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Le Parc culturel de la céramique du four-serpent de Shuili, dans le district de Nantou, au centre du pays, préserve et promeut les traditions locales de fabrication potière.
Photo : Chin Hung-hao / MOFALes riches traditions artisanales du district de Nantou trouvent leur source dans un vibrant paysage culturel.Un matin de mars, l’artisane teinturière d’indigo Tang Wen-chun [湯文君] fait visiter à un groupe d’étudiants en design son atelier situé à l’Institut national de recherche sur l’artisanat (NTCRI), dans le district de Nantou, au centre du pays. Alors que les visiteurs déambulent dans son atelier spacieux, Tang Wen-chun répond aux questions concernant son artisanat de prédilection et explique de façon concrète comment elle imprime des motifs indigo complexe sur les vêtements, les porte-monnaie et une variété d’autres objets.
L’artisane teinturière d’indigo Tang Wen-chun montre certaines de ses créations récentes dans son atelier de l’Institut national de Recherche sur l'artisanat, à Nantou. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)Le groupe venu de l’Université nationale des sciences et technologies de Yunlin, dans l’ouest de Taiwan, est l’un des nombreux groupes à avoir visité l’atelier de Tang Wen-chun situé dans le vaste complexe du NTCRI. L’institut, qui se trouve dans la commune de Caotun du district de Nantou, est une Mecque pour les étudiants en design et en artisanat. Créé en 1954, l’établissement est aujourd’hui géré par le ministère de la Culture. En plus des ateliers en résidence, il accueille des expositions et des formations pratiques dans des disciplines allant du tissage de bambou à la sculpture sur pierre en passant par la céramique.
Tang Wen-chun est l’une des six résidents de l’institut. Elle est elle-même issue des programmes d’enseignement de l’institut, ayant lancé sa carrière après avoir participé à un cours sur la teinture des tissus en 2003. Pour l’artisane, l’établissement est le plus éminent symbole du dynamisme culturel de son district natal. « Nantou possède une riche variété de traditions d’artisanat que les visiteurs peuvent explorer », explique-t-elle.
Le NTCRI expose les travaux d’artisans locaux et internationaux. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)Selon le directeur du NTCRI, Hsu Keng-hsiu (許耿修), l’institut est le centre taiwanais le plus avancé pour la promotion et la préservation des artisanats traditionnels. « Nous travaillons aussi à développer la connaissance des techniques artisanales à l’étranger en invitant régulièrement des artisans étrangers à venir collaborer avec leurs homologues taiwanais au sein de notre établissement. »
En outre, le NTCRI permet à des artisans et des ateliers locaux d’artisanat et de design de participer à des événements à l’étranger. En mars 2017, il a envoyé une délégation au Salon international du mobilier de Singapour, où la Fondation culturelle et éducative Watersource (un atelier de teinture d’indigo de la ville de Taichung, au centre de Taiwan) a remporté le prix du Meilleur décor dans la catégorie Artisanat. Tang Wen-chun est depuis 2008 l’instructrice en chef de la fondation, réputée pour sa ligne de produits « Taiping Blue ».
Le maître laquier Wang Ching-shuang finit une pièce. (Aimable crédit du district de Nantou)Capitale artisanale« Nantou est la capitale artisanale de Taiwan », déclare Lin Rong-sen [林榮森], directeur général du Bureau culturel du district. Selon lui, le district est essentiellement associé à trois disciplines : le tissage de bambou, la laque et la poterie.
De nombreux maîtres de renom dans ces disciplines sont originaires de Nantou, parmi lesquels Wang Ching-shuang [王清霜], Huang Tu-shan [黃塗山] and Li Rong-lie [李榮烈]. Wang Ching-shuang et Huang Tu-shan sont respectivement reconnus pour leurs accomplissements dans les arts de la laque et du bambou. Li Rong-lie est célébré pour son rôle de pionnier dans la revitalisation d’une discipline qui conjugue le tissage de paniers en bambou et la peinture à la laque.
Cette chaise en bambou réalisée par l’artisan taiwanais Chen Kao-ming et par le designer allemand Konstantin Grcic est née d’un programme de collaboration internationale organisé par le NTCRI. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)Afin de préserver l’héritage culturel immatériel de la nation, le ministère de la Culture a désigné 30 individus et organisations à travers Taiwan comme étant d’ « importants conservateurs des artisanats et des arts de la scène ». Avec quatre d’entre eux (dont les trois déjà mentionnés), Nantou est la région du pays qui profite du plus grand nombre de bénéficiaires de ce titre.
Parmi les formes d’artisanat les plus représentatives de Nantou, la poterie est certainement la plus visible pour les visiteurs. « Plusieurs villes du district ont parmi les plus grandes concentrations d’artisans potiers et de fours traditionnels de Taiwan », affirme Chang Min-hao [張敏浩], directeur général de l’Association d’art potier de Nantou.
Le secteur de la poterie à Nantou a connu une transition majeure au cours des dernières décennies. De nombreux centres de céramique traditionnelle connaissaient déjà des difficultés pour joindre les deux bouts quand un tremblement de terre de magnitude 7,3 a touché le centre de Taiwan le 21 septembre 1999. A la suite de cette tragédie, dans laquelle plus de 2 400 personnes sont décédées, plusieurs lieux de poterie ont connu un renouveau touristique inattendu, explique Chang Min-hao.
Le musée de l’art du bambou de la ville de Nantou explore les traditions de tissage de bambou du district. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)Aujourd’hui, des infrastructures comme le Village d’art céramique du four de Tian Xing, dans la commune de Jiji et le Parc culturel de la céramique du four-serpent de Shuili, dans la commune de Shuili, aident à préserver les traditions de fabrication potière du district. Ces parcs culturels offrent des visites des vieux fours, présentent les outils et les méthodes de production traditionnelles et proposent des expériences pratiques de poterie. Ils accueillent également des expositions d’œuvres de céramistes taiwanais.Des traditions aborigènesLa diversité du savoir-faire de Nantou vient de la variété de cultures ayant influencé son développement. Le district abrite des membres des communautés atayal, bunun, seediq et thao, quatre des 16 peuples autochtones officiellement reconnus à Taiwan. Au total, les populations aborigènes constituent 5,7% de la population de Nantou.
L’un des groupes locaux les plus impliqués dans la promotion du patrimoine culturel aborigène est l’Association culturelle bunun. Basée dans la commune de Sinyi, l’organisation est le quatrième bénéficiaire à Nantou de la désignation d’ « important conservateur des artisanats et des arts de la scène » du ministère de la Culture. Elle est reconnue pour garder vivante la coutume bunun du Pasibutbut, un chant polyphonique à huit voix, généralement interprété en février afin de prier pour une bonne récolte du millet. Grâce aux activités promotionnelles de l’Association culturelle bunun, le Pasibutbut est devenu l’une des traditions aborigènes les plus largement connues et célébrées à Taiwan.
Des paniers ancestraux utilisés pour le festival Lusan du peuple autochtone thao. Ils constituent la dernière entrée sur la liste des coutumes populaires majeures du ministère de la Culture. (Aimable crédit du district de Nantou)Les efforts visant à préserver la culture thao ont eux aussi rencontré d’impressionnants résultats ces dernières années. Les Thao sont parmi les groupes indigènes les moins nombreux de Taiwan, avec seulement 200 membres résidant actuellement sur leurs terres traditionnelles autour du lac du Soleil et de la Lune de Nantou, un site touristique de premier plan à Taiwan. En 2015, le festival Lusan, qui prend place en été pour célébrer la nouvelle année thao, est devenu la 18e des coutumes populaires majeures listées par le ministère de la Culture.
« Bien que nos traditions soient sérieusement menacées par l’essor du tourisme sur nos terres, l’inscription sur la liste soutient nos efforts de conservation, explique Hudun Lhkatanamarutaw, administrateur de l’Association pour le développement et la culture thao. Avec cette nouvelle désignation, il est plus facile de solliciter des financements publics pour préserver notre culture. »
Une illustration présentant certains des sites les plus emblématiques de Nantou. (Illustration : Kao Shun-hui)L’héritage hakkaLes habitants hakka, qui constituent 16% de la population de Nantou, ajoutent davantage encore de vitalité au paysage culturel du district. « Situé véritablement au centre de Taiwan, Nantou fut la principale destination de ceux ayant décidé de se réinstaller après la vague initiale d’immigration hakka venue du sud-est de la Chine », indique Lin Rong-sen, directeur général du Bureau culturel du district.
Afin de mieux faire connaître la culture hakka, l’administration locale a lancé le projet « Communautés hakka six étoiles ». Cette initiative permet de promouvoir le tourisme dans les communautés majoritairement hakka de six communes du district de Nantou, à travers un éventail de mesures promotionnelles et de projets de rénovation. Dans la commune de Guoxing par exemple, où les Hakka constituent presque 80% de la population, des efforts sont entrepris afin de transformer la vieille rue en une plateforme pour les ateliers de design et les entreprises culturelles et créatives.
L’espoir de l’administration du district est que ce programme aide à améliorer l’appréciation du paysage culturel du district. « Les patrimoines immatériels transmis par les générations passées participent dans une large mesure à placer Nantou à part des autres régions de Taiwan, affirme Lin Rong-sen. Protéger et promouvoir ces ressources est notre objectif premier. »
Des membres de la communauté bunun interprètent le Pasibutbut, un chant polyphonique à huit voix. (Aimable crédit du district de Nantou)
Les visiteurs profitent d’une balade à vélo autour du fameux lac du Soleil et de la Lune. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)
L’académie d’enseignement classique de Lantian de la ville de Nantou est l’un des 14 lieux désignés comme sites historiques par l’administration locale. (¨Photo : Chin Hung-hao / MOFA)Mettre en valeur les ressources historiques uniques de NantouBien que largement célébré pour sa beauté naturelle et son héritage culturel immatériel, le district de Nantou possède également une variété de biens historiques uniques qui restent cependant peu connus. Au premier rang de ceux-ci se trouve le sentier historique de Batongguan, le seul site historique du district classé au plan national.
Achevé en 1875 à l’époque de la dynastie Qing (1644-1911), le sentier a été construit pour renforcer les interactions entre les autorités et les tribus aborigènes vivant dans les montagnes. Situé sur ce qui constitue aujourd’hui le Parc national de Yushan, ce sentier fut le premier passage traversant les montagnes centrales, démarrant dans la commune de Zhushan, à Nantou, et se terminant dans celle de Yuli, dans le district de Hualien, à l’est de Taiwan. S’étendant sur 152 kilomètres au moment de sa création, le sentier est en majorité devenu impraticable depuis. Certaines parties ont toutefois été maintenues en état.
L’administration du district a également désigné 14 lieux comme sites historiques, y compris trois temples et trois académies d’apprentissage classique. L’une des attractions les plus connues sur cette liste est le Pont du riz glutineux. Construit en 1941 au cours de la période coloniale japonaise (1895-1945), la structure enjambe la crique de Peikong, dans la commune de Guoxing, à Nantou. Son nom lui vient du fait que du riz glutineux a été utilisé comme adhésif pendant sa construction.
Non loin de la crique de Peikong se trouve le Parc culturel de la maçonnerie de pierre. L’ancienne infrastructure d’extraction et de maçonnerie, qui a fourni les matériaux bruts pour le pont, a été transformée en une attraction touristique « qui permet aux visiteurs d’explorer la clairvoyance des populations hakka locales dans la promotion d’une utilisation durable des ressources disponibles », explique Lin Rong-sen.
Le riche héritage culturel de Nantou est aussi visible à travers les vestiges archéologiques de Chuping, dans le district de Renai. Situé à une altitude de 750 mètres, ce site préhistorique a été découvert en 1980. L’administration locale travaille en collaboration avec plusieurs ministères dans le but de concevoir un parc archéologique sur le site où ont été excavées les reliques afin de pouvoir les y exposer, alors qu’elles sont actuellement conservées dans une institution universitaire à Taipei.
Les efforts pour élargir le nombre d’établissements culturels à Nantou se sont accélérés ces dernières années, avec comme ajout le plus récent le musée des arts Yu-hsiu. L’institution privée a ouvert en janvier 2016 et elle est le premier et seul musée des beaux-arts du district. « Son objectif est de renforcer l’éducation aux beaux-arts tout en aidant les artistes taiwanais à se faire connaître à l’étranger à travers des projets d’échange avec des institutions étrangères », explique le directeur du musée, Lee Chu-hsin [李足新].
Situé dans la commune de Caotun, le bâtiment abritant le musée est lui-même une œuvre d’art. La structure, conçue par Liao Wei-li [廖偉立], a remporté la récompense de premier ordre du Prix de l’architecture de Taiwan, un prix décerné annuellement par le magazine Taiwan Architectdepuis 1979. L’entrée dans le musée est gratuite mais sur réservation seulement.
(Source Taiwan Info)