Max | Je me souviens 4

Publié le 11 juillet 2019 par Aragon

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« Je me souviens »,

souvenirs datant d’entre 1953 et 2019,

Perec m’en a donné le goût et l’envie,

je me suis dit pourquoi-pas moi ? J’ai essayé...

Si vous voulez, je vous invite à mettre en route

une zik d’Erik Satie (Gymnopédies par exemple)

pour la juxtaposer au texte pendant que vous lirez ces

« Je me souviens »

Satie colle mieux qu’Uhu

et que quoi et qui que ce soit, je le pense,

à mes (des) bribes de souvenirs…

201/

je me souviens de Nino Ferrer, merveilleux Nino, de sa chanson « Natacha » en particulier, Nino, bucolique comme Virgile, Nino fou de blues et de rock, Nino et ses fleurs, ses abeilles, sa fontaine, son blues-rock-jazz débordant, son énergie et sa mélancolie qui lui sera fatale, de son concert à Pomarez (Landes) dans les années soixante dans lequel il partageait la scène avec... Tino Rossi, de la bagarre monstrueuse qui s’en suivit sur les gradins des arènes entre les fans réacs du petit papa Noël et ceux, jeunes et chevelus, du fou au téléphon, bagarre intergénérationnelle de fans qui ne pouvaient pas se comprendre, c’était évident

202/

je me souviens qu’enfant je n’étais pas du tout doué pour jouer aux billes, par contre j’admirais mon copain Jean-Charles qui me subjuguait en plaçant sa bille d’une façon particulière entre pouce et index et en étant capable à plus d’un mètre de distance de dézinguer d’un « clic » vivace, énorme, retentissant, la bille de l’un de ses malheureux adversaires

203/

je me souviens avoir joué aux indiens gamin et avoir inventé une langue indienne que mes copains, indiens comme moi, comprenaient bien sûr

204/

je me souviens des « Carambar » au caramel, des divines sucettes au chocolat « Chupeta », de ces putains de coquillages remplis d’une texture bonbon indécollable qu’il fallait lécher sans fin et qui te niquait dents et langue comme dans la chanson de Renaud

205/

je me souviens du plaisir d’écaler cacahuètes et œufs durs, de celui d’enlever après y être enfin arrivé, le paillon délicat qui recouvre le coeur de l’artichaut

206/

je me souviens avoir nagé dans le Pacifique et l’Océan Indien avec tortues, dauphins, baleines, requins, d’avoir vu de près l’oeil d’un dauphin, celui d’une baleine. Transformation à jamais après ces expériences

207/

je me souviens avoir tellement aimé, enfant, grimper aux arbres, y rester des heures, comme à la maison

208/

je me souviens du trompettiste autodidacte Bix Beiderbecke mort très jeune à 28 ans en 1931, l’un des musiciens les plus touchants de l’histoire du jazz ainsi que le dit Wikipédia, c’était le modèle de Boris Vian, j’ai lu ado un livre écrit par lui, c’était sa vie, c’était époustouflant, impossible de retrouver titre, trace, même sur Internet ; j’adore son jeu, c’était un génie

209/

je me souviens avoir appris et mémorisé volontairement à treize ans les cinquante états étasuniens et les capitales d’État, leur placement sur une carte, je trouvais ça passionnant, je devenais ainsi « l’Amérique », je les connais encore

210/

je me souviens de ma rencontre passionnante avec Pascal Quignard à l’Université de Pau & Pays de l’Adour, notre longue discussion, je lui ai offert une boîte de foie gras et une très belle bouteille de Jurançon

211/

je me souviens d’une interview de Salvador Dalí dans laquelle il disait qu’il doutait de sa peinture jugeant que Diego Velázquez avait déjà répondu à tout

212/

je me souviens de ma visite de la maison de Dalí à Cadaquès, des œufs sur le toit, près du ciel

213/

je me souviens du « Christ de Saint-Jean-de-la-Croix » tableau de Salvador Dalí, cette perspective me hante positivement encore

214/

je me souviens que les parents de Salvador Dalí (1904/1989) lui dirent alors qu’il était très jeune enfant, que, né neuf mois après la mort de maladie à l’âge de deux ans de son frère prénommé également Salvador, il en était la réincarnation

215/

je me souviens avoir vu à quarante ans d’écart, deux expositions du peintre, dessinateur, graveur, Hokusai (1760/1849), émerveillement

216/

je me souviens que Hercule-Savinien de Cyrano de Bergerac (1619/1655) et Miyamoto Musashi (1584/1645) accomplirent le même exploit en des lieux et des pays évidemment forts différents, ils se battirent seuls en duel, à l’épée pour Cyrano, au sabre katana pour Musashi, contre cent personnes à la fois qu’ils tuèrent, blessèrent ou mirent en déroute, histoires vraies

217/

je me souviens que l’astéroïde (2817) découvert en 1982 porte le nom de Georges Perec

218/

je me souviens que l’astéroïde (184878) découvert en 2005 porte le nom de Gotlib, papa de Gai Luron et de la coccinelle, grand copain de Perec

219/

je me souviens qu’il existe aussi des astéroïdes Chopin (3784), Beatles (8749), Creedence Clearwater Revival (19398), Bob Dylan (337044) et Professeur Tournesol (327082)

220/

je me souviens de Cochise-K’uu ch’ish le chêne et de Géronimo-Go Khla Yey celui qui baille, j’aime le peuple Apache et tous les peuples amérindiens

221/

je me souviens du commissaire Antoine Bourrel, de son adjoint l’inspecteur Dupuy et des « Cinq dernières minutes » série policière française des années cinquante/soixante. Concept assez original qui faisait participer le public et ponctué en final de chaque épisode par le célébrissime cri « Bon sang ou bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! » poussé par Bourrel qui avait enfin le nom du coupable. C’était cependant quand j’y repense, soporifique, convenu, chiant et assez terne… je ne mets pas en cause l’image télé noir & blanc de l’époque pour ce dernier qualificatif

222/

je me souviens de certains livres, lus… comment dire ? De l’intérieur peut-être, c’est à dire que j’y étais vraiment, en chair, en os, corps âme et esprit… Exemples : « L’Escadron blanc » de Joseph Peyré, « La Maison dans la dune » de Maxence Van der Meersch, « Un homme se penche sur son passé » de Maurice Constantin-Weyer, « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne, « L’Astragale » d’Albertine Sarrazin, « Le Fou d’Amérique » d’Yves Berger, « Le Survenant » de Germaine Guèvremont, il y en a d’autres…

223/

je me souviens enfant, avoir adoré jouer à la poupée et à la marelle avec ma cousine Josette de Perpignan, nous étions inséparables, nés à quelques jours de différence, à Amou, dans la même maison tous les deux

224/

je me souviens des fous rires avant de rentrer en scène avec les collègues comédiens de notre illustre Cie de théâtre amateur De But en Blanc, il y a toujours quelqu’un qui a la colique ou envie de pisser quelques secondes avant de rentrer sur le plateau, après, c’est fini, la magie opère

225/

je me souviens de l’extraordinaire bonheur d’être comédien de théâtre, aussi modeste soit-on, de la plus modeste troupe amateur soit-on membre, l’un des plus grand bonheur jamais éprouvé dans ma vie est d’être comédien, l’honneur que l’on m’a fait de m’avoir accepté dans la troupe, un comédien reçoit et donne, il est en relation vraie avec les autres, avec le monde… Je veux aussi saluer maintenant les collègues de la troupe du « Bocal » d’Aire-sur-Adour (Landes), ceux de « TN10 » d’Aurice (Landes)… Que vive le théâtre amateur !!!

226/

je me souviens de l’autre extraordinaire bonheur que l’on ressent dans le salut final au théâtre, rien de plus grand et de plus jouissif que le salut final, main dans la main avec les autres comédiens, pas d’orgueil à ce moment-là, pas la pensée qui serait de se dire « Ouf ! C’est fini... », mais un bonheur indescriptible, un sentiment total de fusion et de communion avec les partenaires comédiens, l’auteur, le metteur en scène ou la metteuse en scène et le public sans lequel ne théâtre ne serait pas

227/

je me souviens du visage et de la personnalité de Frère Roger de Taizé. Je l’ai rencontré plusieurs fois dans les années soixante dix/quatre-vingt, il m’a souvent pris dans ses bras ainsi qu’il le faisait à tous. Il n’était qu’amour vrai. Il a été assassiné dans sa chapelle où l’on venait décliner l’amour dans toutes les langues du monde

228/

je me souviens avoir été très impressionné étant enfant quand un cirque avec animaux s’installait pour un soir sur la place du village. Les rugissements des lions, le feulement des tigres, à moments dans la nuit me parvenaient, terrifiants, lugubres, ils s’installaient dans ma chambre, c’était effrayant, j’avais l’impression d’être seul et sans défenses dans la jungle ou la savane… Heureusement mon lit était protecteur et je m’endormais assez vite… Au lever je fonçais avec les copains sur la place du village, le cirque était parti au petit matin, restaient quelques tas de crottin, l’odeur des fauves qui flottait encore sous les platanes...

229/

je me souviens des petits cirques itinérants de mon enfance, ma stupéfaction quand le garde-champêtre du village qui faisait de la pub pour le cirque, annonçait sur la place publique, de sa voix de stentor en insistant sur le « r » de quatre… un éléphant de quatrrrrre tonnes…

230/

je me souviens de la BD du petit cirque de Fred. Immortelle, émouvante, étrange...

231/

je me souviens de mon ami Jacques Bocquet, clown, comédien, écrivain, poète, peintre, sculpteur, ami d’Annie Fratellini et de sa passion qu’il m’a transmise pour les arts circassiens

232/

je me souviens d’un artiste extraordinaire du Cirque de Moscou qui avait pour vedettes dans son spectacle des chats, l’animal paraît-il le plus difficile à dresser, il leur faisait tout faire, jusqu’à marcher sur une corde, tête en bas, dressés, avançant sur leurs seules pattes avant

233/

je me souviens de la description fascinante des monumentales écuries de Carthage qui pouvaient contenir trois cents éléphants de combat, plus d’autres, aménagées pour leurs caparaçons de guerre, c’est dans l’extraordinaire et passionnant « Salammbô » de Gustave Flaubert

234/

je me souviens du livre « Crin-Blanc » de René Guillot, de Folco, leur nage finale vers cette île merveilleuse

235/

je me souviens du livre « Le Ballon Rouge » d’Albert Lamorisse et du film bien sûr, en noir et blanc avec pour seule couleur le rouge du ballon espiègle, libre

236/

je me souviens que dans le film inoubliable en noir et blanc « Rusty James » de FF Coppola, seuls les poissons combattants dans le bocal étaient en couleur ainsi qu’à la fin le tragique gyrophare rouge de la police

237/

je me souviens de « La Hulotte » le journal le plus lu dans les terriers, un magazine qui devrait être offert par notre République, envoyé gratuitement à toutes les écoles, institutions publiques, EHPAD, familles, personnes, assoc, etc. en France, en millions d’exemplaires

238/

je me souviens que j’ai un arbre dans notre bois familial à Amou, planté par mon père et mon oncle en 1970, c’est un Séquoia Gigantea, il fait aujourd’hui plus de trente mètres de haut, j’en suis immensément fier, il est si beau, on devrait tous avoir et appartenir à un arbre

239/

je me souviens avoir toujours détesté pratiquer les sports collectifs, le collectif je ne l’ai heureusement trouvé qu’au théâtre

240/

je me souviens avoir toujours été passionné par les arts martiaux, j’ai la ceinture marron et espère passer bientôt la ceinture noire de Jujitsu

241/

je me souviens que le « Che » Ernesto Guevara était particulièrement cruel. Il reçu le surnom de « boucher » lors de ses fonctions de procureur impitoyable à la prison de la Cabaña à La Havane. Il a sur les mains le sang de milliers de personnes. Il a été mon icône quand j’étais jeune, j’ai été horrifié quand j’ai appris que Robespierre était un gamin par rapport à lui. Il a osé dire à la tribune des Nations Unies « Nous avons fusillé, nous fusillons et nous fusillerons... »

242/

je me souviens du coup d’État au Chili de Pinochet en 1973 comme d’une brûlure fulgurante dans mon coeur

243/

je me souviens de la bouleversante chanson de Lluis Llach « Campanades a morts », l’Espagne n’était que grise à cette époque-là, seule cette couleur dominait et ça a duré un demi siècle...

244/

je me souviens du « Temps des Cerises », chanson que tous les français de plus de… euh... je dirai… quarante ans, connaissent et peuvent fredonner

245/

je me souviens de mes longues visites au cimetière du Père Lachaise à Paris, du mur des Fédérés

246/

je me souviens de la « Semaine Sanglante » du dimanche 21 au dimanche 28 mai 1871, 35 000 personnes furent tuées au combat, assassinées ou fusillées à Paris par le sinistre monsieur Thiers

247/

je me souviens de mon écoeurement, ma rage, aujourd’hui encore, quand je découvris et vis que des places, des rues, des avenues en France portent le nom d’Adolphe Thiers

248/

je me souviens que Léon Gambetta, membre du Gouvernement de la Défense Nationale, quitta Paris assiégée le vendredi 7 octobre 1870 en « ballon monté », Victor Hugo assista à ce départ /cet envol, deux jours plus tard il atterrit à Tours

249/

je me souviens de noms d’avions qui marquèrent définitivement mon esprit quand je les découvris dans « l’Illustration » ou d’autres bouquins : « l’Oiseau blanc » de Charles Nungesser et François Coli, le « Spirit of Saint Louis » de Lindbergh, « l’Éole » de Clément Ader, « La Demoiselle » d’Alberto Santos-Dumont, le « Vieux Charles » de Georges Guynemer, « Croix-du-Sud » de Mermoz…

250/

je me souviens de certaines grandes répliques au théâtre, ainsi dans Caligula I/4, d’Albert Camus cette réponse de Caligula à Hélicon qui m’intrigue encore:

Hélicon : Et qu'est-ce donc que cette vérité, Caïus ?

Caligula : Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.

251/

je me souviens de Coluche jouant le Temps des Cerises avec des gants de boxe rouge, sur un mini violon, émouvant à pleurer puis immédiatement après (ou en même temps) à hurler de rire, de l'immense Coluche

252/

je me souviens avoir toujours voulu traverser le Leuy de Béarn (la rivière qui traverse mon village) à pied, j’ai failli le faire en 1956 quand la glace le recouvrit entièrement, j’allais le faire quand un promeneur m’a retenu par la manche, je ne sais plus qui c’était ce probable sauveteur...

253/

je me souviens avoir aimé les oiseaux - tous - très tôt dans mon enfance, les oiseaux me rassuraient, semblaient m’indiquer avec des signes le comportement des hommes, je savais quand il fallait me planquer, apparaître, marcher, courir, glander, respirer, etc. C’est ça si je réfléchis bien aujourd’hui, les oiseaux me donnent une juste respiration

254/

je me souviens de ma passion pour les nids d’oiseaux, pures merveilles souvent, simplicité et perfection angéliques que ces constructions

256/

je me souviens la Route 66 qui reliait Chicago (Illinois) à Santa Monica (Californie), ouverte et accessible entre 1926 et 1985, 3935 kms, traversait 8 états & 3 fuseaux horaires, actuellement des tronçons subsistent, évidement j’aimerais la parcourir en Harley

257/

je me souviens des « Tontons flingueurs » de Georges Lautner en 1963, du fameux « Brutal »… faut reconnaître… c’est du brutal dit Raoul (Bernard Blier), Fernand (Lino Ventura) renchérit … j’ai connu une polonaise qui en prenait au petit-déjeuner… faut quand même admettre qu’cest plutôt une boisson d’homme… Paul (Jean Lefebvre) surenchérit … vous avez beau dire, y’a pas seulement que d’la pomme, y’a aut’chose… ça serait pas des fois de la betterave ?

258/

je me souviens du goût nouveau en début années soixante de ma première bouteille en verre bue de Coca & Cola

259/

je me souviens d’avoir été vraiment malheureux pour avoir oublié dans une boutique et perdu, un parapluie de berger, un magnifique, authentique, immense parapluie de berger en toile bleue, acheté dans la boutique du parapluie de berger à Pau : Au Parapluie des Pyrénées, 12, rue Montpensier, 64000 PAU , Tél : 05 59 27 53 66, contact@parapluiedeberger.com

260/

je me souviens des moutons de monsieur Loustaunau, le berger d’Amou, qui traversaient le village, on se mettait avec les copains au milieu de la rue et les moutons nous passaient autour, sans fin, ça durait, ça durait, quel bonheur…. c’était une impression paisible et joyeuse pour les mômes que nous étions, à la fin les moutons étaient loin, ne restaient qu’une douce odeur légèrement âcre et sur le sol des millions de petites crottes-billes

261/

je me souviens du livre « Jean Chalosse, moutonnier des Landes », lisez-le vous verrez...

262/

je me souviens du plaisir redoutable de grimper à une palombière, trente mètres (parfois plus) d’échelles étroites fixées à la verticale d’un grand chêne, terrifiant et inoubliable, une fois arrivé là-haut on est sur les arbres, sur la canopée, silence et paix, bonheur, les palombes sont le prétexte des chasseurs de palombes, leur seul but s’ils voulaient l’avouer c’est la recherche de paix, là-haut

263/

je me souviens de la sensation extrême de me sentir indien quand je découvrais, dans la boue des ornières de la foret de mon enfance, des traces de passage des chevreuils, sangliers, etc.

264/

je me souviens que ma mère chantait dans la voiture qu’elle a conduit peu de temps, avant que mon père décrète qu’elle conduisait mal, qu’est-ce que nous aimions ça ma sœur, mon frère et moi

265/

je me souviens que mon oncle de Castel-Sarrazin chantait comme un pinson, en tout lieu par tout temps, en labourant avec ses vaches, en coupant de l’herbe à la faux, quand on se promenait à bicyclette, son répertoire était immense, il connaissait par coeur une bonne centaine de chansons, de Brassens à Trenet, en passant par Germaine Montero chantant Mac Orlan, à Piaf, Montand, Mouloudji, la plus troublante pour moi était « Quand Margot dégrafait son corsage pour donner la gougoutte à son chat... » j’étais môme mais cette perspective - cette vision - me troublait beaucoup

266/

je me souviens avoir assommé une poule pendant la période homme préhistorique de mon enfance. J’avais demandé à mon oncle de me fabriquer un gourdin pour assommer des ours, un jour j’ai poursuivi et estourbi une poule qui est tombée dans un profond fossé, heureusement pas morte, mon grand-père qui avait vu la scène était intervenu trop tard avant mon geste et il est descendu péniblement, lui, le grand estropié de guerre dans ce profond fossé, il est remonté toujours difficilement, moi, j’attendais que sa foudre me frappe, mais d’une voix douce et ferme, je m’en souviens parfaitement, il m’a dit de ne plus jamais faire ça, qu’une poule c’était utile… (et en me regardant intensément)... ça nous donne des œufs...

267/

je me souviens de ma petite voisine Sylvette à Castel-Sarrazin, sa ferme était à deux-cents mètres de la mienne à travers champs, j’adorais jouer avec elle, sa mère nous donnait pour goûter une grosse tranche de pain brut avec un seul petit carré de chocolat, le plaisir était de faire durer le chocolat le temps de faire passer le pain, ça pouvait prendre un certain temps…

268/

je me souviens avec effroi du rituel du sacrifice du cochon à la campagne, tous les voisins invités à aider, ces hommes forts et frustes, qui rivalisaient d’adresse pour occire la malheureuse bestiole, le soir il était toujours donné un grand repas où se retrouvaient tous les participants à ce rituel venu de la nuit des temps… Très vite, les hommes, seuls à table, se laissaient aller, les verres se vidaient aussi vite qu’ils se remplissaient, les femmes réunies à la cuisine soupiraient et haussaient les épaules, moi, je regardais fier et légèrement effrayé par ce vacarme païen et archaïque, puis le vieux Henri Lespès du Baron, l’ancêtre, le patriarche, l’ami préféré de mon grand-père qui avait juste un ou deux ans de moins que lui, aussi estropié que lui par la guerre, se levait de sa chaise, lissait sa moustache, buvait debout un autre verre pour éclaircir sa voix et entonnait la chanson qui commençait toujours cette partie de la nuit, cette fin de repas qui finirait en chansons jusqu’au petit jour. Les paroles dont je me souviens parfaitement me faisaient très peur car elles me paraissaient inquiétantes, je ne me souviens que du début qui commençait par ces mots entonnés avec une voix volontairement très très grave et scandée par les poings des invités qui s’abattaient tous ensemble et régulièrement sur la lourde table de chêne… « bonhomme, bonhomme, oh bonhomme tu n’es pas maître dans ta maison, quand nous y sommes... »

269/

je me souviens que ces connes de poules picoraient au sol le sang qui s’égouttait du cou de l’une de leur consœur égorgée par ma mémé, suspendue tragiquement au portail du jardin, en attendant d’être ébouillantée, plumée, vidée, etc.

270/

je me souviens que j’étais très gêné quand je voyais ma grand-mère se transformer en homme, c’est à dire enfiler un vieux pantalon informe et grotesque de mon grand-père pour aller gaver, à nuit tombée d’hiver, les oies et les canards dans une cabane lugubre un peu loin de la maison, ça me faisait un peu peur, ça avait une allure de croque-mitaine...

271/

je me souviens que le croque-mitaine en Chalosse s’appelait « Came Crude » qui peut se traduire en français et bizarrement par « Jambe crue ». La Came Crude rôdait près des maisons le soir et si les enfants s’attardaient trop au dehors, gare, la Came Crude les chopait… La Came Crude que me décrivait ma grand-mère était une jambe unique munie d’yeux et d’une grande bouche avec des dents pointues qui sautait et courait avec une dextérité diabolique et se nourrissait d’enfants pas sages, inutile de vous dire les jetons que ça nous flanquait, puis, vint un temps coïncidant avec la mort du père Noël où tout ça s’est terminé, ouf !

272/

je me souviens que dans les fermes, les dames offraient toujours des bonbons aux enfants qui venaient, il y a avait toujours une bonbonnière sur un buffet, je me souviens que parmi les bonbons il y avait souvent des pastilles Pullmol et Valda, offertes et croquées comme des bonbons

273/

je me souviens, sidéré, du saut dans le vide sidéral de Félix Baumgartner, parachutiste et sauteur extrême, le dimanche 14 octobre 2012, à l’altitude de 39376 mètres !!! Ce fut le premier homme qui passa, nu - hors appareil - le mur du son à la vitesse de 1357, 6 km/h et, deux ans après, de celui d’Alan Eustace, le vendredi 24 octobre 2014, à 41419 mètres d’altitude, mur du son lui aussi, hommes incroyables, comment peut-on accomplir tels exploits ?

274/

je me souviens du film « L’étoffe des héros », l’histoire vraie et magnifique de mon idole le pilote d’essai américain Chuck Yeager

275/

je me souviens des cadeaux de la lessive Bonus devenue par la suite Bonux, c’était fin années cinquante… Ma mère épicière en vendait. La tentation fut trop forte un jour et en loucedé j’ouvris le ventre d’une dizaine de paquets pour en extraire les cadeaux car dans chaque paquet il y avait un cadeau… En l’occurrence à ce moment-là c’était une collection d’animaux sauvages, lion, tigre, hippo, éléphant, c’était extraordinaire, j’aurais donné mon âme au diable pour les cadeaux « Bonux »… Mon extraordinaire mère ne m’a pas engueulé, elle a récupéré les animaux et les a remis dans les paquets avec un bout de scotch et une explication orale pour les clientes...

276/

je me souviens que SEB signifie Société d’emboutissage de Bourgogne, société créée en 1857 à Selongey (Côte d’Or) n°1 mondial du petit équipement domestique, que LU signifie Lefèvre-Utile, biscuiterie crée en 1846 à Nantes

277/

je me souviens que la voiture tout terrain JEEP tient son nom d’une origine probable issue de General Purpose GP (usage général)

278/

je me souviens de Bob Dylan, prix Nobel de littérature, il est en moi comme s’il était l’une de mes vertèbres, je me souviens de ses 1000 chansons, le site « paroles2chansons » en propose les paroles en anglais & français de 696

279/

je me souviens de la perfection et de la beauté qui me sidérèrent de l’avion de chasse allemand ME 262, premier avion à réaction au monde

280/

je me souviens avoir dessiné dès l’âge de cinq six ans, des centaines d’avions minuscules au BIC ou au crayon à papier sur des cahiers de brouillon, c’était invariablement des scènes de combats aériens, avions allemands contre avions anglais, je dessinais des dizaines d’avions sur chaque page, avec le tracé des balles dans le ciel, invariablement je faisais gagner mes avions allemands

281/

je me souviens avoir été passionné très jeune par l’aviation, avant même de savoir faire de la bicyclette

282/

je me souviens que mon grand-père maternel héros décoré de la guerre de 14/18, revenu estropié à jamais, était férocement antimilitariste, quand il entendait étant dehors, le bruit d’un avion de chasse à réaction de la base de Mont-de-Marsan qui passait au-dessus de sa ferme, il levait sa canne agressivement vers le ciel, l’agitait sans fin et criait plusieurs fois en vain et en patois « Salop » (Salaud)

283/

je me souviens de mes cours de pilotage à l’aéro club de Dax, début années 1970, bonheur pur, j’ai voulu recommencer il y a deux ans mais le médecin de l’air a refusé ma demande, impossible aux cancéreux d’exercer cette passion, on peut conduire une Ferrari, piloter une moto mais pas piloter un avion de tourisme, même en duo, quand on est cancéreux

284/

je me souviens enfant que je n’aimais pas pêcher à la ligne, activité décrétée obligatoire par mon père

285/

je me souviens de mon amour sans borne pour les phares en mer. J’avais déposé une candidature pour être gardien de phare, hélas, c’était l’année où le ministère des phares & balises procédait à une automatisation générale. J’aurai tant voulu « garder », Ar-men, La Jument, La Vieille, Ouessant, d’autres, effrayants, attirants et mythiques...

286/

je me souviens avec émerveillement de ma découverte de la cité de Carcassonne, y être venu et revenu de très nombreuses fois, avoir arpenté rues et murailles, chez moi

287/

je me souviens de la cité minérale de Minerve (Hérault)

288/

je me souviens d’une licorne dans le ciel près de Minerve (Hérault) en 1986, c’était un nuage qui avait la forme parfaite mais je dis bien parfaite d’une licorne, me fille m’a dit me tapant sur l’épaule « Papa, y’a une licorne dans le ciel », je ne l’avais pas vue, j’ai stoppé la voiture, stationné dans la garrigue, nous sommes descendus Geneviève, Maya, Pierre et moi et nous avons contemplé le ciel et cet extraordinaire nuage qui a mis je me souviens un certain temps à se disperser, je n’avais pas d’appareil photo, hélas

289/

je me souviens d’une météorite traversant le ciel au ras des pins alors que nous menions à la nuit tombée les vaches à la forêt ainsi que le faisaient tous les paysans de l’époque, c’était chez mon oncle à Castel-Sarrazin en 1958 ou 1959, nous avons regardé saisis de stupeur, l’espace d’une seconde la boule et son sillage de feu avaient disparus, mon oncle m’a dit avoir entendu dans les jours qui suivaient « qu’elle s’était écrasée au pic du Midi... »

290/

je me souviens avoir visité le minuscule domaine confetti de Romanée Conti, le plus grand vin du monde, 1,63 ha, j’ai pris une poignée de terre dans ma main, l’ai écrasé, respiré, laissé couler lentement entre mes doigts, le cépage est en pinot noir à 100 % rouge, le prix moyen est de 6150 € la bouteille, on est là, en dehors du temps, de la raison, de la norme, en dehors presque des hommes

291/

je me souviens du Noah cépage blanc hybride américain très ancien, dont on disait que son vin rendait fou

292/

je me souviens des chansons pour les autres de Brassens (« Mon dieu quel malheur d’avoir un mari bricoleur », chantée par Patachou et l’extraordinaire et désopilante « File Indienne » chantée par Maxime Le Forestier, d’autres encore, je les adore, elles me boostent, me font du bien, ah !!! Jo, extraordinaire et merveilleux Jo, je t’aime si fort

293/

je me souviens du phare de Saint-Clément-des-Baleines sur l’île de Ré, j’y suis très souvent allé, encore il n’y a pas longtemps, je me souviens avoir toujours pensé que j’aurais infiniment aimé avoir sur mon passeport « né à Saint-Clément-des-Baleines, Charente-Maritime »

294/

je me souviens du magnifique clocher noir et blanc d’Ars-en-Ré qui sert d’amer (point de repère fixe et identifiable) aux marins

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je me souviens de mon amour inquantifiable pour l’île de Ré que j’ai connu bien avant son pont. J’aimais prendre le traversier pour la rejoindre, particulièrement l’hiver où j’y suis souvent allé

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je me souviens que mon père a essayé d’élever ses trois enfants, mais aussi des canaris et des poissons rouges, rien de tout cela n’a pris ni fonctionné pour lui, il n’a pas su pour les enfants, les canaris sont morts très vite… mais, les poissons rouges dans le grand bassin du jardin, oui, je veux être juste, ils se perpétuent encore, en silence

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je me souviens avoir longuement déambulé dans les rues de Chicago après y être arrivé en bus Greyhound depuis Indianapolis, avoir erré sans but, j’avais vingt-deux ans, j’aime la ville de Chicago, le lac-mer Michigan, la courte nouvelle d’Ernest Hemingway « Là-haut dans le Michigan » que j’avais dans ma poche à ce moment-là

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je me souviens d’Ahmad Shah Massoud dit, le commandant Massoud, dit, le « Lion du Panchir », coiffé de son légendaire pakol, sa noblesse, sa voix douce, son si beau visage, son génie militaire qui fit que le Panchir n’a jamais été occupé ni par les soviétiques ni par les talibans, son combat pour la liberté, contre les dominants et les obscurants, son épouvantable assassinat par les forces mauvaises de l’Islam, l’empreinte indélébile qu’il laisse encore sur l’Afghanistan d’aujourd’hui, j’espère ne jamais apprendre un jour qu’il fut cruel comme le fut Che Guevara, qu’il ait commis d’innombrables exactions comme le guérillero argentin iconique, je le souhaite de tout mon coeur

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je me souviens du grand hiver 1956, quand le voisin de notre ferme se pendit en son grenier pensant qu’il ne pourrait pas nourrir les siens à cause de la rigueur de cet hiver terrible, oh... ses enfants, Bernard et Bernadette, transis près de leur mère Berthe, je les vois encore, j’étais saisi de peine, j’étais pourtant si petit mais je comprenais tout

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je me souviens de la beauté intense du lac d’Azur, Landes, allez-y, installez-vous sur l’herbe sous les arbres, au bord de l’eau, près du resto de « Jeannot », regardez… vous me direz...