C'est un cycle qui se répète, d'une institution financière à la suivante. Les autorités détectent de graves manquements à leurs obligations, leur infligent des amendes colossales et exigent le déploiement de mesures correctives d'urgence… Dans deux banques scandinaves, qui trouvent la facture salée, une nouvelle étape se prépare : l'automatisation.
À écouter leurs discours sur leurs projets en matière d'analyse avancée de données et de mise en œuvre des technologies d'intelligence artificielle, en particulier dans les domaines de la sécurité et de la protection contre la fraude, on pourrait croire que les grands groupes du monde entier ont depuis longtemps optimisé leurs approches de la lutte anti-blanchiment ou contre le financement du terrorisme (LAB-FT en France). Hélas, la réalité est encore bien loin de la théorie et (presque) tout reste à faire.
Dans la plupart d'entre eux, les départements de conformité emploient des milliers de collaborateurs, en charge de l'essentiel des contrôles. Pire, comme on a pu l'observer il y a quelques années chez HSBC et plus récemment chez Nordea et Danske Bank (qui ont toutes deux été au centre de scandales ces derniers mois), la révélation des infractions commises et les sanctions qui s'ensuivent conduisent à une surenchère de recrutements, faute de disposer rapidement d'autres réponses, plus efficaces.
L'article de Bloomberg consacré au sujet offre plusieurs illustrations de ces dérives. Trois quarts des 85 milliards de dollars dépensés annuellement dans les 5 principaux marchés européens pour la lutte anti-blanchiment concerneraient les ressources humaines, contre un quart pour les outils informatiques. Danske Bank prévoit d'augmenter ses troupes de 50% (pour atteindre 1 800 personnes) cette année en réaction à ses ennuis judiciaires, tandis que le responsable de l'unité dédiée à la conformité de Nordea confirme que seules 20% des alertes sont traitées par des algorithmes.
Naturellement, la croissance à l'infini des effectifs pour combattre les malversations financières toujours plus sophistiquées – profitons de l'occasion pour dénoncer le biais de communication des institutions blâmant systématiquement le poids de la réglementation – n'est pas une stratégie viable à long terme. C'est pourquoi les deux établissements nordiques se penchent (enfin !) sérieusement sur les opportunités qu'ouvrent les technologies de fournir des solutions à la fois plus performantes et plus économiques.
Deux conséquences se dégagent plus ou moins immédiatement d'une telle évolution. D'une part, la bulle artificielle de l'emploi dans les fonctions de conformité va nécessairement exploser, autant par son exposition à la robotisation que par son incohérence structurelle dans les modèles de coût des entreprises. Il s'agira vraisemblablement du premier secteur dans lequel les promesses de préserver le rôle de l'humain face à la généralisation de l'intelligence artificielle voleront en éclat.
D'autre part, un nouveau front de compétitivité devrait rapidement s'ouvrir parmi les institutions financières (incluant aussi, potentiellement, les startups de la FinTech). La lutte contre la criminalité représentant simultanément un enjeu majeur de confiance de la part de leurs clients et une charge considérable sur leurs activités, les établissements qui parviendront à la rationaliser au plus tôt (d'un point de vue tant opérationnel qu'économique) développeront de la sorte un avantage concurrentiel décisif.