Ruine balance est le témoin d’une vie qu’il faut vivre intensément car éphémère. l’intensité explose aux flancs / sur ta peau des lettres de passage / accidents ailes foudroiements / ruine balance. Et parce que nous sommes des êtres de chair la notion de plaisir – charnel – est présente. Les corps se rencontrent et s’enlacent pour ne faire qu’un : désir sans encombre / le sexe imprime / les lèvres appuient la parole assise / couvrir le noir brasser la fièvre / sans délai jouir tranche avec la peur. Cette tension érotico-sensuelle donne naissance à une écriture mouvante qui elle-même cherche le plaisir. Le verbe devient carné ; écrire dans l’autre langue (…) dans le bouillonnement du crire (…) le sexe son excentricité jusque dans la gorge / les sauts de ligne à l’assaut de la pénétration / des lèvres la souillure imprime. La phrase devient vivante, autonome et recherche un partenaire pour se perdre en lui et se laisser aller. Car écrire signifie disparaître / se perdre dans le vague.
Le poème est la scène où se déroule cette magnifique alchimie des corps, des mots. Au fond, on retrouve l’océan, la Bretagne. Qui mieux que l’océan peut accompagner avec autant de vigueur cette ruine balance. Balancement des vagues, balancement des corps car l’océan est survolté pointe Saint-Mathieu (…) La rade de Brest se défigure et de grandes étoiles s’emploient à redescendre l’hébé Ouessant bleu vers le phare.
Une fois la lecture terminée, il me vient à l’esprit une phrase de Marguerite Duras : « C’est ça l’écriture. C’est le train de l’écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C’est de là qu’on part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui néanmoins, tout à coup, s’emparent de vous. »
Alexandre Ponsart
Laurine Rousselet, ruine balance, isabelle sauvage, 2019, 118 pages, 17 euros. Sur le site de l’éditeur, feuilleter les premières pages.