Il s'agit de progrès, vous n'avez rien compris.
L'affaiblissement de la solidarité nationale, par la réduction de la prise en charge de l'éducation, de la santé, du chômage et bientôt de la retraite, ou l'introduction du "management" privé dans la Fonction Publique, ou de la concurrence entre élèves pour le passage à l'enseignement supérieur, le tout au nom de l'efficacité économique, a été rebaptisé "progressisme" par une Macronie qui cherche à décomplexer son action en transformant le sens des mots.
La récente réforme des conditions d'accès à l'indemnisation du chômage, cette dernière ne concernant déjà qu'un demandeur d'emploi sur deux (contre 60% il y a 10 ans), se révèle plus grave encore pour les plus précaires du marché de l'emploi que les premières évaluations, à chaud, partagées à la publication de la réforme il y a deux semaines: la presse publie un document interne de l'UNEDIC qui évalue à un chômeur sur deux la proportion qui perdra des droits et/ou des revenus à cause de la réforme Macron. Ce "progressisme" consistera ainsi à travailler plus longtemps pour commencer à toucher une allocation; il supprimera pendant 6 mois la recharge des droits au chômage dès que l'on retrouve un emploi (on imagine combien c'est un "progrès" pour les salariés en période d'essai pour qui les cotisations chômage de leur premier semestre d'un emploi retrouvé ne comptera plus dans leur droit à indemnisation); enfin, dernier "progrès", les indemnités chômage seront calculées de manière plus défavorables aux chômeurs, à savoir sur le revenu moyen d’un mois (en comptant les jours travaillés et les jours non travaillés) et non plus sur les seuls jours travaillés. Le "progressisme" s'abrite derrière une esbroufe pour s'auto-justifier: l'accès à l'indemnisation chômage pour les démissionnaires, promesse électorale phare du jeune Macron, est réduite à quelques milliers de cas à cause des conditions fixées.
Le progressisme s’accommode de vendre des armes à l'Arabie Saoudite, laquelle les utilise en retour au Yémen contre les populations civiles, et en violation de la règlementation européenne. Il soigne les relations diplomatiques avec d'autres dictatures islamistes où l'athéisme et l'homosexualité sont punies de tortures et de mort, mais légitime un président auto-proclamé contre l'autocratie vénézuélienne. Ce "progressisme" a autant de poids qu'il y a de mesures.
Le "progressisme" brandit comme une victoire que l'Union européenne soit placée dans les mains des conserv-atroces: derrière le mirage, la réalité. Le président de la République française serait le grand vainqueur de ces négociations. On n'en doute pas. Macron est surtout le nouveau patron de la droite française. En Marche a remplacé l'UMP. Et Christine Lagarde ou Ursula von der Leyen soient des seconds couteaux de la droite européenne.
Le "progressisme" revendique comme "progrès" la suppression du statut des cheminots au motif qu'un salarié qui gagne plus qu'un autre mais toujours quelques siècles de SMIC de moins que les 5% d'ultra-riches pour lesquels Macron gouverne, c'est déjà trop et si utile pour décrédibiliser le progrès social. Le désinvestissement des petites lignes, qui ne date pas de la Macronie, au profit de TGV à la tarification erratique et opportuniste, est un "progrès".
Le "progressisme"s'attaque à l’État qui coûte trop cher ... aux riches: il supprime des postes de professeurs ou des lits d'hôpitaux. Il cache la fermeture de centaines de classes rurales par le "progrès" du dédoublement des classes CP en zone d'éducation prioritaire. Après le fiasco de ParcourSup en 2018, il saborde littéralement le bac : l'introduction d'une forte dose de contrôle continu aggravera les inégalités (bac de Neuilly contre bac de Saint-Denis). Le ministre Blanquer a aussi complètement déstabilisé l'enseignement secondaire: les mathématiques, où l'héritage social et culturel pèse moins que dans les matières littéraires, ont été supprimées du tronc commun et placées en option; certains professeur(e)s sont muté(e)s dans des nouvelles spécialité sans formation. Quand des syndicats d'enseignants réclament un dialogue, il refuse et passe en force. Après quatre mois de silence gouvernemental, quand certains profs font la grève des notations, il promet des sanctions contre les grévistes, ment sur la mobilisation, et fait inventer des notes pour les copies de bacheliers sans correction (80 000). Sur les réseaux sociaux, les "progressistes" applaudissent aux éditos de la presse conservatrice fustigeant les "enseignants radicalisés".
Il s'agit de "progressisme", vous n'avez rien compris.
Le "progressisme" a de l'argent à prendre aux plus grand nombre, sous forme de réduction de services publics nécessaires ou de dégradation de l'accès aux droits et au prestations sociales, pour rendre à une minorité de riches (ISF, flat Tax, exit Tax, taxe d'habitation). L'injustice fiscale de ce "progressisme" est suffisamment connue pour que Macron soit encore et toujours affublé du sobriquet de "Président des riches." Le "progressisme" recule parfois, et devient réellement un progrès, quand des "gueux en gilets jaunes" le forcent à annuler des augmentations d'impôts sur le diesel et lâcher quelques revalorisations de prestations sociales.
La "réforme" des aides au Logement, qui vise 1,2 milliard d'euros d'économies annuelles sur le dos des allocataires, "n'est pas une réforme budgétaire" mais plutôt de "justice sociale", a dit Gérald Darmanin sur RTL le 4 juillet. Ce ministre des Comptes Publics explique qu'il s'agit de "mieux cibler". Ces "progressistes" qui nous gouvernent ont justement décidé d'avancer la seconde réduction des APL dès la prochaine rentrée des classes.
Tandis que la France traverse un énième épisode de canicule, le "progressisme" se suffit d'une politique de petits pas contre le réchauffement climatique, ce qui, devant l'accélération de la dégradation des conditions environnementales, s'apparente à un immobilisme criminel. Il affiche de gros objectifs très lointains, souvent sans moyens. Le plan de rénovation énergétique des logements annoncé en avril 2018 est quasiment gelé, le coup de grâce étant l'interdiction par Macron lui-même d'inclure toute contrainte contre les propriétaires dans la loi Énergie/Climat. Autre exemple, la consommation de pesticides est quasi-stable, mais aucune mesure urgente n'a été prise malgré les alertes et les constats partagés. Dernier exemple, après l'adoption du CETA avec le Canada, qui permet de soustraire de la justice européenne le jugement des litiges en matière d'environnement et de santé publique, entre l'Europe et les entreprises canadiens, voici le MERCOSUR adopté en douce par la Commission européenne sortante. Macron l'adoube avec gourmandise, fustigeant les "nationalistes" qui le critiquent, avant... de reculer sous la pression quasi-unanime et même dans ses rangs.
Le "progressisme" consiste à afficher quelques avancées sociétales (PMA, droits à vie pour les handicapés) qui masquent de vrais reculs dans l'application de ces mêmes droits: réduction des moyens hospitaliers, asphyxie des urgences, suppression de l'obligation de rendre 100% des logements accessibles aux handicapés. Le "progressisme" tolère des barbouzes à l'Elysée, un contrat de protection d'oligarques russes par l'un des gardes du corps de Macron. Le "progressisme" a financé l'essentiel de sa campagne sur un millier de riches Français en 2017, puis des prêts bancaires.
Le "progressisme" désignerait aussi l'allongement de l'emprisonnement des migrants en attente de statut, la réduction des délais de dépôts de dossier d'asile de ces même migrants, le jugement à distance par vidéo-conférences, et, bientôt, le fichage des migrants dans les établissement d'hébergement d'urgence pour le bénéfice de la police de l'immigration. Les "progressistes" ont d'augmenté de 25% les places de rétention en 18 mois. Par "humanité", ils ont aussi multiplié par huit le nombre d'enfants emprisonnés par rapport au niveau de 2013 (quand Valls était ministre de l'intérieur de Hollande). Par "progressisme", le ministre de l'intérieur Castaner organise des retours de réfugiés par charters comme son lointain prédécesseur Charles Pasqua tandis que les chiffres de l'asile s'effondrent (35 000 personnes en 2018... Ces "progressistes" n'écoutent pas les appels de la Cimade, du Syndicat de la Magistrature, du Gisti, du Syndicat des avocats de France, de CCFD-Terre Solidaire, d'Emmaüs, du Secours Catholique, de la Ligue des droits de l’Homme, de Médecins du Monde, du Secours islamique, d'Amnesty International, du Collectif des morts de la rue, contre cette "politique d’enfermement en rétention" qui "a franchi la ligne rouge."
La loi Asile est un progrès, ils n'ont rien compris.
Le "progressisme" justifie les moyens par la fin, n'importe quelle fin. Il a validé dans le droit commun l'essentiel des mesures d'exception de l'état d'urgence, réduit la protection des journalistes et des lanceurs d'alertes. Il fiche "S" les opposants écologistes aux multiples projets écologicides du pays. Il autorise la répression inédite et surviolente contre les manifestants de toutes sortes, et les Gilets Jaunes en particulier. Il permet à des forces de police de lâcher des grenades lacrymogènes pour disperser des fêtards bruyants, provoquant 14 chutes dans le fleuve voisin dont une disparition un soir de Fête de la Musique à Nantes. Le "progressisme" privatise aussi une partie de la justice au nom de la "lutte contre les comportements haineux" sur internet en laissant le soin aux plateformes privées sur-puissantes le soin de faire le ménage. Lui-même ne fait pas le ménage dans ses troupes: un conseiller élyséen tweetait des fausses informations de façon anonyme pour défendre Benalla; et des centaines de militants macronistes anonymes et radicalisés abreuvent les réseaux sociaux d'attaques ciblées comme une meute blessée. Maigre consolation, unanimement saluée, un parquet spécialisé dans les attaques sur internet sera créé, mais sans moyens supplémentaires pour la Justice.
Les "Progressistes" encadrent les retraites-chapeaux de quelques poignées de grands patrons français (et quel encadrement ! Il s'agira de réserver ces super-bonus à vie aux patrons qui ont effectivement travailler quelque temps dans l'entreprise... sic !), mais vont réduire les droits à retraite de l'ensemble du reste du pays. Courageux et démocrates, ils ont choisi de dévoiler la réforme des retraites au milieu du mois de juillet, quand l'attention populaire s'amollit sous la chaleur et grâce aux vacances. Comme Sarkozy en 2010. Les "Progressistes" ont renommé leur forfait: l'âge de départ à la retraite ne sera pas touché, mais il faudra davantage d'années de cotisations pour en bénéficier. Ce qui, compte tenu de l'âge plus tardif d'entrée sur le marché du travail et de carrières souvent hachées par des périodes de chômage, repoussent de facto l'âge de la retraite. Ce "progressisme" se fiche de savoir que l'âge en bonne santé ne recule plus depuis des années, que l'on vit certes plus longtemps, mais plus mal.
Le "progressisme" s'habille de gadgets législatifs ou marketings contre les inégalités femmes/hommes tout en restant inerte contre les féminicides.
En France, les riches et des puissants contribuent historiquement davantage qu'ailleurs en Occident à cette solidarité nationale: mais leur contribution s'est affaissée au fil des années. Grâce au "progrès en marche", les plus riches en France récupèrent enfin leur dû, c'est-à-dire davantage de revenus et de patrimoine à coup de défiscalisation, d'exonération, de libéralisation. Le "progressisme" que l'on nous vend est cette offensive souriante d'une minorité aisée, incarnée par des trentenaires aux allures de start-upers, pour casser dans les esprits le concept même de solidarité nationale et recycler les vieilles lunes conservatrices nées il y a 50 ans. Une minorité qui cache ses forfaits et son ambition derrière des gadgets, une novlangue, et faux-nez. Une minorité qui n'est qu'une nouvelle incarnation de cette droite recomplexée des années 2010.
Ce "progressisme" est un Thatchérisme sans couilles.
Il est porté par des cyniques ou des jeunes sans mémoire ni sens de l'Histoire. Sinon ils sauraient qu'ils sont du côté du manche, des puissants, des symboles qui évoquent Pétain, Thatcher et les 200 familles.
Ami sarkozyste ou macroniste, qui es-tu ?