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Quelle place pour le storytelling dans les politiques publiques

Publié le 04 juillet 2019 par Dangelsteph
Quelle place pour le storytelling dans les politiques publiques

Le storytelling est très clairement actif dans le processus de décision des politiques publiques et dans la persuasion des décideurs et du public, pour peu que l'on s'assure de ne pas tomber dans la manipulation.

Cet article rend compte des travaux de recherche de Deserai Crow, de l'Université de Colorado Denver et Michael Jones de l'université d'Oregon State aux Etats-Unis, publiés en 2018 dans la revue scientifique Policy & Politics.

Comment donne-t-on du sens au monde qui nous entoure : avec des histoires !

Le moyen préféré utilisé par les gens pour donner du sens à un peu tout, c'est le média du récit. Dès les années 1960, des chercheurs avaient souligné que la création d'histoires sur nous-mêmes et sur les gens qui nous entourent, à titre personnel autant que pour nos relations en société, sur le passé et le futur, est ce qui nous permet de véritablement vivre.

Pourquoi les politiques publiques échapperaient-elles à ce phénomène ? Et bien, elles n'y échappent tout simplement pas. C'est juste du storytelling ordinaire. Aucune manoeuvre complotiste à voir là dedans. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'écrire un article pour dire que le storytelling politique n'est pas une malédiction.

Le processus réel de compréhension du monde qui nous entoure passe par la construction mentale de raccourcis, par souci de facilité et de rapidité. Cela nous permet de concevoir un monde qui correspond à celui ou celle que nous pensons être et à l'étendue de nos connaissances. Et c'est là qu'émerge la nécessité d'être vigilant pour ne pas sombrer dans les approximations voire les erreurs, que ce soit dans le registre du storytelling ou de toute autre action de réflexion, de décision et de communication.

Les illusions des connexions entre le storytelling et les politiques publiques

    L'illusion de la connaissance : les décisions et choix seraient faits en fonction et avec une recherche de connaissances sur le sujet, et seraient donc directement corrélés. Or, c'est faux. Daniel Kahneman, notamment, a bien expliqué combien l'illusion de rationalité est forte et que les décisions sont principalement prises sous l'influence des émotions.
    L'illusion de l'empathie : selon cette théorie, une histoire authentique déclencherait automatiquement un phénomène d'empathie du public, qui s'y reconnaîtrait et adopterait cette histoire comme sienne. Il y aurait ainsi une sorte d'empathie humaine universelle. Et cette empathie aurait une force persuasive d'une puissance surhumaine. La simple observation de ce qui se passe dans le monde, des tragédies qui s'y jouent, plaide pour une illusion plutôt que pour une réalité de cette empathie. Nous sommes tous le réceptacle d'histoires, certes, mais ces dernières sont filtrées par nos biais individuels. Une universalité est donc complètement utopique.
  • Rassembler des données sur le contexte de la thématique abordée : pour comprendre les faits, les émotions et les stratégies utilisées dans les politiques publiques. Cette étape nécessite de se pencher aussi sur les convictions de l'auditoire, et de faire une petite auto-évaluation de l'état de ses propres convictions. C'est la phase de l'exploration du contexte. S'ensuit bien évidemment une sélection de ces informations : celles qui seront effectivement incluses dans l'histoire. Cette sélection se fera (évidemment encore) au regard des convictions et des valeurs vécues par l'auditoire.
  • Installer l'intrigue : s'il n'y a pas de problème à régler, il n'y a pas besoin de politiques publiques, et il n'y a pas d'histoire non plus ! Le problème un impact négatif ou potentiellement négatif dans le domaine concerné. Et il implique naturellement l'identification des causes du problème.
  • Introduire des personnages : quel est leur rôle ? Qui sont les bons et qui sont les "méchants" ? Lesdits méchants ne sont pas des cibles à abattre : ils ont un rôle de modération dans l'histoire, de par leurs opinions divergentes.
  • Créer une vraie fin : avec soit un appel à l'action, soit une solution politique clairement formulée.

Comment utiliser intelligemment et sainement le storytelling dans le cadre des politiques publiques

Et pour avoir encore plus de pistes pour une pratique saine du storytelling, c'est par ici

Suivre ces quelques principes simples, c'est avoir une utilisation raisonnée du storytelling dans le cadre de l'action publique. L'objectif est bien entendu d'influencer autrui, mais sans plus (et sans moins) de malice qu'avec tout autre mode d'action dans la sphère publique.


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