Puisque j'ai récemment fini le livre de la surtout-pas-victime Samantha Geimer, violée par Polanski à l'âge de 13 ans, et que je me suis aussi tapé trois de ses films entre 1966 et 1971, mais surtout, puisqu'un remake du film J'accuse, d'Abel Gance en 1919 (ou 1938), adaptation du récit d'Émile Zola, qui lui, couvrait l'affaire Dreyfuss, est attendu cette année de la part de Polanski, survolons ses 20 longs-métrages précédents.
1965: Repulsion
Avec une large influence de la Nouvelle Vague Française, Roman et son bientôt inséparable scénariste Gérard Brach, souhaitent obtenir un gros succès commercial afin de financer un projet plus personnel qu'ils ont à coeur, qui sera leur film suivant. Catherine Deneuve devait être un "ange" légèrement souillé. Solide essai sur le poids de l'abus sexuel. Sujet qu'il réétudiera en privé dans le futur...
1966: Cul-de-Sac
Avec la soeur plus dégourdie de Catherine Deneuve cette fois, Roman tourne l'histoire, toujours signée Polanski/Brach, de deux criminels de petite envergure, tourmantant des occupants d'une villa. Film à cheval entre la comédie, la cruauté et l'insolence. Ne m'a jamais impressionné. Même après deux écoutes. Malgré la présence du Québécois d'origine Ian Quarrier. (Dorléac en anglais: assez terrible) et le toujours plaisant Donald Pleasance.
1967: The Fearless Vampire Killers
Reprenant Jack MacGowan et Iain Quarrier, mais offrant aussi à son amoureuse le rôle de sa vie, et s'offrant à lui, celui de l'assistant Chaplinesque, Roman signe (avec Gerard Brach, toujours) une comédie sur les vampires fort réussie. Dans un décor hivernal qui ne peut que me plaire. Inspiré des films muets, c'est, je crois son film le plus drôle.
1968: Rosemary's Baby
Adaptation fidèle du roman d'Ira Levin. Polanski ne savait en fait pas qu'il pouvait s'écarter du script original. Second volet de la trilogie inconsciente des malaises en appartements (avec Repulsion et Le Locataire), le film raconte l'arrivée d'un couple dont le premier bébé naissant intéresse un peu trop tous les membres du condominium.
1971: MacBeth
Roman, veuf, fait appel à un ami critique britannique, Kenneth Tynan, spécialiste de Shakespeare, afin de réaliser un rêve, celui d'adapter une oeuvre de William. Le ton sera très violent, voulant probablement exorciser l'assassinat brutal et futile de sa tendre épouse enceinte, deux ans plus tôt par la bande à Charles Manson. Des scènes évoquent presque ce qui ce serait passé ce fatal soir de 1969. Francesca Annis y est formidable, Jon Finch aussi, mais tous les autres également. Le couvent de sorcières étant particulièrement glauque. Formidable de brutal réalisme, mais si choquant, que le film fait patate au box-office, et il faudra presque 25 ans avant qu'on ne refasse du Shakespeare sur grand écran. Le tournage a aussi été terrible, en raison des conditions météo, mais aussi parce que Polanski est impatient, colérique et dans de mauvaises conditions mentales pour communiquer clairement ce qu'il veut.
1972: What?
Projet épouvantable pensé et écrit par Roman et Gérard Brach, racontant l'histoire d'une jeune touriste des États-Unis, fuyant une tentative de viol, en Italie, pour se réfugier dans une villa aux personnages excentriques, pour y vivre un genre d'Alice au Pays des Merveilles à saveur sexuel. Pas drôle quand ça veut l'être et affreusement idiot. Brach dira que c'est son film préféré. Polanski est aussi convaincu que c'est leur meilleur. Voilà pourquoi il accepte finalement la proposition de Robert Evans de tourner Chinatown comme prochain projet, moyennant que celui-ci lui paie son salaire de Chinatown, selon les recettes du premier week-end de What?. Erreur grossière, le film ne fera que 64$ le premier week-end. Et reste de loin le pire film de Polanski. N'exposant que ses fantasmes de domination sexuelle. Sujet qui ne le quittera jamais. Secon film consécutif à faire vraiment patate pour Romek.
1974: Chinatown
Qui aurait cru qu'un scandale municipal autour de l'eau desservie au public aurait pu être aussi captivant? Jack Nicholson, qui avait eu la bonne idée de ne pas s'emballer pour le film que Roman lui proposait en 1972, brille dans ce film noir qui sera salué de 11 nominations aux Oscars et dont Robert Towne gagnera la statuette du meilleur scénario. Roman y joue le rôle de Toothpick, dans une scène mémorable de nez trop mal placé. Le film est inspiré de faits réels du début des années 30 à L.A. Il sera si pertinent pour l'histoire des États-Unis, qu'il sera enregistré à la Librairie du Congrès. Dernier film de Roman tourné en sol d'Amérique puisqu'il viole trois ans plus tard, et fuit le continent pour éviter la prison.
1976: Le Locataire
Inspiré du roman français de Roland Topor, tourné en France, troisième volet de la trilogie des appartements en ville, menant à l'aliénation sociale et psychologique et à la dépression nerveuse. Roman y incarne le rôle titre pour la seule fois de sa carrière. Troublant de fragilité émotive, un peu Kafka, un peu Hitchcock, paranoïaque. Troublant. Un de mes favoris, dès le plan d'ouverture. Le travestissement est aussi une récurrence chez Romek. Son dernier grand film à mon humble avis.
1979: Tess
Vieux projet que Sharon Tate lui avait suggéré de lire, et qu'il comptait lui faire tourner, l'histoire de Tess of the D'Umbervilles. Plus de 10 ans plus tard, Roman tourne le roman de Thomas Hardy, racontant le tiraillement d'une jeune paysanne entre deux hommes la désirant, et le film se méritera 3 des 6 Oscars pour lequel il sera nommé. Kinski est une révélation.
1986: Pirates
Avec l'envie de rendre hommage aux films d'Errol Flynn, Roman offre à Walter Matthau le rôle principal d'un sujet qui a toujours passionné Polanski. Le film est une catastrophe financière et critique.
1988: Frantic
Je le découvre à 16 ans, avec ce film, et il ne m'impressionne en rien. Du sous-Hitchcock. De la TV sur film. Mais il fait la rencontre de l'actrice Emmanuelle Seigner, qui changera sa vie.
1992: Bitter Moon
Le film psycho-sexuel ramène Roman dans ses passions pour les relations de pouvoirs et les amours dominants/dominés. Sombre, sexuel, troublant, tordu. Ça lui va, tordu.
1994: Death & The Maiden
Il adapte la pièce à succès du chilien Ariel Dorfman, Roman reste dans le thème du dominant/dominé et de son contraire.
1999: The Ninth Gate
Ce film me déçoit beaucoup. Adapté du livre d'Arturo Perez-Reverte, ça me semble une commande, à celui qui avait tourné autour de Satan avec succès en 1969, et qui aurait pu être tourné par n'importe qui. Pas un auteur comme Roman. Capable de si jolis plans comme ceux d'hiver du Bal des Vampires.
2002: The Pianist
Adaptation de la vie de Wladyslaw Szpillman, mais aussi beaucoup de la sienne, enfant errant sous les bombes. Y perdant sa maman. Il gagnera les plus importants Oscars pour ce film, mais n'ira jamais les chercher, criminel d'Amérique qu'il est.
2005: Oliver Twist
Ça pue la commande, c'était nécessaire de le refaire ce film? Roman se justifie en disant qu'il voulait faire un film pour les enfants d'Emmanuelle et lui.
2010: The Ghost Writer
Vu dans un avion, inspiré vaguement du premier ministre britannique Tony Blair. Excellent thriller travaillé avec Robert Harris, dont l'histoire est tirée de son roman, The Ghost.
2011: Carnage
Habile adaptation de la pièce de Yasmina Reza sur deux couples de parents, devant discuter de la chicane entre leurs enfants respectifs, discussion dérapant forcément. Drôle et sombre à la fois. Chef d'oeuvre de dialogues passifs/agressifs. Polanski est un poète des petits espaces. Reza a la plume acide qui convenait. Jeu parfait de 4 interprètes.
2013: Venus in Fur
Je ne l'ai pas vu, mais je constate que Roman reprend sa marotte des jeux de pouvoirs, adaptant la pièce de David Ives. Je ne pense pas voir ce film. Je n'aurais pas choisi Seigner dans ce rôle. Tout semble forcé.
2017: D'Après une Histoire Vraie
Ça, j'ai lu de livre de Delphine de Vigan. Et j'avoue être intrigué. Mais j'aurais pris quelqu'un d'autre dans la peau de l'auteure.
J'accuse, avec entre autre Jean Dujardin, sera lancé le 13 novembre prochain internationalement.