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Guillaume Tell met dans le mille pour les 150 ans des Chorégies d'Orange

Publié le 17 juillet 2019 par Podcastjournal @Podcast_Journal
C'est tout naturellement que le Guillaume Tell monégasque voulu par le Maître des Lieux a trouvé sa place devant ce que Louis XIV appelait "Le plus beau Mur de mon Royaume".
L'ultime Opus de Rossini a toujours joui d’une certaine renommée, les plus grand ténors ont voulu vanter leur "Asile Héréditaire", la scène de la pomme est dans toutes les mémoires, et son esthétisme convient encore parfaitement au goût du public d’aujourd’hui. 
On sait également que la renaissance du Maître de Pesaro, voici trente-cinq ans, aura été également salutaire pour cette œuvre longue, complexe, aux inévitables lourdeurs.
"Il signor vacarmo", ici plus qu’ailleurs, jette les bases du grand opéra, son génie consistant alors à y déjouer les pièges tout en donnant l’impression d’y tomber. 
L’écriture, toute de finesse et de vitalité, est d’une légèreté insoupçonnée, mais révèle toutefois une complexité incroyable. Rossini s’amuse ouvertement à confronter toutes les écoles et arrive même à paraphraser son propre style tout en ouvrant le chemin à Verdi et Wagner. 
Avec le recul, l’insertion des chants populaires suisses se révèle assez rigolote, et, petit scandale pour l’époque, tout ce qu’on attendait de Rossini et de son répertoire de morceaux de bravoure est absent : les fameux crescendos, les finales en cadence parfaite.

Pleine de bruit et de fureur, la mise en scène qu’a réalisée Jean-Louis Grinda ne cherche à aucun moment à donner une "lecture" historique ou idéologique liberté et oppression resteront toujours d’actualité, mais éclaire le tout sous un jour nouveau, avec respect, et enchaîne les scènes dans une imagerie haletante qui a emballé le public de la première à la dernière note.
Si les saisissantes projections d’Eric Chevalier, les éclairages habiles de Laurent Castaingt, les costumes de cuir et de velours signés Françoise Raybaud nous transportent dans une luxueuse machine à remonter le temps, la discrète et pertinente chorégraphie d'Eugénie Andrin achève de nous séduire.

A tout seigneur, tout honneur, Nicola Alaimo, retrouve dans le rôle-titre, tout ce qui fait son succès interplanétaire : ton juste de ce révolté populaire au cœur droit, voix au timbre sombre qui dit sa détermination et son engagement dramatique, son large phrasé déployant quant à lui une profonde dimension héroïque. 
Dans un français irréprochable, Nicola se joue sans vergogne des fa et sol aigus qui parsèment sa partition. Son Tell est bien à l’image de ces deux valeurs essentielles aujourd’hui encore au peuple helvétique : famille et patrie.

Autre grand vainqueur de la soirée : Celso Albelo. Le ténor espagnol rayonne comme un lever de soleil sur le Lac des Quatre-Cantons. Ses aigus, solides comme un coffre du Crédit suisse, un médium séduisant alla Gedda, ne pouvaient que déboucher sur un grand air survolté et chevaleresque à souhait et pour lequel à la création, Duprez avait inauguré son ut de poitrine. 
L'arrivée à cheval d'Annick Massis est impressionnante. Sa Mathilde a fait passer la plus profonde émotion sur la représentation avec des piani caressants, un legato, un phrasé superbes et des envolées stratosphériques dignes des plus grandes.
Le reste de la distribution avec notamment un Jemmy (Jodie Devos) vif comme un feu follet et aux aigus sidérants, un Gessler (Nicolas Courjal) vocalement sadique et vicieux à souhait, terrifiant dans son cynisme de nazillon nouvelle vague, charbonneux comme un compte bancaire clandestin de Premier ministre, était très homogène. 
Désormais sociétaires des Chorégies, les Cavallier, Do, Véronèse, Dubois, Gubish faisaient plus que de la figuration intelligente : voix, présences, conviction… L’esprit d’équipe à son sommet...

Flamberge au vent Gian-Luca Capuano impose une conception large et soignée, sait ménager des plages d’intensité différentes et dirige avec passion et conviction l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et ses somptueux Chœurs (renforcés par ceux de Toulouse) comme toujours irréprochables. 
Quasi beethovenien, le final où les Suisses rendent grâce à Dieu dans un rayonnement de lumière a soulevé l’enthousiasme d'un amphithéâtre bourré à craquer, tout heureux de pouvoir vibrer à l’unisson avec l’arbalétrier le plus célèbre de l’histoire. Qui, parole de Vaudois, n'a jamais existé mais reste une belle légende…   


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