Un porte-monnaie virtuel adossé à une réserve d'or ? L'idée n'est pas toute fraîche, mais en la lançant en pleine controverse sur le futur Libra de Facebook (et ses complices) et alors que la perspective du Brexit relance les inquiétudes sur l'économie britannique, la jeune pousse Tally démontre (au moins) qu'elle possède un certain sens du timing…
Le concept est simple : lorsque le client dépose des livres sterling sur son compte, au lieu d'être consignées telles quelles dans un registre, comme dans n'importe quelle banque, elles servent à acheter de l'or et sont, de la sorte, converties en une nouvelle unité, le tally, correspondant à 1 mg du métal précieux. Par la suite, chaque dépense effectuée, par exemple avec la carte Mastercard associée, donne lieu à une revente (transparente) d'une partie de la réserve, permettant le règlement dans la monnaie fiduciaire locale.
Pourquoi les consommateurs s'intéresseraient-il à une telle solution ? Les arguments de Tally sont résolument classiques. Ils tournent essentiellement autour de la méfiance à l'égard des devises étatiques, du fait, notamment, de leur sensibilité à l'inflation – et la perte de valeur qu'elle induit – pendant des périodes d'incertitude comme celle que vit actuellement le Royaume-Uni. Par opposition, elle vante la stabilité de l'or et sa nature physique rassurante, d'autant que les réserves sont stockés dans un coffre suisse.
Tally se positionne donc comme un fournisseur de la valeur refuge du XXIème siècle, en combinant le support privilégié depuis des millénaires pour assumer ce rôle, avec des capacités technologiques modernes (en considérant que la carte de paiement mérite ce qualificatif) grâce auxquelles il est aujourd'hui possible d'utiliser l'or dans les transactions du quotidien sans aucune friction, ou presque (un détail souvent négligé étant la complexité pour le quidam moyen de devoir jongler avec des devises différentes).
La réception de Tally dans le grand public sera intéressante à suivre car sa promesse est, finalement, très proche de celle des principales cryptomonnaies (Libra exclue, a priori, sa cible étant plutôt de faciliter les paiements sans frontières). Dans les deux cas, l'objectif poursuivi est de se libérer de l'emprise des gouvernements et de leurs politiques monétaires sur l'argent. Il paraît d'ailleurs assez amusant que les autorités s'émeuvent parfois des velléités libertaires des créateurs de monnaies alternatives mais ne trouvent rien à redire à une approche similaire basée sur un actif physique.
La familiarité et le prestige de l'or sont susceptibles d'entraîner la même acceptation implicite de son principe par les consommateurs, là où bitcoin et consorts ont tellement de difficultés à s'imposer comme des instruments sérieux, par absence de la confiance universelle qui constitue le fondement de toute monnaie, qu'elle soit matérialisée par quelques grammes de métal précieux, un bout de papier ou une suite de bits sur un disque dur. Nous verrons donc un peu plus concrètement si le rejet des devises traditionnelles dispose d'un quelconque ancrage dans l'esprit des citoyens…