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L'Open Air Klassik am Odeonsplatz à Munich. Un événement plus social que musical.
Publié le 15 juillet 2019 par Luc-Henri Roger @munichandco"Klassik am Odeonsplatz" (Musique classique sur la place de l'Odéon) est un événement de masse qui fut organisé pour la première fois en l'an 2000 sous le signe de la réconciliation franco-allemande. Cet événement musical se veut de qualité, avec des musiciens du plus haut niveau et l'utilisation des techniques audio-visuelles de pointe. Sa retransmission est internationale. Au fil des années, les concerts classiques de Klassik am Odeonsplatz sont devenus, aux dires des organisateurs, un événement incontournable de la scène culturelle munichoise. De grands spectacles de musique classique sont proposés à des prix annoncés comme modérés. Les organisateurs vantent à raison le décor admirable de la place de l'Odéon avec la grande loggia de la Feldhernnhalle qui accueille l'orchestre, la magnifique église des Théatins, la facade récemment totalement rénovée, la Résidence et le portail d'entrée de son jardin ou le café Tambosi. Depuis 2016, Klassik am Odeonsplatz accueille l'excellent orchestre philharmonique de Munich, et les deux soirées sont retransmises tant à la radio qu'à la télévision. La place de l'Odéon, entièrement clôturée pour l'occasion, fait le plein des 8000 spectateurs qu'elle peut accueillir pour chacune des deux soirées musicales organisées, soient 16000 spectateurs au total.
Nous nous y sommes hasardés hier soir lors du deuxième concert qui accueillait l'excellent Münchner Philarmoniker et son non moins excellent chef principal, Valéry Gherghiev pour un programme entièrement beethovenien . L'ouverture symphonique Coriolan, la plus expressive et dramatique des ouvertures de Beethoven, si caractéristique du style "héroïque" du compositeur, le cinquième concerto pour piano et orchestre magistralement interprété par Daniil Trifonov, un des pianistes les plus géniaux de sa génération, et, après l'entracte, la cinquième symphonie. Soirée alléchante s'il en est à la lecture du programme.
Mais la réalité d'une telle soirée a fortement déçu notre attente, sans doute par trop naïve. Nous étions 8000 personnes entassées dans ce grand espace cloisonné pour ne voir l'orchestre, son chef et le pianiste invité que par le truchement d'écrans géants qui obligent à la contorsion des têtes, et pour ne l'entendre que par la diffusion des hauts-parleurs, 8000 personnes assises sur des chaises de métal suprêmement inconfortables et beaucoup trop étroites, surveillés par de multiples gardes et forces de sécurité, faisant à l'entracte des files interminables devant des containers aménagés en toilettes, s'étant mis en frais de toilette pour venir se poser là en élégants, dans un immense jeu de société. Nous savions que l'orchestre jouait au loin sous la loggia sous des tentes blanches de protection, sur l'écran géant, nous avons risqué le torticolis pour observer la gestuelle précise et inspirée de Valéry Gherghiev et pour suivre le jeu envoûtant de Daniil Trifonov, et admirer son extase musicale, les yeux rivés au ciel, la tête perdue dans des nuées beethoveniennes dont ses mains magiques impulsaient les sortilèges aux touches du clavier. Mais, mis à part ces moments d'émotion visuelle, nous n'avons pas été touchés au point d'être emportés, car, même si la technique de retransmission est excellente, rien ne vaut le contact immédiat d'une salle de concert ou le confort de son propre salon avec une chaîne haute-fidélité. L'entracte a d'ailleurs vu les rangs des spectateurs se clairsemer. Et nous sommes rentrés fort tard dans nos foyers, les muscles du dos et du cou mal en point, jurant, mais un peu tard, qu'on ne nous y reprendrait plus. Un voisin pris au même piège nous glissait gros sourire en coin qu'il était venu deux fois dans sa vie à ce spectacle, ce soir même, la première et la dernière.
Vu avec candeur et bienveillance, et ceci dit en guise de consolation, on peut supposer que ces Open Airs donnent du travail à de nombreuses personnes et contribuent peut-être à attirer un public qui n'y serait peut-être autrement pas enclin à découvrir de grandes œuvres du répertoire. On se consolera en réécoutant sur l'excellent BR Klassik, la vidéo de la soirée. Vous dirais-je notre bonheur et notre jouissance de cette réécoute confortable, la théière à côté de la main ?