L’acharnement à laisser mourir Vincent Lambert

Publié le 02 juillet 2019 par Sylvainrakotoarison

" Le 19 mai dernier, veille de sa mort programmée, [Vincent] a pleuré en nous voyant, nous en sommes encore bouleversés. " (Viviane Lambert, sa mère, le 1er juillet 2019 à l'ONU à Genève).

Dans un email adressé à chacun des membres de la famille de Vincent Lambert, son médecin au CHU de Reims a annoncé ce mardi 2 juillet 2019 qu'il a repris le même jour la procédure d'arrêt des traitements. En d'autres termes, Vincent Lambert est en grand danger de mort imminente, sans alimentation et sans hydratation. Un premier arrêt de traitements a eu lieu le 20 mai 2019 jusqu'à ce que la cour d'appel de Paris ordonnât de suspendre la procédure quelques heures plus tard, mais la Cour de cassation a cassé cette décision le 28 juin 2019.
J'ai déjà expliqué ici que Vincent Lambert n'est pas en fin de vie mais en situation de très lourd handicap. Sept établissements spécialisés ont déjà proposé de l'accueillir pour qu'il reçoive les soins adaptés à sa situation, ce qui n'est pas le cas dans l'unité de soins palliatifs du CHU de Reims où il se trouve. J'ai expliqué aussi pourquoi les décisions judiciaires et médicales d'arrêter son alimentation et son hydratation restent incompréhensibles.
Je propose ici la réflexion de deux personnalités qui sont très compétentes en matière d'éthique médicale et qui ont beaucoup réfléchi sur les problèmes que soulève "l'affaire Vincent Lambert".
Emmanuel Hirsch ne comprend pas, lui non plus, la précipitation du CHU de Reims à vouloir laisser mourir Vincent. Il est docteur en philosophie et professeur d'éthique médicale à l'Université de Paris-Saclay, par ailleurs directeur de l'Espace national de réflexion éthique sur les maladies neurodégénératives. Le 29 juin 2019, évoquant la décision de la Cour de cassation de la veille, il l'a qualifiée de " décision légale d'exclure M. Vincent Lambert de notre République exemplaire ".
Selon lui, alors que souvent, par le "syndrome du glissement", les patients tendent au contraire à vouloir mourir, " M. Vincent Lambert témoigne, résolu à vivre dans le confinement d'une chambre d'hôpital, d'un non abandon, d'un non renoncement à son existence. ". Par cet " acte de résistance ", Vincent nous enseigne " à sa façon, dans son étrange présence, celle d'un frère en humanité, une leçon de dignité, une sagesse et peut-être l'idée d'une forme inédite, voire paradoxale de résistance éthique ".
Et d'ajouter : " M. Vincent Lambert est le symbole de la vulnérabilité extrême dans le handicap et la maladie, le symbole d'une médecine qui réanime en des circonstances extrêmes et doute de ses obligations lorsque la tentative déçoit les promesses. ". Emmanuel Hirsch craint une évolution de l'application des lois de bioéthique, malgré un discours toujours lénifiant, prétendument soucieux des " valeurs humaines fortes et intangibles " alors que " la position du gouvernement a été de saisir la Cour de cassation afin que, dans l'urgence, elle valide le processus de sédation profonde et continue jusqu'au décès d'une personne en situation de handicap neurologique ".

Autre personnalité très compétente dans le domaine éthique, notamment parce qu'il a été membre du Comité consultatif national d'éthique de 1992 à 2004, le professeur Axel Kahn, généticien, qui vient d'être choisi président de la Ligue contre le cancer, a fait une déclaration importante sur ce thème dans la matinale de France Info le 2 juillet 2019.
En effet, il a posé peut-être la bonne question : " Ce que je vais dire n'est absolument pas de jeter l'opprobre sur personne, mais en théorie, ce que l'on veut éviter, c'est qu'une personne qui est ayant droit, même sans vouloir mal faire, ait des pulsions, des motivations pour envisager plutôt favorablement l'hypothèse d'une fin de vie. De ce point de vue-là, on voit bien qu'entre la mère et la femme, on peut se poser la question : qui a le moins de raisons de pouvoir avoir des motivations l'incitant à considérer que la fin de vie, pour sa propre vie à elle, est très importante. Donc, c'est un problème qui n'est absolument pas simple. ".
En clair, des deux "parties" (l'épouse qui veut la fin de vie de Vincent et la mère qui veut au contraire continuer à le soigner), qui a des motivations qui ne concernent pas seulement le bien de Vincent, mais aussi les conséquences sur sa propre vie ?
Je termine sur le cri désespéré de cette mère courageuse, justement, et complètement démunie face à cette froide procédure qui va tuer son fils dans les prochaines heures ou les prochains jours. Si le médecin a peut-être du cœur pour Vincent en choisissant la solution qui correspondrait le mieux à sa conscience, on peut se demander s'il a du cœur pour la mère de son patient en l'endeuillant, alors qu'elle s'est battue si longtemps pour que son fils vive et soit soigné dans un établissement adapté.
Elle a fait sa déclaration dans le cadre d'un colloque à Genève, le lundi 1 er juillet 2019 après-midi, au sein du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et dont je retranscris ci-après la bande vidéo.
" Madame la vice-présidente,
Je vous adresse aujourd'hui un appel au secours. Sans votre intervention, mon fils, Vincent Lambert, sera euthanasié par un médecin, en raison de son handicap cérébral. Il est en état de conscience minimale mais il n'est pas un légume ! Il dort la nuit, se réveille le jour, me regarde quand je lui parle. Il a seulement besoin de recevoir sa nourriture par une sonde. Et c'est d'elle que son médecin veut le priver pour le faire mourir alors que les experts judiciaires ont affirmé qu'il ne subit pas d'acharnement thérapeutique.
Le 19 mai dernier, veille de sa mort programmée, il a pleuré en nous voyant, nous en sommes encore bouleversés. C'est pourquoi nous avons saisi le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU, car la Convention des droits des personnes handicapées interdit de priver une personne de nourriture et de boisson en raison de son handicap. Sinon, ce serait une discrimination.
À deux reprises, ce Comité a demandé à la France de ne pas faire mourir Vincent. Mais le gouvernement français refuse, il viole de façon éhontée ses obligations internationales. Je vous supplie d'intervenir auprès de la France pour lui rappeler son obligation de respecter les mesures conservatoires prescrites par le Comité, et de ne pas faire mourir mon fils. Au-delà de mon fils, c'est la vie des 1 700 autres personnes qui partagent son état qui est menacée. Je vous en prie, aidez-nous. Je vous remercie. " (Viviane Lambert, le 1 er juillet 2019 à Genève).
Mes plus émues pensées pour Vincent et tous ceux qui l'aiment.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 juillet 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L'acharnement à laisser mourir Vincent Lambert.
Vincent Lambert, c'est nous tous !
Vincent Lambert n'est pas en fin de vie.
Vincent Lambert n'est pas encore sauvé...
François-Xavier Bellamy, la dignité et l'instrumentalisation de Vincent Lambert.
Vincent Lambert doit-il mourir ?
Déclaration de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, sur Vincent Lambert le 13 mai 2019 (texte intégral).
Réflexion du Père Bruno Saintôt, directeur du département Éthique biomédical aux facultés jésuites de Paris, sur Vincent Lambert le 13 mai 2019 (texte intégral).
Déclaration de la Conférence des évêques de France sur la fin de vie le 22 mars 2018 (texte intégral).
Vincent Lambert, sa vulnérabilité et son droit à la vie bafoué.
Le destin tronqué de Vincent Lambert.
Vincent Lambert entre la vie et la mort.
La tragédie judiciaire et médicale de Vincent Lambert.
Le retour de la peine de mort prononcée par un tribunal français.
Le livre blanc des personnes en état de conscience altérée publié par l'UNAFTC en 2018 (à télécharger).
Vincent Lambert et la dignité de tout être humain, des plus vulnérables en particulier.
Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
Le départ programmé d'Inès.
Alfie Evans, tragédie humaine.
Pétition : soutenez Vincent !
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