La Manutention Africaine est établie en Côte d’ivoire depuis 1935. Elle agit en qualité de représentation locale du groupe français Jean-André Delmas (JAD), lui-même concessionnaire de Caterpillar depuis le début des années 30. Le réseau d’agences JAD est aujourd’hui présent dans 10 pays d’Afrique dont 7 en Afrique de l’Ouest (Mali, Sénégal, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Togo, Bénin) , les 3 autres étant le Niger, la Mauritanie et la Guinée Bissau.
Il s’illustre par une politique de ressources humaines avant-gardiste pour l’Afrique: à diplôme, qualification ou compétence égales, l’entreprise privilégie le recrutement de femmes. Hormis celles (rares) qui en rêvaient depuis l’enfance, le groupe a conçu divers programmes incitatifs, visant notamment à promouvoir l’égalité des chances et la visibilité du réseau JAD. Visites d’écoles et offres boursières fondent par exemple le programme Equality pour une vingtaine de jeunes filles chaque année, sous conditions (bonnes notes au Bac et inscription dans une formation proche des secteurs d’activités des agences). Il s’agit d’une initiative judicieuse étant donné que le système éducatif en Afrique apparait souvent inadéquat au regard des besoins du marché. En Côte d’Ivoire, 37% des employeurs peinent à recruter de la main d’œuvre réellement qualifiée.
Elles peuvent aussi effectuer un stage d’immersion dans le réseau JAD, une réelle opportunité quand on sait que les possibilités financières des parents ont une répercussion directe sur les chances de pouvoir payer des études post bac à leurs enfants. En effet, près de 10% du revenu des ménages africains est absorbé par les frais d’éducation.
D’ici 2040, Caterpillar prévoit une arrivée significative des femmes sur le marché de l’emploi. Une prévision fondée sur des chiffres sans appels : l’Afrique compte aujourd’hui 600 millions de jeunes. D’ici à 2030, ils seront 170 millions de plus à être scolarisés.
Non seulement, il faudra leur faire une place mais il s’agit surtout de donner aux jeunes femmes les compétences nécessaires pour entrer en compétition avec les hommes qui restent en moyenne 2 ans de plus dans le système éducatif. Aujourd’hui, 52 millions de filles n’ont pas accès à l’éducation en Afrique subsaharienne. Seuls 31% terminent un cycle secondaire et 13% seulement accèdent à l’enseignement supérieur. Cette politique vise également à "préparer les esprits", comme l’indique Nicole Tafébé, directrice des ressources humaines de la Manutention Africaine Côte d’Ivoire (MACI), qui atteste d’une "grande courtoisie des hommes" à l’égard de leurs collègues femmes au sein de l’entreprise. "La communication est parfaite !" témoigne Sandra Tefeguim, chef de projet chez MACI.
Outre ces prévisions, l’entreprise explique le maintien de sa stratégie par son expérience de terrain. Nicole Tafébé rappelle les bons résultats obtenus par le groupe au motif, notamment, que le personnel féminin semble plus fidèle à ses employeurs, ce qui pérennise efficacement les effectifs qualifiés. Une assurance qui a de la valeur au regard de la prise de risque de l’entreprise qui ouvre chaque année des postes mixtes de son programme "Graduate", pour permettre aux salariés de passer 6 mois à l’étranger malgré l’incontournable - probabilité que certains d’entre eux quittent le réseau après ce parcours. "Notre réseau est connu pour former du personnel de haut niveau. Chez nous, un technicien niveau 2 est considéré à l’extérieur comme un senior", explique Rackyatou Diallo, Responsable Régionale Développement RH chez MACI.
MACI reçoit beaucoup plus de CV masculins mais les femmes qui y sont recrutées ont toute leur place dans cet environnement dont parfois elles rêvent depuis toujours. "C’est le métier que j’ai choisi depuis l’enfance donc je m’attendais à travailler avec des hommes" affirme Blandine N’Guettia Kouassi, habillée de son uniforme de mécanicienne. La chef d’équipe moteur livre le secret de l’entente cordiale : "Il ne faut pas être trop autoritaire et respecter les hommes. Ça fonctionne très bien". Et quand on lui demande comment elle est perçue, en dehors de son entreprise, cette mère de famille répond avec nonchalance : "on m’encourage en général, une fois la surprise passée". Ces femmes, il est utile de le signaler, ne sont pas toutes Ivoiriennes car le groupe encourage là aussi, la mixité. Sandra Tefeguim est Camerounaise et y a étudié. Elle aussi, avait décidé très tôt de son avenir : "J’ai fait une terminale C où nous étions cinq filles sur 60 élèves. En dernière année de Master, nous n’étions plus que trois sur 40 élèves". Chez MACI, tous les postes peuvent être pourvus par des femmes, à compétences égales. Les différences constatées à l’échelle mondiale entre cadre des deux sexes (environ 15% de moins) existent cependant aussi. "Cela s’explique sans doute par le fait que les femmes négocient moins âprement leurs contrats que les hommes", déclare Nicole Tafébé qui met un point d’honneur à respecter leur singularité : "l’an dernier nous avons eu trois naissances parmi nos employées. Des dispositions ont été prises en attendant qu’elles reprennent leur emploi. Celles qui ont droit à des heures d’allaitement, les prennent en accord avec leurs supérieurs". Ces femmes sont par ailleurs couvertes pendant les 18 mois qui suivent leur accouchement par la loi ivoirienne qui protège contre les licenciements abusifs.
Il est à prévoir, dans de telles conditions, que les femmes de MACI susciteront beaucoup de vocations. La parité en Afrique peut aussi progresser grâce à l’entreprise.
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