Punkovino #2 : ne pas confondre presser et être pressé ...

Par Afust

Après avoir commis : "Punkovino #1 : l'homme qui utilisait du guano de chauve-souris et en faisait un concept philosophique", c
est compliqué de démarrer le commentaire de "Punkovino 2: collectif Underground" (que l’on visionnera en cliquant ici).
Compliqué, car au premier abord tant François Saint Lo (qui n'est quand même pas super crédible, dans le rôle du Punk) que son projet et le lieu où le tout se rencontre me sont plutôt sympathiques.
Et sans doute est-ce l’essentiel ?

Ou pas.
« Ou pas » car quand çà commence à causer technique (ce qui fait partie des prérequis qui nous sont vendus dans cette web série) franchement : çà pique sérieusement.

Je te vois venir : ce qui me gêne n’est pas le postulat de départ, le choix d’une vinification non interventionniste et sans intrant.
Là aussi : pourquoi pas ?
C’est, en effet, une sorte d’exercice de style, un travail sans filet qui ne me pose pas de souci majeur dès lors que les vins qui en sortent sont droits … et que le discours explicatif qui l’accompagne ne nous prend pas pour des lapins de garenne de 6 semaines, sous acides.

Or force est de constater que les concepts sont un rien fumeux.
En effet, au départ il nous annonce mettre les raisins en grappes entières dans la cuve, fermer et « laisser macérer ». J’imagine donc que le choix de vinification est ce qui est communément appelé « macération semi carbonique ».
OK.
C’est un choix.
Il ne m’appartient pas de le commenter.
Décuver à la dégustation ?
Là aussi OK, no problemo.
Je suis, décidément, super consensuel.
Enfin … le consensus mou s’arrête dès lors qu’on en vient au pressurage et à l’explication de son déroulement.
« Je fais un pressurage très lent. Entre 20 et 24 h, même des fois plus. Et là je recommence un peu à tirer les derniers jus. C’est les jus les plus concentrés et ceux qui vont amener plein d’arômes et plus de complexité. Ces derniers jus pour moi, même si y en a pas beaucoup c'est très important de les incorporer dans l‘assemblage final »

24 heures et plus de pressurage ?
Sérieux ?
On peut avoir un suivi de la volatile ? (entre autres marqueurs des cochonneries que ce genre de pratique peut provoquer)
On doit pouvoir (sans discuter de la typologie aromatique bananière qui découle de la semi carbo), aussi, discuter du réel apport qualitatif des derniers jus, ceux qui sont obtenus en serrant aux plus fortes pressions, après que le marc soit resté en plan à l'air libre pendant 24h et plus.
Ouille …
Mais le pire est à venir :
Attends … les rosés sont obtenus par pressurage des résidus de raisin ?
Franchement ...
Bravo le documentaire !
Sérieux les mecs : le rosé est soit obtenu par pressurage direct (avant fermentation) de raisins entiers, en mode sud-est, ou bien par saignée de cuves de rouges (en cours de fermentation) en mode sud-ouest.
En aucun cas (EN AUCUN CAS) un rosé n’est issu du … comment dites vous déjà , ah, oui : « pressurage des résidus de raisin »
Pignoufs.
J’ai bien compris que vous vous asseyez tranquillement sur les bases élémentaires de la technique viti vinicole, que c’est pas le propos ces trucs techniques donc suspects, mais franchement : cette infographie est d’une rare connerie.
Mais je reviens au maître des lieux qui nous explique son mode de pressurage et le pourquoi de cette pratique :
« le fait de le faire doucement, d’être présent et de presser, de vivre le pressurage pendant toute sa durée ca permet aussi de passer son énergie dans le vin »
Ouais.
Enfin plutôt non, car çà me fait furieusement penser à mon animal totémique : la marmotte !
Car à la place tu dirais :

« le fait de le faire fort et vite, d’être présent et de presser, de vivre le pressurage pendant toute sa courte durée ça permet aussi de passer son énergie dans le vin »
… ben ça marche aussi bien en fait.
Peut-être même mieux car ça a un petit côté intense plutôt bienvenu, je trouve.
Pipeaulogie.


Vient alors le suivi de la FA à l’oreille :
« au son on arrive à savoir à quel stade on est au niveau de la fermentation »
Ouais. Faut quand même l’oreille absolue hein ?
Un bon mustimètre c’est bien aussi.
Ou si tu veux rester au bon vieux temps prends un aréomètre Baumé : pépére à inventé çà à la fin du XVIIIème siècle.

Car le suivi à l’oreille doit pouvoir, simple supposition, s’accompagner de deux ou trois détails qui n’en sont peut-être pas.
Genre :
« quand on travaille au naturel les vins ils se font tous seuls. Alors c’est pas moi qui ais choisi que le vin mette 2 ans ½ à fermenter »

Ben si : stoi qui choisis.
Dès lors que tu choisis de laisser faire (en suivant à l'oreille), de facto tu t’exposes à ce genre de chose, puisque tu ne sais pas si tes levures ont assez à bouffer, assez de facteurs de survie pour résister aux conditions du milieu qu’elles ont créé … ou si elles n’ont pas une compagnie indésirable.
(tsais : le principe de l’écologie de base, la parabole de l’ascenceur : le premier qui entre et occupe l’endroit empêche les suivants d’entrer à leur tour et donc d’aller bosser).
Bref : c’est "un peu" long 2 ans ½ pour faire une fermentation.
Et un rien "touchy" quand on en vient à des trucs aussi furieusement naturels que l’oxydation, les bactéries ou les levures de contamination, etc …

Du coup le :
« plus la fermentation est longue plus ça donnera de la finesse dans les vins »
… je crains que ce ne soit qu’un vœu pieux.
Et, si je puis me permettre, il n’y pas toujours une grande distance entre le pieux et le pal …

« tant qu’il sera pas fini, pour moi il a besoin de temps »
Merci Captain obvious
A part ça on fait quoi ?
Rien ?
OK …
Non, mais vraiment rien alors ?
Car :
« je referme et je dis bon ben on se revoit dans deux mois »

Au secours !
Sérieux ?
Deux ans ½ pour faire les fermentations et tu passes tous les deux mois pour voir si par hasard ça se serait pas terminé entre temps ?!?
Comment te dire …
Faire du « Nature » pourquoi pas.
C'est juste que de mon point de vue (qui n'est visiblement pas partagé ou, a minima, pas retransmis dans le docu) ça nécessite un putain de niveau technique et de compréhension des phénomènes en cours ... associé à un suivi analytique aux petits oignons.
Mais non, laissons donc faire.
Pas besoin de ceinture ni, d’ailleurs, de bretelles.
Je me bornerai donc à retenir ceci :
« moi je me dis : si je peux vendre mon vin, et en même temps faire revivre un lieu grâce au vin nature : j’y vais »

Ouais. Clair.

Ce qui me donnerait presqu’envie d’en acheter une quille ou deux, pour voir et aider. Apporter mon écot à ce projet que je trouve, vraiment, gentillet.
En même temps j'ai un peu peur d'être inutilement désagréable en commentant un vin issu, avec semble-t'il plein de bonnes intentions, du parcours qui vient de nous être présenté.
Donc à suivre.
Ou pas.
Juste une dernière suggestion.
Pour être bien raccord.
Car l’illustration sonore finale …
Non, rien … j'ai déjà dit ne pas vouloir me rendre plus désagréable que nécessaire. D'autant qu'on doit pouvoir, à bon droit, considérer que mon tropisme (extrêmement) positif pour la musique baroque est également un truc de psychopathe ...

C’est simplement qu’à propos de pressoir et de transfert d’énergie ben y a nettement mieux comme fond sonore :


A suivre avec :
"Punkovino #3 : le pirate de Majorque"