Magazine
ce blogue aura douze ans demain
vous lisez présentement
la quatre cent soixante-septième entrée
de cette tribune où je tiens régulièrement salon
les réseaux sociaux ont changé ma vie
j'imagine que c'est le cas pour plusieurs
j'ai souvent dit tout le bien qu'ils m'ont apporté
en racontant les rencontres
que j'ai faites depuis deux mil sept
qui furent virtuelles avant d'être physiques
en décrivant comment le web
m'a permis de m'exprimer plus facilement
de ventiler mes idées et mes états d'âme
de rendre des comptes à un public
qui n'en demande pas tant
mais qui me permet de me garder motivée
qui me donne envie de faire des choses
de vivre ma vie en couleurs
j'aime les réseaux sociaux
comme une fabuleuse vitrine
où ma vie est en spectacle
et dont la mise en scène
me conserve en éveil en amour et en beauté
j'ai rarement déploré les réseaux sociaux
mais il est vrai
qu'ils me permettent parfois de m'isoler davantage
en facilitant ce mode unilatéral de connexions
que je privilégie tant
parce qu'il me procure ce que je veux
quand je le veux
on off
notification no notification
log in log out
vous êtes là vous n'êtes pas la
cela n'a aucune importance
c'est moi qui décide quand j'ai le goût
de prendre de vos nouvelles
et oui
quand j'ai envie de calme
je ferme tout
quand j'ai envie de party
j'ouvre tout
je lis je ris j'aime
je commente je partage
je n'ai pas besoin de sortir pour tout savoir
d'ailleurs l'autre jour
c'est par facebook
que j'ai appris que l'édifice au coin d'ici
était en train de s'écrouler dans la rue
pourtant il faisait beau
je n'ai pas dû sortir ce matin-là
je trouvais intéressante
la chronique de la pépinière
dans le devoir de mercredi
qui raconte que les gens manquent de plus en plus
de connexions physiques
depuis qu'ils sont absorbés par les réseaux sociaux
et que seul un réaménagement des espaces publics
les rendant encore plus excitants
que ce qui se passe dans les internets
pouvait favoriser une reconnexion charnelle
bon c'était comme si la vraie vie
était devenue un peu fade
qu'on avait perdu la capacité
de se réjouir des choses simples
et pourtant je crois que c'est vrai
vous n'avez qu'à demander à l'homme-chat
s'il ne partage pas souvent sa blonde avec son iphone
des fois je me dis que ce n'est pas si mal
que chacun passe un peu de temps dans ses affaires
cela évite peut-être que l'on se tape sur les nerfs
si on n'avait que nous deux pour nous divertir
peut-être nous serions-nous ennuyé
peut-être que notre couple aurait cessé d'exister
s'il n'avait pas vécu un peu pour
et au travers des autres
ah mais je vous entends
vous criez à l'outrage
vous vous dites que cela ne se peut pas
que cela est donc ben atroce
et pourtant c'est vrai
les relations hors écran sont de plus en plus ardues
il y a quelque chose de réconfortant
de pouvoir contrôler ce que l'on veut lire ou entendre
c'est beaucoup moins compromettant
que de jaser avec le voisin sur le perron
on ne sait jamais où il peut nous emmener
par exemple le dentiste hier matin
tout en faisant mon détartrage
me disait qu'il devait me parler d'affaires après
ça ne me tentait pas vraiment
je n'étais pas là pour ça
mais je ne pouvais quand même pas m'enfuir
en virtuel pourtant
ces choses-là n'arrivent pas
quand cela dérape ou prend une tournure désagréable
je ferme l'ordinateur
je ferme le téléphone
je vais faire une sieste et je reviens après
ou je ne reviens pas
vous ne voyez pas mon non-verbal
je n'ai pas répondu tout croche tout de suite
en général c'est facile
je ne suis pas live
les médias sociaux rendent ma vie agréable
ce n'est que le bonbon
je n'ai que ce que j'aime des gens
rien que le bon côté
jamais le mauvais
aucune obligation
juste du divertissement
oui oui c'est cela
du divertissement
mais ce n'est pas vraiment la vraie vie n'est-ce pas
et si je disais que c'est ce que je préfère des humains
le bon côté et non le mauvais
cela ferait de moi une horrible égoïste
qui fait du cherry picking
alors voilà
c'est cela que j'avais à reprocher
aux réseaux sociaux
ils me permettent d'être aussi sauvage que je le souhaite
de devenir tellement sélective
que j'en ai perdu le goût des interactions
que je ne supporte plus les échanges
que je manque de conversation
que je m'ennuie en présence des gens
les réseaux sociaux me permettent
de contrôler mon environnement
sans les aléas des vraies relations
l'accès au monde virtuel
me rend progressivement misanthrope
je n'ai rien contre les humains
c'est qu'en l'absence de pratique
j'ai perdu la capacité d'échange et d'empathie
c'est comme tout le reste
je manque d'exercice
alors non
ce n'est pas suffisant de me déconnecter
lorsque je vais au lac ou à la montagne
je crois que c'est surtout important
de me reconnecter au quotidien
avec le vrai monde
et me rappeler que l'humain
est imprévisible et changeant
pour me ramener à la réalité
même si je n'en ai pas du tout envie
même si je le redoute
même si je serai un peu déstabilisée
même si ça risque de chambouler mon horaire
et mes idées
mais avant qu'il ne soit trop tard
et que mon coeur et mon esprit se transforment
en consommateurs d'émotions
et que je devienne dysfonctionnelle en société
il faut que je me réhabitue à la vie
sinon je voudrai toujours quitter
avant la fin de la soirée
alors en ce douzième anniversaire
de ma vie sur les réseaux sociaux
je vous promets
que je répondrai plus souvent à la porte
et même au téléphone
que je ne serai pas exaspérée
lorsque vous radoterez les mêmes histoires
que j'essayerai de rire
même lors de vos farces plates
que je ferai un peu semblant
de m'intéresser à vos vrais problèmes
que je tenterai quand même de vous aider
mais que je prendrai du recul
pour toujours apprécier ma liberté
et mon privilège de vous avoir près de moi
mes amis
de vraies personnes qui me prennent aussi
comme je suis
joyeux anniversaire les babes
je vous aime! xxx