La publication des derniers résultats trimestriels d'U.S. Bank et le constat qu'en tire un article d'American Banker me donnent aujourd'hui l'occasion de m'attarder sur l'évolution des modèles d'affaires des banques depuis quelques années, dans le sillage de la chute des taux d'intérêt dans les principales économies de ce monde.
La tendance est quasi universelle. Au fil des mois et des années, les bilans affichent les mêmes courbes dans la plupart des établissements : les marges issues de commissions et autres frais fixes sont en forte croissance tandis que les revenus d'intérêt – générés par la différence entre la rémunération des dépôts et le prix des crédits distribués – baissent continuellement, jusqu'à se croiser (ce qui n'est pas encore le cas pour U.S. Bank) et remettre en cause le principe de fonctionnement historique de la banque.
La perspective d'une remontée significative des taux – qui, seule, permettrait d'enrayer le phénomène – s'éloignant chaque jour un peu plus, les banques n'ont d'autre choix que d'imaginer et mettre en œuvre de nouveaux moyens de stimuler leurs bénéfices. Les premières recettes employées consistent naturellement à développer les ventes de produits et services qui génèrent des profits directs : solutions de paiement et d'encaissement, conseil en investissement, contrats d'assurance…
Dans de nombreux cas, la facilité l'emporte sur les efforts d'expansion (qui, certes, atteindront nécessairement leurs limites). Les banques les moins créatives se contentent ainsi d'augmenter les tarifs de leurs offres existantes : commissions de mouvement, frais de tenue de compte, frais de dossier sur les opérations de crédit… Au mieux, elles introduisent par la même occasion quelques avantages supplémentaires afin de justifier la hausse mais ce ne sont généralement que des artifices peu convaincants.
De telles mesures sont-elles susceptibles d'apporter une réponse durable à la crise existentielle qui menace le secteur ? Je crains que non. Outre le risque intrinsèque de rejet par les clients des ponctions de plus en plus élevées sur leurs comptes sans contrepartie additionnelle sérieuse, une génération d'acteurs promettant des prix serrés, voire la gratuité (même si elle n'est pas viable à terme), entraîne une accoutumance dangereuse pour ceux qui persistent à vouloir facturer la moindre transaction.
En réalité, la véritable planche de salut ne peut résider que dans l'innovation. Qu'il s'agisse d'inventer un modèle économique alternatif (comment monétiser différemment la valeur ajoutée de la banque ?) ou de commercialiser de nouveaux produits et services que les clients seront prêts à payer (sans les prendre pour des vaches à lait comme tendent à le faire des concepts tels que la carte biométrique), l'enjeu est le même dans les grands groupes qui jouent leur survie que dans les jeunes pousses de la FinTech.
La crise financière de 2008 (avec les événements concomitants de cette période) a constitué une opportunité manquée pour l'industrie de remettre à plat ses pratiques et les projeter dans l'univers « digital » du XXIème siècle, laissant le champ libre (quoique semé d'embûches) à des entrepreneurs plus visionnaires. L'environnement actuel représente le deuxième grand moment de vérité des banques, qui les contraindra à renouveler de fond en comble leur approche de leurs métiers… ou les mènera à leur perte.