Critique de Beaucoup de bruit pour rien, de Shakespeare, vu le 22 juin 2019 au Mois Molière
Avec Eric Laugerias, Arnaud Denis, Pierre Hélie, Clara Hesse, Etienne Launay, Bertrand Mounier, François Nambot, Violaine Nouveau, Georges Vauraz, Salomé Villiers, dans une mise en scène de Salomé Villiers et Pierre Hélie
Lorsque j’ai compris que je ne pourrai aller au Festival d’Avignon cet été, c’est sans doute Beaucoup de bruit pour rien qui fut le spectacle que je regrettais le plus de ne pas voir. Quelle ne fut pas ma surprise alors de découvrir que je pourrais le voir comme en avant-première au Mois Molière courant juin ! Moi qui n’avais jamais profité du Festival de spectacle vivant organisé chaque année à Versailles, c’était l’occasion toute choisie.
Dans Beaucoup de bruit pour rien, il est question d’un mariage qui ne se fera pas et puis finalement si – le mariage de Claudio et Hero. Après avoir intrigué pour rapprocher les deux jeunes gens, Don Pedro est trahi par son frère Don Juan, jaloux de l’union à venir, qui monte un coup pour faire échouer le mariage : il fait croire à Claudio que Hero n’est pas vierge en l’amenant à la fenêtre de la jeune femme un soir, après l’avoir préalablement écarté de la chambre et posté un complice. C’est la vue du complice, en ombre chinoise, qui provoquera la chute du mariage et les différents rebondissements de l’intrigue…
On m’avait prévenue avant le spectacle : certains éléments de décor étaient manquants et certains effets, ne pouvant se dérouler qu’en ambiance nuit, ne pourraient avoir lieu, le spectacle étant présenté à 20h30. Je m’apprêtais donc à être indulgente, je me rends finalement compte que l’indulgence n’a pas lieu d’être pour ce spectacle que j’ai trouvé très réussi, avec ou sans ces effets – il ne le sera que d’autant plus pour les chanceux qui le découvriront au Festival d’Avignon !
J’ai d’abord eu le grand plaisir de découvrir ce chouette texte de Shakespeare qu’on entend sans aucune difficulté. Certes, ce n’est sans doute pas le texte le plus complexe du grand Bill, mais cela ne nous empêchera pas de souligner une adaptation particulièrement réussie. La mise en scène est vive et les changements de décor à vue, spécialisation d’Avignon, ne pèsent pas sur le bon déroulement du spectacle. Les touches de modernité dans la musique se marient joliment aux costumes classiques, dynamisant le tout avec légèreté. Bref, côté technique, rien à redire.
J’ai été particulièrement ravie de découvrir Salomé Villiers, que je n’ai identifiée qu’aux saluts lorsqu’elle a remercié le public au nom de l’équipe. C’est une agréable surprise que de constater que la metteuse en scène s’est distribuée dans le rôle de Béatrice : en effet, ce personnage féministe haut en couleurs m’avait tapé dans l’oeil, tant dans sa partition que dans son incarnation, et je trouve que Salomé Villiers la sert à merveille, proposant une Béatrice pète-sec et touchante à la fois, cinglant ses répliques avec fougue mais sans jamais cabotiner.
Si je devais soulever un petit bémol, ce serait sans doute sur les parties plus burlesques chères à Shakespeare : pour aider à faire avancer l’intrigue, ce dernier fait intervenir des « officiers municipaux stupides » comme les décrit les didascalies, permettant à la fois de découvrir le mystère et d’offrir de bonnes tranches de rigolade au public. Je pense que ces intermèdes auraient pu être encore plus drôle, malgré la dégaine déjà particulièrement réussie de Arnaud Denis et de Etienne Launay dans les deux rôles. Ces scènes auraient peut-être mérité qu’on s’y attarde davantage pour en faire ressortir plus encore que les allures ridicules des deux personnages.
Un bon moment assuré à Avignon !