Le Tour, c'est l'exploitation dans toute sa magnificence !

Publié le 10 juillet 2019 par Philostrate
En 1907, le Tour de France jouit déjà d'une belle réputation. Le passage des coureurs les jours d'étapes provoque dans les villes  une belle effervescence et  fait le bonheur des commerçants locaux. Parfois trop. Du moins à en juger par le récit pittoresque rapporté par Alphonse Baugé, directeur sportif de l'équipe Labor, dans cette lettre écrite à Grenoble le 17 juillet 1907. Il y fait le détail des dépenses consenties pour équiper et soigner ses coureur. Cent dix ans après, sa lecture reste savoureuse…

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   "Il fait ici une chaleur torride et j'ai dû acheter deux casquettes blanches, l'une pour Ringeval, l'autre pour Maitron : coût 2fr.90. Aïe donc les frais ! J'ai aussi fait acquisition de couvre-nuque très pratiques, - blancs, évidemment. J'en ai acheté dix à 0fr. 50 : total, cent sous. Aïe donc les frais ! Ménager avait besoin de chaussures, je lui en ai offert aux frais de la princesse… Labor : payé 13fr. 95. Aïe donc les frais !
   J'ai requis un photographe qui a pris le quatuor. D'ici deux jours, vous recevrez les épreuves. Les Sports ont, eux aussi, passé une commande, devant publier un supplément spécial à l'occasion du Tour de France. Je n'ai donc pas hésité à les faire mettre en tenue, immédiatement, avec l'inscription Labor sur la poitrine, c'est-à-dire face à l'appareil. Aïe donc les affaires ! (…)

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   Je vous adresse ci-inclus le relevé des frais jusqu'à ce jour. Peut-être cette douloureuse vous causera-t-elle quelque surprise, mais je suis persuadé que vous comprendrez que mes dépenses sont absolument indispensables. Je compte, je discute et je me débats absolument comme si cet argent sortait de ma poche. Soyez persuadé que je ne "marche" pas sans réfléchir et sans compter. (…)

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Les soigneurs eux-mêmes sont victimes d'un "coup de fusil" d'une suprême élégance. On leur compte carrément une bouteille d'eau de Vichy 1fr 25 ! Quatre bidons de riz au lait (deux litres) 6 francs ! Une côtelette, 0fr. 80, etc. En résumé, c'est l'exploitation dans toute sa magnificence. Or, attendu la rapidité des étapes, c'est à dire à peine si l'on est arrivé qu'il faut immédiatement songer à repartir, vous comprendrez facilement que les soigneurs, arrivant quelquefois juste à temps dans les contrôles pour préparer leur "popote", n'ont pas le temps matériel de courir au meilleur marché, car ils risqueraient fort de "louper" leur service de ravitaillement."
 

Extrait de Lettres à mon Directeur par Alphonse Baugé (photo ci-dessus en compagnie du coureur Ernest Paul) édité en 1908 par la Librairie de L'Auto. Pour ceux qui aiment les calculs, un franc 1907 vaut environ 3,50 euros…