(Ce message sera effacé avant même que vous n’ayez terminé sa lecture. Il va s’autodétruire, car les mots sont comme de la brume que l’on n’arrive pas à retenir dans la paume de sa main.)
Ailleurs, il ne fait pas forcément plus beau.
Je lis parfois des choses qui m'énervent. Certains font un scandale pour trois fois rien.
Ils sont légion aujourd'hui ces pharisiens qui passent leur temps à pourrir la vie des autres.
A interdire, proscrire, signaler, sermonner, accuser, dénoncer, rapporter, moucharder.
Tiens, j'aurais pu intituler ce billet "les mouchards". Ou encore "les couards". Ou encore "les justes pointeurs de doigt".
Qu'est-ce que c'est que cette gênération qui se proclame supérieure à toutes celles qui l'ont précédée !
Qui se dit immaculée, éclairée, libérée, forte de son propre jugement.
Ces gens-là passent à la loupe les moindres faits et gestes et dires de leurs compagnons.
A peine leur avez-vous dit salut que déjà ils relèvent une mauvaise intonation dans votre voix.
A peine leur avez-vous dit que vous lisez Shakespeare que déjà ils font la moue parce que Roméo et Juliette. Ou parce que la mégère apprivoisée.
La police de la pensée veut vous policer.
Vous deviendrez un brave petit soldat, comme les autres, fondu dans la foule. Vous crierez quand on vous dira de crier, vous pleurerez quand on vous dira de pleurer, vous dévorerez quand on vous dira de dévorer.
Tous les individus seront pilotables d’un simple clic, ils feront la guerre quand il y aura lieu de faire la guerre, ils feront la fête quand il y aura lieu de célébrer, il consommeront quand il y aura lieu de consommer, ils mourront quand cela servira la Nation.
Alors moi, dés à présent, je lis et je retiens, je lis et j’apprends par cœur, je lis et je fixe, la voix des poètes et des penseurs qui nous ont précédés et que les bien-pensants voudraient gommer.
Je lis et j’écoute leurs phrases, leurs sentiments, leurs peurs et interrogations.
Je lis et je résiste.
Quand vous me regardez, que voyez-vous, une âme perdue, une âme perplexe ?
N’attendez pas de moi que je me joigne à vous dans vos procès d’intention.
Je ne suis pas sur terre pour jeter des pierres à la face des pauvres gens. Moi-même indigent et fragile, je ne tiens que sur mes deux pieds. Je ne peux pas voler. Je ne peux pas bondir plus de deux mètres, je ne peux pas rencontrer Scarlett Johansson.
Je ne sais pas en fait ce que je peux faire, quel est mon pouvoir, quelle est ma puissance, quel est mon devoir.
Plus que jamais, je contemple le miroir, je m’enfonce dans le plus immonde des marécages, ma cage, en réalité, est l’image que je me renvoie à moi-même.