Le bonheur est-il un état d'esprit ? Une opération mentale ? Une décision ? Un effort ? Une volonté ? Une construction intérieure ? Il est tout cela, le plus souvent, une fois réunies les conditions matérielles minimales nécessaires à sa présence. C'est à la fois une bonne nouvelle : notre bonheur dépend de nous-mêmes. Et une mauvaise : nous en sommes donc responsables. Et cela va nous demander travail et efforts. Ce personnage à l'apparence tourmentée, au corps sommaire, sans bras ni jambes, au visage ingrat mais rayonnant est une sorte de miroir malicieux que son auteur, Gaston Chaissac, se tend à lui-même. Ce grand mélancolique à la santé fragile nous rappelle que le bonheur ne nous est jamais - ou pas souvent - donné ni offert. Mais qu'il est en revanche toujours accessible à l'immense intelligence humaine. Avec son grand sourire, plein de force et de confiance généreuse, cet œil narquois, attentif, émerveillé, et surtout grand ouvert sur le monde, ce bonhomme me fait penser à mon ami Alexandre Jollien, philosophe au corps meurtri, chantre du "joyeux combat " pour une existence lucide et heureuse. Et nous rappelle l'essentiel : l'intelligence du bonheur existe ; elle relève chez certains d'un talent, chez d'autres d'une lutte ; elle nous est accessible...
Nous seuls pouvons conduire ce combat vers plus de lumière émotionnelle, nous seuls pouvons préférer le bonheur au malheur"
LA LEÇON DE CHAISSAC : TRAVAILLER A SON BONHEUR
D'où vient cette étrange idée reçue que le bonheur doit être spontané? Et que les efforts pour s'en rapprocher seraient improductifs, voire contre-productifs ? Pourquoi toutes ces critiques contre la recherche de bonheur? [...]
La punition divine lancée à nos ancêtres Adam et Ève : " Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ", c'était aussi : " Tu gagneras une partie de tes bonheurs à la sueur de ton front. " Que cela soit le fait d'une malédiction divine ou de la condition humaine. Le bonheur n'est pas une chance, mais une intelligence. Qui peut s'apprendre et se développer.
On dit souvent que la vie est un combat. Le bonheur aussi, surtout pour ceux que la vie n'a pas gâtés au départ. Que nos handicaps soient visibles, comme ceux qui nous touchent dans notre chair, ou qu'ils ne le soient pas, comme ceux qui proviennent de notre passé, de nos angoisses, de notre spleen, ils nous fournissent toujours de nombreuses raisons de ne pas être heureux.
Mais une fois établi cet éternel constat - il existe des gens plus heureux que nous, et d'autres plus malheureux -, quels prétextes nous reste-t-il pour continuer de ruminer notre mal de vivre?
Cette position de victime de l'existence est d'autant plus dangereuse quelle peut faire de nous des intouchables que plus personne n'osera approcher, guider ou conseiller. Cela aggravera notre solitude et notre handicap. Et cela nous renverra finalement à nous-même. [...] On ne peut pas être toujours heureux. Mais il est possible, aussi souvent que possible, de penser à laisser la voie libre au retour du bonheur.
Christophe André
Psychologies magazine
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