Burqa : le Conseil d'Etat a commis une erreur

Publié le 15 juillet 2008 par Bernard Girard

Crédit photo : Mohamed Somji/FlickR

Tout le monde est semble-t-il d'accord avec la décision du Conseil d'Etat de refuser la nationalité française à une marocaine mariée à un Français au motif qu'elle porte une burqa, signe d'une soumission à son mari étrangère à nos valeurs. Je comprends et partage beaucoup des arguments et inquiétudes des partisans de cette décision. Elle me met, cependant, mal à l'aise.


Je sais bien que cette femme a eu une attitude provocatrice : il lui aurait juste fallu se présenter avec un voile plus léger pour obtenir ses papiers. Et que cette provocation est en elle-même intrigante : naïveté? volonté de tester la justice? de faire jurisprudence?
Je sais également combien la burqa est synonyme d'oppression féminine et je ne souhaite pas plus que quiconque voir nos rues emplies de femmes portant ce voile (comme à Londres, par exemple). Et pourtant tout cela me laisse un mauvais goût dans la bouche. Trois raisons me font douter du bien fondé de cette mesure :
  • Si cette femme avait été Française, lui retirerait-on la nationalité sous prétexte que son vêtement contrevient à nos valeurs ? Prendrait une quelconque action pour lui enseigner les valeurs de la République et la reformater? Je ne crois pas.
  • Cette femme est semble-t-il complètement soumise à son époux, mais lui aurait-on refusé la nationalité française si elle avait été célibataire ou veuve, si le port de ce voile était le fruit d'un choix volontaire ? Sans doute.
  • Le port de la burqua n'est qu'un signe parmi bien d'autres de la soumission d'une femme à son mari. C'est, au mieux, le plus visible, rien de plus Va-t-on dorénavant demander aux fonctionnaires chargés de ces questions d'aller vérifier que les candidates à la nationalité française sont libres et autonomes? Et sur quels critères?


Je crains que dans cette affaire le conseil d'Etat ne se soit égaré et n'ait commis une double faute :

  • il n'est pas dans ses missions de définir ce que sont les valeurs de la République, en s'attribuant ce rôle il va au delà de ce que 'on attend de lui ;
  • il a introduit dans la procédure d'attribution de la nationalité française un critère qui risque d'ajouter à l'arbitraire. En ces affaires mieux vaut s'en tenir à des critères indiscutables comme la durée du séjour en France, des enfants nés en France, la connaissance de la langue française