de Christiana Dalcher
Roman - 420 pages
Editions NiL - janvier 2019
La docteure Jean McClellan a passé sa vie à la recherche en neurosciences. Mais depuis que le nouveau gouvernement des Etats-Unis est en place, les femmes sont condamnées à rejoindre leurs foyers, s'occuper de leurs familles, et compter leurs mots : chacune s'est vue dotée d'un compteur, avec un quota limité à 100 mots par jour, sous peine de décharge électrique croissante. Mais un (beau) jour, on fait appel à Jean afin de sauver le frère du Président qui vient de faire une attaque. En contrepartie, elle pourrait s'affranchir, tout comme sa jeune fille Sonia, du quota de mots. Elle est heureuse de retrouver une occupation professionnelle, des collègues, et également son amant Lorenzo… Mais peu à peu, elle s'aperçoit que c'est un projet de grande ampleur qui se décide, autour de la maîtrise d'un remède contre l'aphasie de Wernicke, mais aussi son contraire, qui pourrait provoquer cette aphasie…
A la fois irréel, totalement fantasmé, ce monde aux femmes muselées apparaît presque palpable lorsqu'il est raconté de l'intérieur de la famille de Jean, où Sonia, Jean n'ont pas la même liberté d'expression que Patrick et les trois garçons. Et les choses ne vont pas en s'améliorant. Extrait :"- J'avais un problème familial. Ma voisine était censée garder ma fille, mais…"Il me coupe en fermant le gros classeur sur son bureau. Il place un bloc-notes dessus pour que je ne voie pas l'étiquette. Puis il se renfonce dans son fauteuil, les mains derrière la tête, les coudes déployés. Il doit penser que ça lui donne un air plus puissant, plus imposant."- Vous voyez, voilà pourquoi l'ancienne méthode ne marchait pas. Il y avait toujours quelque chose. Toujours un gamin malade, ou un spectacle de fin d'année, ou des douleurs menstruelles, oui un congé maternité. Toujours quelque chose."J'ouvre ma bouche, mais pas pour parler. Juste parce que ma mâchoire se décroche d'incrédulité.Morgan n'a pas terminé. Il attrape un stylo, et fend l'air avec. "Il faut bien que vous vous le mettiez en tête, Jean. On ne peut pas compter sur vous, les femmes. Le système ne fonctionne plus comme il fonctionnait. Prenez les années cinquante. Tout allait bien. [….] On n'avait pas besoin de la main-d'œuvre féminine. Vous comprendrez, une fois que vous aurez surmonté votre colère." Etant dans une période de visionnage de la série The Handmaid's Tale, je ne peux que voir une similitude avec ce roman dystopique, comme une nouvelle alerte sur la possibilité de l'exercice d'un pouvoir contre les droits élémentaires des femmes par une classe dominante masculine. Peu à peu le récit vire à l'intrigue, au suspense, à la machination, mais c'est alors que je l'ai trouvé moins intéressant et moins fluide. Peut-être aussi à cause de certaines maladresses dans le récit ou dans sa traduction :"Toutes les mains gauches que j'aperçois ont un anneau doré au quatrième doigt de la main gauche."Ce roman est captivant, glaçant, alarmant, avec une plume ironique, grinçante car le personnage de Jean n'est pas une victime consentante. La dernière partie du roman est un peu décevante.
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