisait presque pas mal ou que je n’avais pas à travailler pour la replacer, c’était une subluxation et si ça faisait mal et que je devais travailler pour me rembarquer l’articulation en place, c’était une dislocation.
Et si ça ne faisait pas mal du tout, même si j’avais l’impression que quelque chose n’était pas à sa place… c’était dans ma tête, évidemment! Après tout, tout le monde a des articulations qui craquent ou qui font des drôles de choses, non?
Non! Enfin, pas comme ça. J’avais tout faux. Il examinait mes épaules, et en me penchant, une d’elle a disloqué, par gravité terrestre. Quand il l’a remarqué, j’ai été étonnée. J’ai dit « mais ça n’a pas fait mal?! C’est pas juste une subluxation? »
C’est là qu’il m’a expliqué (ce que ma super physio m’a aussi expliqué quelques mois plus tard), qu’en fait, ce n’est pas l’intensité de la douleur ni la facilité à replacer l’articulation qui distingue la subluxation de la dislocation… peut-être chez quelqu’un de normal chez qui ça n’est jamais arrivé, remarquez… très probable qu’une dislocation fasse beaucoup plus mal!
La vraie distinction est que la subluxation, c’est une dislocation partielle. C’est tout. Quand, chez quelqu’un comme moi, qui a le SED, l’articulation devient de plus en plus instable et subit plusieurs subluxations par jour, elle glisse si souvent hors de l’articulation qu’après un certain nombre de fois, son chemin est fait. Dans mon cas, il y a, on pense, plus d’une structure qui disloque et subluxe, donc ça n’arrive pas toujours de la même façon ni exactement au même endroit… mais au fil des années, chacun de ces chemins s’est « adouci » et fait de moins en moins mal… Même lors des dislocations complètes. C’est juste que ça sort plus loin, le chemin est plus long, si on peut dire. Quand ça fait mal, c’est souvent que j’ai un poids dans la main, que j’effecue un mouvement, donc il y a des muscles, tendons d’impliqués qui, eux, ne sont pas aussi habitués… c’est ça qui fait mal ces fois-là.
Ce serait un avantage… si ce n’était pas de deux problèmes :
1. Plus les structures sont endommagées à force de faire ces chemins, plus l’instabilité augmente, ce qui crée encore plus de dislocations, ce qui crée plus de structures endommagées… un cercle vicieux.
2. Avec plus de subluxations et de dislocations, les muscles et tendons, en plus des ligaments, subissent des blessures de plus en plus importantes et la douleur augmente même si les « chemins » rendent une majorité des luxations moins douloureuses, principalement en raison de l’inflammation.
Autrement dit, l’instabilité augmente et la douleur devient à la fois chronique et aigüe (à presque chaque luxation).
Mais j’ai donc appris quelque chose d’important à propos des luxations… Parce que ça signifie que chaque fois que j’avais « l’impression » que quelque chose était «pas à sa place » dans mes chevilles ou mes pieds en marchant ou en dormant… c’était vraiment des subluxations, ou dislocations.
Chaque fois que ça m’est arrivé aux poignets, aux côtes, à la colonne cervicale (nuque), et j’en passe… Je ne doutais pas chaque fois, mais souvent, surtout plus jeune et avant mon diagnostic. Mais même récemment, comme j’ai dit, si je n’avais pas une douleur intense… quelle surprise.
Instabilité
Suite à cette découverte, entre autres, on en est venus à la constatation que j’en suis arrivée au point où uniquement des chirurgies pourront me permettre d’arriver à une certaine réadaptation. Parce que mes articulations sont trop instables et même le meilleur programme de physiothérapie ne pourrait pas les renforcer.
Il n’y a pas si longtemps, ce physiatre était de l’avis que la chirurgie était à éviter à tout prix quand on est hypermobile.
Et jusqu’à un certain point, c’est vrai. Nos tissus sont mal foutus, les réparations risquent de ne pas tenir, la convalescence est souvent doublée, rien n’est garanti, etc. On doit tout essayer avant d’arriver à la chirurgie. Ça ne doit pas être le premier choix, et quand on fait ce choix, il faut être très conscients des risques.
Cependant, si un médecin balaie automatiquement la chirurgie du revers de la main juste parce qu’on a le syndrome d’Ehlers-Danlos, c’est qu’il ne s’y connaît pas et qu’il ne prend pas l’ensemble du patient en compte.
Par exemple, il y a 9 ans, j’ai eu une chirurgie de reconstruction au poignet droit. Une auto-greffe de mon tendon. Ce n’était peut-être pas le meilleur choix, mais je ne sais pas si l’utilisation de tissus de donneurs (de cadavres) était possible en 2010… Malgré tout, ce fut une très bonne décision!
J’avais 2 ligaments et le cartilage TFCC déchirés, j’avais passé environ 7 ans avec une orthèse au poignet, j’avais mal sans arrêt… la seule solution à laquelle on pensait était une arthrodèse (une fusion des os; je n’aurais plus pu plier mon poignet, ni faire de rotation). Ça ne me dérangeait pas : je venais de passer 7 ans avec l’équivalent d’une arthrodèse externe, soit l’orthèse (et la douleur)!
Mais le chirurgien que j’ai finalement vu, qui connaissait le SED, a pensé à la reconstruction. Il n’a fait que le TFCC, et ça a fonctionné! Depuis 2010 j’ai rarement mal au poignet, malgré les 2 ligaments partiellement déchirés qui restent, et je n’ai besoin de porter l’orthèse qu’ici et là.
C’est donc un succès!
(quelques semaines après la chirurgie) Site du tendon utilisé
(quelques semaines après la chirurgie)
Mais là… mes épaules sont de plus en plus instables, mes chevilles et mes poignets également, mes hanches commencent aussi à subluxer de plus en plus souvent… On n’a pas dit qu’on envisageait des chirurgies à court terme, mais on se doute que ça s’en vient… et que c’est la seule façon dont je pourrai vraiment faire du renforcement.