La plasticienne Christine Delbecq a réalisé une série de collages de papier canson rouge sur bois dont les interstices dessinent une sorte de boîte : y sont posés des lignes déchirées de papier blanc et des tracés au feutre noir, comme des « élans de corps (...) cherchant leur place ». Le poète Jacques Moulin rebondit sur quinze de ces dessins, reproduits en couleur dans un format oblong, à l’aide de courtes proses poétiques, chacune développant son espace propre, parfois en regard du dessin dont on saisit les éléments d’interprétation, parfois détachées. Soulignant à sa manière la notion de série et de format, il choisit de construire ses poèmes à l’aide d’une anaphore (« C’est ») et d’une épiphore (« angles ») : la dimension descriptive s’en trouve confortée mais l’objet des textes n’est pas de redoubler le dessin, au contraire il s’agit d’en proposer une lecture interprétative, qui associe à ces éléments descriptifs ce que l’imaginaire peut libérer. Ainsi de ces deux débuts : « C’est un chantier. Formes érigées segments dégrossis lignes en suspens. » ; « C’est un cabinet de travail pour gens de cirque. Un seul coup de fouet a embrasé l’espace. » L’écriture en phrases de longueur variable mais sans virgules renforce ce jeu fixité / mouvement et l’impression de liberté qu’il peut provoquer, ici par une accumulation qui fait précipité, là par des décalages métaphoriques, par exemple. Mélange de stable et d’instable comme le montrent ces espaces mis en abîme dans lesquels ont dansé les gestes de l’artiste.
Ludovic Degroote
Christine Delbecq (dessins) et Jacques Moulin (textes), Au lieu rouge, 27 p., 12 €*
*Commande de ce livre au prix modique à l’adresse suivante : 2 impasse de Franche-Comté - 21850 – Saint-Apollinaire