Variations énigmatiques est l’histoire d’une rencontre pleine de rebondissements et de révélations entre un prétendu journaliste et un célèbre écrivain isolé du monde.
C’est dans un véritable thriller que nous plongent ces Variations énigmatiques. Abel Znorko, grand écrivain, prix Nobel de littérature, vit seul, reclu sur une île de Norvège, à l’abri des hommes. Lorsqu’il reçoit la visite d’Erik Larsen, un journaliste désireux de faire un papier sur lui, c’est à coups de carabine et d’humour douteux qu’il l’accueille. Mais peu à peu, intrigué par l’aplomb et la décontraction de son visiteur, il l’invite à rester et accepte de se livrer au jeu d’une interview dont il est loin d’imaginer l’issue…
Une interprétation brillante
Qui aime-t-on quand on aime ? On ne le sait jamais complètement. Voilà la thématique de cette pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt. Le propos de ces Variations énigmatiques est assez classique, certes, mais abordé avec beaucoup d’efficacité et de rythme par deux comédiens épatants. Les rôles semblent avoir été taillés sur mesure pour eux, et ils parviennent à faire évoluer leurs personnages de manière très fine. Nous avons particulièrement été happés par le jeu solide, imposant de Gilles Droulez. Il n’y a que le talent et le charisme pour nous faire à ce point oublier le théâtre et nous faire habiter l’histoire.
Une joute verbale jouissive
A la manière dont les deux hommes se jaugent, on sent bien que quelque chose se trame. On se délecte de les observer, tels deux félins, se jauger, se tourner autour, s’approcher timidement l’un de l’autre puis se repousser, le poil hérissé. L’écrivain consent au jeu de l’interview, mais certaines questions le font rugir. Dès lors qu’il est question d’intimité, il se retranche derrière son cynisme. A qui appartiennent les initiales de la dédicace de son dernier livre ? A cette question précisément il se dérobe. Mais le journaliste, fermement accroché à sa théorie, est bien décidé à ne rien lâcher. Et le duel qui se joue alors entre eux et jouissif. Entre coups de colères et confidences consenties, on sent l’armure se fendre. Et ils n’ont pas fini de trébucher sur leurs visions si différentes de l’amour et du lien amoureux…
Des rebondissements en série
On commence par exécrer ce personnage arrogant et méprisant d’un écrivain grisé par la vie, qui refuse d’abord de dévoiler ce qui le rattache encore à quelque chose d’humain : la destinataire de ces longues lettres qu’il partage dans son dernier livre. Un amour passionnel, fantasmé, minutieusement préservé du réel, qu’il ressasse depuis de longues années. Mais un amour qui n’est, finalement, peut-être rien de ce qu’il croyait. Quand les masques tombent, un à un, on se prend d’empathie pour cet homme devenu soudainement faillible, sensible. Et, à mesure que le suspense grandit et que les coups de théâtre s’enchaînent, on se demande lequel de ces deux hommes a finalement le plus de secrets. Lequel a le plus à perdre. La fiction est réussie, et nous sommes réellement conquis !
Variations énigmatiques, d’Éric-Emmanuel Schmitt, avec Gille Droulez & François Tantot, mise en scène par Gilles Droulez, se joue au Théâtre des Corps Saints, à Avignon, du 04 au 28 juillet à 11h15. Relâche les 9, 16 et 23. Supp. à 17h les 10, 17 et 24 juillet.
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