Joao naît à Juanizeiro, Bahia, au Brésil dans une famille si peu musicale que son père, trouvant ce travail excessivement peu sérieux, le fait interner dans un hôpital psychiatrique. Il n'y restera qu'une semaine. Le temps de faire réaliser aux gens de l'endroit que la poésie n'est pas de la folie.
Entre 1951 et 1959, son style de chant, doux et poétique, déplait tant à son père que celui-ci se convainc toujours que son fils est fou.
Dès 1956, il se lie d'amitié avec Antonio Carlos Jobim, avec lequel il compose à la guitare. Ensemble ils produisent des morceaux qu'ils présentent ensemble aux compagnies de disques. Gilberto est si perfectionniste qu'il prend 28 enregistrements pour chanter Rosa Morena, simplement afin de livrer la bonne sonorité du "o" dans R"o"sa. Il accompagne Elizete Cardoso à ses débuts, mais son album de 1959 lance non seulement sa carrière pour vrai, mais est considéré comme le premier vrai album de Bossa Nova populaire et mondialement reconnu. Il est vite fait superstar dans son pays. Clouant le bec de papa.
Deux autres albums sont vite lancés. Des compositions de Jobim sur des poésies de Vinicius de Moraes, des chansons de leur aîné Dorival Caymmi, des sambas des années 30, de nouvelles compositions de Carlos Lyra ou de Roberto Menescal, dans des styles novateur qui marquent leur époque. Une guitare acoustique harmonisée à la traditionnelle samba.
En tournée, il découvre Estate de Bruno Martino et en fait un bossa nova.
Comme le jazz vit son âge d'or, le milieu fait la part belle au morceau qui deviendra un standard repris maintes et maintes fois, par Chet Baker, Michel Petruccianni ou Toots Thielemans, entre autres artistes.
Comme le jazz a une oreille pour le Brésil maintenant, en grande partie grâce à lui, des musiciens des États-Unis plongent leur curiosité dans l'Amérique du Sud. Le saxophoniste Stan Getz est l'un de ceux-là. Toujours avec l'aide de Jobim, on tricote un album qui fera école. Encore de nos jours, il s'agit d'un des plus gros vendeurs "jazz/musique du monde" sur terre. L'épouse de Gilberto, Astrud, s'improvise chanteuse et en fera une carrière. On retourne vite en studio avec la même équipe, battant le fer pendant qu'il est chaud. Et le style est trrrrrrrès chaud.
Le 9 octobre 1964, un concert historique est livré par Getz-Gilberto & Gilberto & Jobim au Carnegie Hall de New York. L'enregistrement de ce concert devient un nouvel album.
Gilberto n'a plus rien à prouver, et attend 4 ans avant de lancer un nouvel album studio. Du Mexique, où il réside maintenant.
Il lance, en 1973, un nouvel album mythique. Plus audacieux. Au Brésil, on dit que ce serait son meilleur.
Trois ans plus tard, il fait paraître The Best of Both Worlds, renouant avec Stan Getz et avec une nouvelle femme à la voix, qu'il avait épousé dès 1965 mais divorcé depuis 5 ans.
Par la suite, il refait de nouveaux arrangements à de rythmes pré-éxistants ou sur des écrits de Tom Jobim. Il reprend des succès étrangers et adapte au ton brésilien. Il réenregistre aussi plusieurs de ses vieux hits.
Gilberto pouvait être extrêmement difficile. Il pouvait couper court à tout spectacle si il jugeait le public trop peu attentif. Il était aussi maladivement jaloux du son parfait, provoquant l'ire des producteurs de son dans les salles, s'en faisant presque toujours des ennemis puisque ce n'était pas souvent à son goût. Mais quand il livre ses concerts, il peut aussi être archi généreux, jouant plus de deux heures. Il refuse tout entrevue et vit dans des hôtels de luxe de Rio. Il demeure très secret et se met dans le trouble en n'honorant pas toujours les concerts auxquels il s'était engagé. Sa vie amoureuse reste compliquée et sera père de 3 enfants, de trois femmes différentes, dont l'un de ses enfants est Bebel.
Il poursuit la compagnie de disque EMI quand celle-ci réédite plusieurs de ses disques et qu'il trouve le travail sonore négligé. Jamais cette cause ne trouvera issue.
C'est une légende qui s'éteint à l'âge de 88 ans, samedi dernier.
Un père certain du Bossa Nova.