La Malaise Mailer

Publié le 22 juillet 2019 par Hunterjones
Quand l'univers parle d'une seule voix, elle se trompe tout le temps.
L'excès de virilité m'a toujours beaucoup amusé. Je trouve l'homme si petit quand il se sent le besoin de bomber le torse.
Quand Norman Mailer est décédé, en novembre 2007, tout le monde était unanime:
grand écrivain, grand chroniqueur des États-Unis, grand homme.
Et pourtant si petit.
Au propre et au figuré.
Bien que Libéral dans ses approches et ses écrits, il était nettement plus conservateur qu'il ne le laissait voir. Mailer détestait l'autorité, l'homosexualité, les femmes et se détestait probablement aussi. Toute ses oeuvres, en poésie, en littérature, en essais, en films, en journalisme, en théâtre, flirtent avec le comique involontaire si ils ne déploient pas de la violence ou du sexe abusif pour faire diversion du machisme primaire et de la misogynie latente de ses écrits.
Il était dans la quarantaine quand le mouvement anti-Vietnam a pris son envol aux États-Unis. Il avait eu le temps, déjà, de poignarder son épouse, et de voir l'éponge être vite passée, quand celle-ci a refusé de porter plainte. Faut être petit dans sa tête pour faire une chose du genre. Le mouvement anti-Vietnam a amené toute une jeune génération dans les rues, aux États-Unis. Mailer avait, en 1948, établi sa réputation avec son roman The Naked & The Dead, traitant des revenants de la Seconde Grande Guerre. Il a marché avec ces jeunes. Et écrit sur eux dans The Armies of the Night.

Il était brillant du crayon, mais mou de la feuille de chou. Il était 100% anti contraception. Et anti-avortement. Prisonnier du culte de la virilité, il était probablement aussi homosexuel. Ce qu'il refusait d'admettre, préférant simplement détester les homosexuels. Pour l'effet qu'ils faisaient sur lui. Il habitait tout de même Provincetown où la majorité de la population est tout simplement gaie.
Sa puissance intellectuelle, sa compréhension de ce qui était le plus dangereux pour la sensibilité masculine était était lié à cet attachement perpétuel au malaise. Comme dans une scène où il est attaqué au marteau par un acteur intoxiqué et qu'il réplique "he's hurt worst than me!" ou "The one who repeats eats the shit" incluse dans un des films qui l'a financièrement ruiné.
Difficile également de prendre au sérieux un roman titré "tough guys don't dance".

La malaise Mailer se prolongeait dans la violence domestique. Il a poignardé sa femme dans un délire politique confus.  Sa 4ème femme l'a accusé de l'avoir battue. Sa (toujours louche) fascination sur l'hyper-masculinité l'a amené à se passionner pour la boxe. Mailer a encore mené à la tragédie quand il a été instrumental dans la libération de Jack Abbott, qui a presqu'aussitôt poignardé à mort un pauvre serveur.
Mailer se plaignait de "la féminité grandissante" des États-Unis. En ondes, à la télé, souvent saoûl, il attaquait le féminisme comme un minus.  Il évoquait publiquement son mépris pour la place que prenait la femme, de plus en plus, de 1967 à nos ses derniers jours. Il se sentait menacé et se défendait de sa risible virilité.
À 25 ans, quand sa notoriété est née, derrière la question "tu prendras un verre?" posée par Mailer, se cachait l'envie de simplement poursuivre l'entretien d'homme à homme. Il s'est déjà battu avec un homme qui avait questionné la sexualité...de son chien! insécure comme ça, c'est assez rare.

Dans les quelques 30 livres qui suivraient, dont The Executioner's Song, qui m'est tombé des mains tellement il semblait relever du fantasme de jeune mâle testostéroné, la machisme serait au coeur d'à peu près tout.
Et ne survivrais pas à #MeToo.
Mais qu'est-ce qu'il écrivait bien aussi.
Mailer a écrit des monuments de bons livres comme Harlot's Ghost, An American Dream, The Fight (sur le Rumble in the Jungle qu'il a vécu sur place entre Muhammed Ali et George Foreman), Why Are We In Vietnam?, (plaidoyer anti-guerre de seulement 200 pages), Marilyn (première bio de NM, axée sur l'utilisation des fesses de MM).
Mailer était malaise.
Réactionnaire comme l'époque actuelle le commande désormais.
Et pas vilain éxégète sociétaire.
Qui ne laissait pas indifférent.
Demandez à Janet Flanner, Dick Cavett et Gore Vidal.
La maturité de Norman Mailer a souvent été, disons, douteuse.
Mais il restait distrayant.
Je reprendrai peut-être la lecture de The Executioner's Song d'ici l'automne.