Ayant suivi le travail de Jean-Pascal Dubost depuis ses premières publications et dès sa première lecture publique, ouvrir ce second tome de & leçons & coutures était retrouvailles. De fait, comme dans le précédent, on voyage en littérature à travers des constructions et jeux multiples, en référence à des auteurs variés comme l'inusable Hugo, la regrettée Collobert, les sémiologues et linguistes distingués que sont Barthes, Bakhtine, ou Greimas. Enfin, à l'instar de Novarina ou Rabelais, auxquels il renvoie, Jean-Pascal Dubost dans une manducation jouissive goûte de la langue tous les états, les parfums, les transformations.
À commencer par Dubost, lui-même, rien de raide ni de compassé dans ces rencontres. Pour les auteurs, ainsi que pour les lecteurs à venir, que le scribe, ouïssant en Brocéliande, a convié ces leçons et coutures sont fête de la littérature : une fête pour l'esprit où les amateurs de mots sont rois joyeux, ludiques et complices.
Fête de l'esprit car s'il est toujours soucieux de travailler sur et au cœur de la langue, Jean-Pascal Dubost brise les formes, les desserre, les fluidifie. Déplacées par petites touches, légères, les contraintes grammaticales deviennent sources d'un autre langage propre à l'auteur et riche d'autres contraintes assumées (99 poèmes de 9 lignes, par exemple) qui lui sont propres. Il y a là sur le mouvement d'un texte, sur sa grammaire, revue et titillée, un travail formel, ciselé, qui fait de ces petits textes de purs joyaux d'orfèvrerie littéraire.
Fête de l'esprit encore par le vocabulaire choisi. L'usage sans vergogne de mots récents dans la langue vernaculaire, nouveaux ou étrangers, (surtout de l’anglais (crak [sic], tweet, french poetry), de mots anciens retrouvés et remis au goût du jour, (molt, moult, moy) sans oublier les néologismes et mots-valises qui poussent à foison (l'éthernité, précrolatreur, gonzeuse à tadon) sont autant de clins d'œil au lecteur. Ne craignant pas la pratique de calembours chère à certain journal satirique bien connu, tel le « trêve à quatrefeuilles » (sur Ronsard, p.84), Jean-Pascal Dubost offre au lecteur de jouir, à corps perdu, avec la langue. Ce qui n'est pas pour déplaire...
Certes, des esprits chagrins pourraient objecter qu'il s'agit là d'un baroquisme pédant. S'ils étaient jaloux et de culture étriquée, ils trouveraient sans doute ces textes trop savants, surannés, voire précieux. D'autres plus féroces encore, (ou ignares ?), les diraient même abscons et bavards.
Rien de grave : simplement, au fil de ces 99 poèmes en prose, ils seront passés à côté d'une thématique constante, où se révèle infusant dans la parole de l'autre (Pizan, Roche, Loizeau, Machaut, etc.) l'art d'écrire de Jean-Pascal Dubost. Leur serait apparu, s'ils y avaient prêté attention, une construction discrète mais solide, serrée, où s'exprime l'exigence d'un auteur : « La main à la syntaxe pleine de terre et sous les ongles, tu regardes rustrement royaux les Korbeaux de ton Totem voler au-dessus de ta prose avec une encre intacte …. » (Sarah Kirsch, p.94).
Plume qui dessine, sur le blanc de la page, l’orbe noir où palpite la joie du poème.
Christian Vogels
Jean-Pascal Dubost, &leçons & coutures II, éditions Isabelle Sauvage, 2018, 116 pages, 16€.