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Ossip Mandelstam – Tu n’es pas mort encore…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Tu n’es pas mort encore. Tu n’es pas seul encore,
Tant que pour toi et ton amie mendiante
La majesté des plaines est comme un réconfort,
Et la brume, et le froid, et les tourmentes.

Dans le faste du pauvre, dans la misère reine,
Vis calmement, sereinement :
Bénis soient tous ces jours et ces nuits qui s’enchaînent,
Et les doux sons du labeur innocent.

Mais malheureux celui qui craint les aboiements
Comme son ombre, et que le vent harponne;
Pitoyable celui qui, à peine vivant,
Demande à son ombre l’aumône.

*

Еще не умер ты, еще ты не один,
Покуда с нищенкой-подругой
Ты наслаждаешься величием равнин
И мглой, и холодом, и вьюгой.

В роскошной бедности, в могучей нищете
Живи спокоен и утешен.
Благословенны дни и ночи те,
И сладкогласный труд безгрешен.

Несчастлив тот, кого, как тень его,
Пугает лай и ветер косит,
И беден тот, кто сам полуживой
У тени милостыню просит.

*

You’re not alone. You haven’t died,
While you still, beggar woman at your side,
Take pleasure in the grandeur of the plain,
The gloom, the cold, the whirlwinds of snow.

In sumptuous penury, in mighty poverty
Live comforted and at rest—
Your days and nights are blest,
Your sweet-voiced labor without sin.

Unhappy he, a shadow of himself,
Whom a bark astounds and the wind mows down,
And to be pitied he, more dead than alive,
Who begs handouts from a ghost.

15-16 janvier 1937

***

Ossip Mandelstam (1891-1938) – Les Cahiers de Voronej

(Circé, 1999) – Traduit du russe par Henri Abril – Voronezh Notebooks
(NYRB, 2016)
– Translated from the Russian by Andrew Davis.


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