(Note de lecture), Serge Martin, L'Impératif de la voix, par Arnaud Le Vac

Par Florence Trocmé

« On ne saurait assigner les œuvres littéraires à des genres : du poème à l’essai, du conte à la fable, du soliloque au chœur, ce sont toujours des proses en action, des rythmes en résonance, des gestes continués. » Serge Martin 

L’Impératif de la voix, de Paul Eluard à Jacques Ancet, publié ces jours-ci aux éditions Classiques Garnier par Serge Martin, opère une reprise des voix devenues nécessaires dans les disciplines de la critique et de la littérature contemporaine. C’est pour Serge Martin un tournant relationnel dans les études littéraires. Un travail qui a débuté pour Serge Martin en donnant toute son importance à une formulation décisive d’Henri Meschonnic disant que La voix est relation dans son livre éponyme Critique du rythme publié en 1982 et devenu depuis un classique de la pensée du XXe siècle. Serge Martin dans tout ce qu’il vit et fait met à l’œuvre cette pratique anthropologique et historique du langage. Dans son introduction, Voir les voix, de son livre L’impératif de la voix, Serge Martin écrit : « Tout doit et peut passer par l’attention la plus grande à ce que les œuvres font aux lecteurs et donc à ce qui les fait œuvrer dans et par les lectures partagées, étendues, continuées. » C’est en reconnaissant la nécessité de ces lectures partagées, étendues, continuées que Serge Martin engage une critique de la voix : « Ni origine, ni actualisation, la voix serait une activité qui porte et l’œuvre et sa lecture, dans le même mouvement de passage de voix qu’elles engagent l’une par l’autre, l’une avec l’autre ». Cette hypothèse de travail qui suppose une théorie générale de la voix, poursuit le travail de Voix et relation, une poétique de l’art littéraire où tout se rattache publié aux éditions Marie Delarbre en 2017, dont L’Impératif de la voix propose une théorie et une pratique de la critique de la voix. Quatre moments organisent cet impératif de voir les voix que Serge Martin relance d’œuvre en œuvre pour tenir ensemble le continu de la critique de la voix dans et par la reprise des oralités, des rythmes, des gestes et des relations. Une écoute continuée comme un vivre en voix cherchant dans cette répartition l’historicité de sa situation, l’historicité d’une voix résonante, continuée. Questionnant les passages de voix à partir de la littérature du XXe siècle et du XXIe siècle Serge Martin renouvelle la critique en interrogeant parmi ces voix présentes les poètes qui lui sont chers comme Paul Eluard, Jacques Prévert, Francis Ponge, Bernard Noël, Louis Calaferte, Bernard Vargaftig, Henri Meschonnic, Kateb Yacine, Michel Chaillou, James Sacré et Jacques Ancet, et qui sont autant de recherches en voix conjuguées que de découvertes vers ce que Serge Martin appelle une résonance générale.
Arnaud Le Vac
Serge Martin, L’Impératif de la voix, de Paul Éluard à Jacques Ancet, Éditions Classiques Garnier, 2019,  323 p., 39€.