L’Art nouveau m’a attirée à Helsinki. C’était une bonne raison de partir à la découverte de cette ville. Sur place, j’ai pu vérifier que l’architecture Art nouveau est l’un des principaux attraits d’Helsinki. Amateurs de ce type d’architecture, vous vous régalerez à Helsinki.
L’Art nouveau à Helsinki est d’autant plus significatif qu’il correspond à une étape clé dans l’histoire de la ville. Nouvelle capitale d’un jeune pays, Helsinki se développe et a besoin de s’affirmer à cette époque. Tout cela passe notamment par l’urbanisme et l’architecture. Les maisons en bois de la modeste petite ville qu’était Helsinki sont remplacées par des constructions en granit beaucoup plus imposantes que peuvent s’offrir les nouveaux bourgeois ou par des immeubles d’appartements destinés aux travailleurs, en fonction des quartiers. Ce mouvement touche aussi les bâtiments publics et commerciaux. Par ses volumes, ses matériaux et ses détails de décoration, l’Art nouveau, appelé aussi Jugendstil ou Romantisme national à Helsinki tranche sur la production néo-classique. L’Art nouveau, comme dans d’autres villes et dans d’autres pays, s’inspire de la nature d’autant plus qu’elle est très respectée en Finlande de tout temps à jamais avec une faune et une flore riches et spécifiques. Il trouve aussi ses racines dans l’épopée nationale du Kalavela qui exprime pareillement ce respect pour l’environnement. L’Art nouveau finlandais se caractérise en outre par ses tourelles et ses donjons, le recours à de gros pavés de granit ou à des peintures souvent lumineuses dans des tons de jaune ou d’orangé. Les portes sont traitées avec beaucoup de soin. Formes, matériaux et motifs sont fascinants. Les Finlandais ont trouvé une voie très originale qui est leur propre dans le courant Art nouveau. En fait, on a l’impression de circuler parmi de petits châteaux dignes d’un conte de fées L’intérêt pour le visiteur c’est que, le cœur d’Helsinki étant relativement peu étendu et la concentration des bâtiments assez forte, il peut voir de nombreux immeubles. Mais il faut prendre son temps pour ne pas rater les détails. Plusieurs architectes se sont illustrés dans le style Art nouveau à Helsinki mais les plus connus restent Eliel Saarinen (1873-1950), Gerlab Gesellius (1874-1916) ou Armas Lindgren (1874-1929).
Mes coups de cœur Art nouveau à Helsinki
L’immeuble qui m’a fait la plus forte impression est sans doute celui des Assurances Pohjola par Herman Gesellius, Armas Lindgren et Eliel Saarien en 1901. C’est un immeuble d’angle -à l’angle de Mikonkatu et d’Aleksanterinkatu-, ce qui lui permet d’avoir une belle tour. Il est en outre au cœur de la ville, donc inratable.
Puissant par sa taille et par son matériau, le granit taillé mais gardant des aspérités, il dégage cependant une certaine douceur grâce aux piliers et aux arcades très « dodus » qui composent son rez-de-chaussée.
A remarquer de ravissants écureuils au-dessus des portes, des pommes et des feuilles de pin, des tête de loup, des ours -petits et grands- et des personnages au visage grimaçant ou souriant.
La porte de l’entrée principale est ornée d’éléments en cuivre sur lesquels sont campés des oiseaux.
A mi-hauteur de l’arche qui l’encadre, une ribambelle de têtes d’animaux sont sculptés en relief. L’immeuble Lundqvist à l’intersection d’Aleksanterinkatu et de Mikonkatu avec sa façade en brique est beaucoup plus classique.
Autre petite merveille, le musée national, construit entre 1905 et 1916, 34 Mannerheimintie, est aussi une belle réussite. Herman Gesellius, Armas Lindgren et Eliel Saarinen sont encore une fois à la manœuvre.
L’immeuble en granit associe harmonieusement différentes formes : une tourelle arrondie à l’arrière, des tourelles d’angles en saillie et ornées de renards ou autres hôtes de la forêt, des toits dont les hauteurs diffèrent et, à l’intérieur de l’angle formé par deux corps de bâtiment une grande tour effilée ressemblant à un clocher.
C’est d’ailleurs par cette tour qu’on accède à l’intérieur du musée. Un magnifique ours en granit sculpté par Emil Wilkstrom accueille les visiteurs sur le perron. Au-dessus de la porte d’entrée des motifs de pins encadrent les fenêtres et montent à l’assaut de la façade et ces arbres en pierre servent de support à deux oiseaux postés sur leurs faîtes. La coupole qui surmonte le hall d’entrée est recouverte de fresques colorées évoquant l’activité économique de la Finlande.
Des vitraux colorés ont été intégrés dans la cage d’escalier.
Trois bâtiments à vocation publique représentatifs de l’Art nouveau inspiré d’Helsinki
L’ancien bâtiment de l’Union des étudiants de polytechnique au 29 Lonnrotinkatu a été dessiné en 1903 par Karl Lindahl et Valter Thomé.
Il a été transformé en hôtel et heureusement ses décors intérieurs ont été respectés et restaurés avec soin.
Là aussi, granit, tourelle se détachant du corps central du bâtiment, portes et fenêtres du rez-de-chaussée en ogive, découpe des ouvertures originales dans leur rythme et dans leurs emplacements, clochetons intégrés donnent à la façade beaucoup de personnalité. Au rez-de-chaussée, on est surpris par les voûtes qui délimitent l’espace et dont les arêtes sont soulignées par des motifs peints. Certaines reposent sur des piliers en blocs de pierre.
D’autres sont entourés par une guirlande de lapins, d’oiseaux ou d’hermines. Le poteau qui démarre la rampe est surmonté d’une lampe et garni d’un anneau en bois sculpté de fleurs et de loups. Et un peu partout, on retrouve le pin en touches décoratives.
A l’étage, la rampe se termine par une ronde d’oursons sculptés en bois.
On rencontre ça et là d’étranges personnages sculptés, comme sur la cheminée du premier où un être curieux fait le pendant à un ours tandis que des mulots serpentent sur les piliers.
Si j’ai pu voir une salle de réunion avec son poêle un céramique, je n’ai pas pu contempler la pièce qui se cachait derrière l’étonnante porte du hall de l’étage.
Une porte en bois, cloutée, garnie d’un parement en métal en bas, sculptée sur côté, pourvue d’une fenêtre en hauteur et dotée d’une énorme poignée digne d’un château fort.
Moins complexe, l’immeuble de la Compagnie du téléphone, 35 Korkeavuorenkatu, par Lars Sonck en 1905, est lui aussi en blocs de granit taillés et affiche une grande tour carrée, latérale au toit pointu en cuivre.
Sur sa façade, à mi hauteur, vient se greffer une tourelle en demi-cercle portée par de solides piliers.
Elle est décorée de motifs stylisés au-dessous de son toit. On retrouve ce type de robustes piliers ronds biseautés à leur base et marqués par des motifs similaire au troisième étage, entre les fenêtres. Les fenêtres ont une forme différente à chaque étage, ce qui donne beaucoup de relief à ce bâtiment dont la porte d’entrée est insérée dans un encadrement pointu.
Quant à l’Hôpital privé d’Eira, 29 Laivurinkatu par Lars Sonck en 1905, toujours en activité, il est habillé d’un crépi jaune.
Mais son soubassement est en grès tout comme l’encadrement de sa porte principale et là aussi, et ses façades sont rythmées par des avancées, des tourelles et des piliers ronds qui accentuent l’impact visuel de ces apports architecturaux.
Le mot hôpital pourrait induire en erreur. Le bâtiment est important mais pas plus que certains immeubles du centre ville. Je me suis aventurée à l’intérieur et j’ai été reçue très aimablement. J’ai ainsi pu photographier les décors intérieurs d’origine qui ont été conservés.
Les incontournables de style Art nouveau d’Helsinki
La gare d’Helsinki par Eliel Saarinen en 1919 est le bâtiment qu’on voit le plus souvent en photo quand on évoque l’Art nouveau dans cette ville. Elle est grandiose, c’est indéniable avec sa haute tour carrée supportant l’horloge.
L’entrée est majestueuse avec sa grande arche entourée par quatre géants tenant un globe. L’intérieur aux hautes voûtes est aussi très élégant et raffiné.
Mais on sent le glissement vers l’Art déco avec la rigueur de la mise en œuvre et des volumes. Le recours à la faune et à la flore nationales n’est plus de mise.
Dans le quartier ouvrier de Kallio qui s’embourgeoise actuellement, l’église, 2 Itainen Papinkatu par Lars Sonck en 1912, affiche aussi une certaine austérité.
Quand on monte vers ce quartier depuis la gare, l’église s’inscrit dans la perspective.
Ses cloches sonnent un air composé spécialement par Jean Sibelius. Un brin aride aussi, la Maison des ouvriers, 6 Saastopankinranta par Karl Lindahl en 1908, est implanté au bord de l’eau. Les décors insérés dans la façade en grès représentent les outils des métallurgistes, des menuisiers et des maçons.
Beaucoup plus léger et aéré malgré l’usage du granit, le Théatre national, 11 Vihonkatu par Onni Tarjanne en 1902, multiplie les tours, les toits pointus, les loggias, les arcades, les découpes, le tout décoré de cygnes et de hiboux.
Tout près du grand magasin Stockmann, d’un côté, et de l’Hôtel Seurahuone de l’autre, la Nouvelle maison des étudiants, 5 Mannerheimintie par Armas Lindgren and Wvi Lonn en 1910, s’articule autour d’une tour d’angle ronde qui fait la jonction entre les espaces intérieurs aux différentes fonctions. Quatre silhouettes élancées surmontent la porte d’entrée principale.
Deux immeubles où l’on traite d’argent sont aussi de style Art nouveau mais teinté d’une certaine rigueur qui sied à leurs fonctions : la Bourse, 14 Fabianinkatu par Lars Sonck en 1911 et la Société de prêts sur gage, 16 Etelaesplanadi par Lars Sonck en 1908.
A noter toutefois le décor de chats en colère sur encadrements métalliques de la porte d’entrée.
Enfin des immeubles Art nouveau sont visibles un peu partout. J’en ai repéré des quantités au fil de mes promenades comme à Kaartinkaupunki, Torilinna qui signifie « château sur le jardin », 13 Fabianinkatu par Edvard Lopponen en 1906, avec ses fausses cheminées décoratives soutenues par deux sculptures figurant des têtes d’homme.
Katajanokka et Eira pour respirer l’Art nouveau à pleins poumons
Mais deux quartiers sont particulièrement riches en Art nouveau. Difficile d’y faire un pas sans découvrir des immeubles, des villas dont l’architecture doit tout à l’Art nouveau.
Eira où se trouve l’Hôpital privé est un charmant quartier Art nouveau. Résidentiel, il est un peu excentré au bout de la presqu’île qui constitue Helsinki. Dans ce secteur, le parc Eiranpuisto est un lieu particulièrement privilégié avec ses jardins qui s’enchaînent et sur lesquels donnent des villas cossus.
Quant à la petite presqu’île de Katajanokka, c’est un condensé d’Art nouveau.
Pourtant ce quartier était un ramassis de taudis jusque dans les années 1870.
Mais la nouvelle bourgeoisie cherchant à se distinguer et le plan de la ville repensé en 1895 permirent à Katajanokka de se transformer du tout au tout en quelques années car les pouvoirs publics voulaient une transformation très rapide.
Sur ce petit bout de terre on recense actuellement 52 immeubles Art nouveau.
Le point d’entrée de Katajanokka se fait en passant devant la maison Talberg, 1 Luotiskatu par Gesellius, Lindgren, Saarinen en 1898, un petit château avec sa toiture d’angle toute effilée.
Ensuite, chaque immeuble cultive son originalité à coup de tours, de balcons, de portes d’entrées pointues ou carrées mais souvent cerné par un entourage en grès et de décors puisés dans la nature : fleurs diverses, pommes de pin, cygnes, hiboux, araignées, chiens, chats, grenouilles, ours, serpents, homards, monstres marins et j’en passe.
Mon café Art nouveau à Helsinki
Désormais à l’enseigne Robert’s, le Jugend Hall,19 Pohjoisesplanadi par Lars Sonck et Valter Jung en 1904, était autrefois une banque.
J’ai vécu un pur moment de bonheur en y prenant un café.
Il est rare de trouver un lieu aussi harmonieux.
La lumière pénètre à flot par le plafond qui est en fait une grande verrière vers laquelle convergent le murs doucement en pente pour former une coque de bateau inversée.
Tout autour de la salle des arches supportées par de gros piliers en granit se découpent dans ces murs et délimitent de part et d’autre deux allées latérales. Les chapiteaux des piliers servent de support à des animaux : chats, canards ou oiseaux sauvages sculptés dans le granit.
Au fond, une fresque de 1916 représentant des arbres flamboyants donnant sur la mer ou sur un lac délimite une zone semi-circulaire.
Cette fresque s’appuie sur des piliers en granit dont les chapiteaux figurent des têtes d’hommes certains rient, d’autres grimacent. A l’entrée du café des bancs en granit ont été installés.
D’un côté une chouette sculptée sert de séparateur, de l’autre une petite table toujours en granit s’insère entre les deux banquettes en pierre.
A lire
Helsinki, Jugendstil architecture 1895-1915 par Jonathan Moorhoue, Michael Carapetian, Leena Ahtola-Moorhouse, OTAVA, Helsinki, 1987.
Architectural guide, Art nouveau Helsinki, Helsinki City Museum, 2019, à acheter au musée d’Architecture.