J'ai toujours aimé Rip Torn.
Un pas pire nobody.
Mal aimé, mal aimeur.
Son nom tout simplement. Rip (Déchirer) Torn (Déchirer). Impossible qu'il ne prenne notre vie au sérieux. Il disait d'ailleurs qu'il fallait jouer un drame comme une comédie et une comédie comme un drame. Maxime qui a la valeur d'une bine dans la chaîne alimentaire.
Il était aussi tout sauf un acteur principal. Toujours un acteur de soutien. Un difficile en plus. Ce qui en faisait un martien.
Un martien sait en reconnaître un autre. Ironiquement, la première fois que je prendrais conscience de son existence serait dans le film The Man Who Fell To Earth, où il incarne plutôt le terrien opportuniste face au martien Bowie.
Originaire du Texas, il ne pouvait pas être parfaitement normal. Le premier film dans lequel il jouerait serait majeur. Et le mènerait à l'Actor's Studio de Lee Strasberg. Devenant ensuite un prolifique acteur de théâtre.
Il fera beaucoup de télé et toujours des rôles ni cercles, ni carrés, mais triangulaires. Déchirés triangulaires. J'aime les triangles. Pink Floyd aussi. J'aime Pink Floyd. Rip aidera sa cousine, Sissy Spacek a se partir une carrière dans l'industrie également. (une femme difficile elle aussi, que j'adore).
Un aussi jeune Copolla l'engage. Il jouera Miller dans l'adaptation de Tropic of Cancer d'Henry Miller. Il ne pouvait PAS être normal. Terry Southern, whiz des cocktails de drogues expérimentaux de la fin des années 60 et du début des années 70, le côtoie sur le plateau de The Cincinnati Kid, que Southern avait scénarisé. Et dans lequel Torn joue le beau-frère de Steve McQueen, lui écrit le rôle de Jack Nicholson dans le film Easy Rider. Rôle qui lancera la carrière de Jack. Mais lors d'un entretien avec le réalisateur, et acteur, Dennis Hopper, les deux ne s'entendent pas et Hopper lui brandit un couteau sous le nez. Nicholson sera engagé à sa place. Torn dira qu'il se fâche facilement et que bien des choses le rendent triste tout aussi facilement. Il est peut-être bipolaire sans le savoir.
Moins d'un an plus tard, pendant le tournage d'un film de Norman Mailer, et mettant en vedette le gros ego du diminutif Mailer, Torn, probablement intoxiqué, s'effondre mentalement en plein tournage (le tournage et le film sont assez hippies), marteau à la main il confesse sa rancune envers la direction générale du film de Mailer. Puis, il choisit de l'attaquer au marteau. La bataille sera filmée.
Dans une des scènes les plus burlesques qui soit. Mais une scène vraie. Où la femme de Mailer se rend aussi criminelle que Torn avec son agression, en promettant à Torn de le tuer. Une scène exposant deux enfants dans des corps d'homme. Mailer en gardant la grandeur.
Mailer aura l'humilité d'inclure toute la scène dans son film. Pensant peut-être bien paraître. Mais Torn ne paraît certainement pas mieux. Il a la tête dans une ombre funeste. C'est Hollywood glauque comme Tarantino nous le peindra peut-être dans son film du 26 juillet prochain.
Son rôle de chanteur country, l'année de ma naissance, lui vaudra beaucoup d'éloges. Mais ce n'est qu'en 1983 que son talent est reconnu lorsque nommé aux Oscars dans la catégorie de rôle de soutien masculin.
Il sera rarement acteur principal, sinon sur scène, au théâtre, et sa carrière renaît dans les années 90 dans le rôle du producteur du Larry Sanders Show. Il sera nommé 6 fois pour un Emmy pour ce rôle et en gagnera un.
Personne ne le remarquera tant que ça dans des rôles pourtant clés dans Men In Black ou Summer Rentals. Des films mineurs, je sais. Un acteur mineur, fou du marteau, ça se remarque peu dans des films encore plus mineurs.
Déchire déchire décède mardi dernier, à 88 ans.
12 ans après Norman Mailer.
Qu'il a quand même presque tué.
Devant sa femme et ses enfants.
Rip Torn était martien, je vous le confesse.
Il n'est que retourné sur sa planète.
Sa mission était terminée.
Chuuuuuuuuuut!
R.I.P., Rip