L'informatique quantique n'est désormais plus un concept de science-fiction. Tandis que ses promesses commencent à faire rêver, entre autres, les spécialistes du traitement de l'information, la menace qu'elle fait peser sur les standards de cybersécurité chargés de protéger toutes nos données dans l'espace numérique devient aussi une réalité.
La maturité approche à grands pas. Les experts, industriels et académiques, espèrent être en mesure de développer d'ici 5 à 10 ans les premiers ordinateurs susceptibles de prendre en charge des problèmes inaccessibles aux matériels conventionnels. À peine plus tard, dans 10 à 15 ans, pourrait ensuite émerger une génération de calculateurs quantiques « universels », ouverts à des applications génériques. Les procédés cryptographiques assurant la sécurité de nos vies « digitales », incapables de résister aux attaques concoctées avec ces nouveaux outils, seront alors obsolètes.
L'échéance peut paraître lointaine, mais quand on mesure l'impact d'une telle évolution, par exemple sur la confidentialité des communications (en ligne ou par téléphone) ou encore sur les moyens d'authentification (par mot de passe ou biométriques) utilisés pour toutes sortes de services (dont ceux de la banque), l'urgence devrait se faire sentir. C'est la raison pour laquelle la néerlandaise ABN AMRO, directement concernée, entame maintenant une collaboration opérationnelle avec un acteur de pointe du domaine.
L'objectif que poursuit l'institution financière avec son partenaire, QuTech, ne se contente pas – bien que ce dernier soit une émanation de l'université technologique de Delft – de recherche fondamentale et de publications scientifiques. Il s'agit également de concevoir l'internet sécurisé de demain et d'en implémenter (au moins) un prototype. Dans cette optique, la participation d'acteurs économiques potentiellement touchés par les défis de l'informatique quantique (l'opérateur téléphonique KPN en est un autre) répond au besoin critique d'inscrire le projet dans des cas d'usage concrets.
Du point de vue de la banque, l'engagement dans une initiative de ce genre est probablement une première, qui devrait inciter ses consœurs à se pencher sérieusement sur les implications des technologies quantiques pour leurs métiers. Entre celles qui ignorent le sujet et celles qui n'y voient qu'une opportunité (lointaine) de perfectionner leurs capacités d'intelligence artificielle, il semble utile de rappeler que la mort annoncée des mécanismes de sécurité actuels aura des conséquences considérables sur leurs services et que la préparation à ce cataclysme sera bientôt une priorité.